HISTOIRE
DES
ANCIENS SEIGNEURS
DE COUCY
Reproduction intégrale de la notice du sieur JOVET
(XVIIe SIÈCLE)
INDEX
Histoire des anciens seigneurs de Coucy ENGVERRAN I. THOMAS DE MARLE
ENGVERRAN II.
RAOVL I.
ENGVERRAN III.
RAOVL II.
ENGVERRAN IV.
ENGVERRAN V.
GVILLAVME
ENGVERRAN VI.
ENGVERRAN VII.
MARIE DE COVCY
La maison de Boves, doù celle de Coucy tire son origine, étoit autrefois une des plus grandes Baronies du Royaume, et si puissante qu’il y en avoit peu de son tems qui la put égaler ; elle a tiré son nom d’un ancien Château proche la ville d’Amiens, et sa principale splendeur d’un Seigneur apellé Dreux ou Drogon, qui fleurissoit durant les Regnes de Robert, Henry I. et Philippes I.
Ce Seigneur laissa après sa mort sa femme, dont on ne sçait pas le nom, mere de trois fils ; sçavoir Enguerran I. du nom, qui fut Seigneur de Boves, de Coucy, et de la Fere, et Comte d’Amiens, de Robert de Boves, et d’Anceau de Boves.
C’est donc de cette ancienne Maison de Boves que celle de Coucy tire son origine, et ainsi nous commençons cette petite Histoire par Enguerran I.
Outre les grandes Terres que ce Seigneur possedoit, avec le titre de tres-noble Prince, que lui donne Guibert Abbé de Nogent, qui vivoit de son tems ; il fit des alliances avec les plus grands Princes de l’Empire, et suivant le témoignage de cét Abbé, il s’empara du Domaine et du Château de Coucy.
Voicy comment. Clovis premier Roi Chrétien, ayant été baptisé par saint Remy Archevêque de Reims, il lui donna entre autres lieux, celui de Coucy, avec le territoire circonvoisin nommé Mege, dans le païs Laonnois, dont cét Archevéque jouit tant qu’il vècut, et par son Testament le donna à son Eglise de Reims. Herivée Archevêque depuis lui, qui vivoit du tems de Charles le simple, y fit bâtir une Forteresse considerable, au raport de Flodoard Auteur de ce tems, qui la toujours ensuitte appellé Château de Coucy ; car en l’année 927, il écrit que les enfans de Roger Comte de Laon, ravagerent tous les lieux circonvoisins de Coucy, Château de l’Archevêché de Reims.
Ce Domaine passa ensuite dans la Famille de Hebert Comte de Vermandois, par la donation que le Roi Raoul fit de cét Archevéché à Hugues fils de ce Comte, à qui il appartenoit encore en 930. II passa après la mort d’Hebert, entre les mains de Hugues le grand Comte de Paris, son beau frere, et de Thibaut Comte de Tours, et de Chartres, son Gendre.
Le même Flodoard parle de ce Château, comme d’une des principales Forteresses de France, dépendant de l’Abbaye S. Remy de Reims, laquelle y étoit annexée, si bien qu’en ayant été desunie sur le déclin de la deuxième race de nos Rois, Coucy fut aussi laissée entre les dépendances de cette Abbaye, et quoy que cette Place passa depuis en d’autres mains, cette Abbaye se reserva toujours soixante sols de cens par chacun an, ce qui a continué jusqu’à Alberic ou Aubry Seigneur de Coucy, personne de marque, qui vivoit sous le regne de Philippe I. quatrième Roi de la troisiéme race.
Enguerran de Boves usurpa cette Seigneurie sur Alberic, les anciens Auteurs ne s’expliquent pas sur les raisons qu’il en avoit, ni sur les moyens desquels il se servit, mais il en demeura paisible possesseur, et aprés lui sa postérité qui en prit le nom. Il ajoûta a toutes ces Seigneuries, celle de Marle par le mariage qu’il contracta avec Ade de Marle. fille de Letard de Roucy, d’où est sorti Thomas de Marie.
Cét Enguerran ayant un peu d’inclination pour le sexe, dégoûté d’ailleurs par la méchante conduite d’Ade sa femme, se laissa tellement gagner par les caresses de Sybille de Porcean, femme de Godefroy Comte de Namur son cousin, qu’il l’épousa solennellement, après la mort d’Ade, son mari encore vivant, au sujet de quoi il attira sur lui les Anathemes de l’Eglise, qui furent depuis levés par Enguerran Evéque de Laon son parent, laquelle conjonction produisit entre les deux maris une si grande division, que les effets en furent sanglans par des guerres cruelles qui causerent de grands desordres dans le Comté de Porcean, ce qui arriva auparavant l’an 1100, auquel tems Godefroy s’étoit déja remarié avec Ermenson de Luxembourg.
Mais quoi qu’Enguerran se laissa emporter de la sorte à sa passion, il fit pourtant paroître sa pieté et sa liberalité envers plusieurs Eglises prés d’Amiens, qu’il dota de grands biens, et celles de S. Nicolas aux bois, de Nogent sous Coucy, et de S. Vincent de Laon.
Il fonda aussi le Prieuré de Plainchastel, et en fit donation à l’Abbaye de Nogent en 1095, qu’il confirma en 1107.
Il paroît par les chartres et les memoires du Thresor de Coucy, et par quelques Auteurs, que pendant le regne de Philippe I. les Turcs faisans de grands outrages aux Chrétiens, semblans vouloir perdre toute la Chrêtienneté, cét Enguerran accompagné de Robert et d’Anselme de Boves, ces deux freres, animez tous trois d’un saint zele et d’un courage magnanime, entreprit d’aller combatre cét ennemy commun, emmenant avec lui Thomas de Marle son fils, et plusieurs grands Personnages de ses parens et alliez ; entr’autres Bodoüin Comte de Hainaut, et Bodoüin de Retel, dit de Bourg, depuis Roi de Jerusalem ; les Seigneurs de Barlemont, de Longueval, de Châtillon sur Marne, de Chin, et de Torsy ; leur voyage fût si heureux, et Dieu favorisa tellement leur entreprise, qu’il défirent l’armée du Soldan d’Egypte. l’Histoire porte que cet Enguerran étoit Chef des troupes Françoises, et cette autre particularité, que comme l’armée des Infideles vouloit surprendre celle des Chrétiens, s’en étant approché d’assez prés, cét Enguerran, et ses freres ayans voulut prendre leurs Cottes d’armes, qu’ils n’avoient pû avoir, parce qu’elles étoient engagées dans leur bagage, qui étoit éloigné d’eux ; ils couperent leurs Manteaux qui étoient d’écarlate, fourré de pannes de vair, et en distribuerent des pieces aux autres Seigneurs, qui les percerent, firent passer la teste dedans, et en firent des Bannieres ; et pour une éternelle memoire de cela, il résolurent de ne plus porter d’autres armes que celles du métail et des couleurs qui se rencontrerent en ces pieces de drap rouge et de vair, selon la devise qui en fut faite par le Heraut d’armes du Roi de Hongrie, Blazon que tous ceux de cette Maison ont toujours conservé, comme des marques glorieuses de la vertu de leurs Ancestres. Voicy ces Armes.
DE COUCY.
Fassé de vair et de gueulle de six pieces.
Cét Enguerran a possedé de tres-belles qualitez, et a fait des actions fuit illustres dans sa vie.
On ne sçait portant pas précisement en quel tems il mourût, ni l’endroit où il fût inhumé, non plus que la Comtesse Sybille, qu’Erman Auteur de ce tems qualifie sa derniere femme, qui l’a survécu de quelques années ; Ce même Auteur écrit d’elle, qu’après la restauration de l’Eglise de Laon, qui avoit été brûlée en 1112, elle serra plusieurs Vaissaux precieux dans cette Eglise, les y croyant en seureté plus qu’en aucun endroit, cette Place étant une des Forteresses de France, des plus considerables.
Il laissa trois enfans ; sçavoir, Thomas de Marle, qu’il eût d’Ade de Made, sa premiere femme ; et un autre dont on ne dit pas le nom, et ce qu’il est devenu ; et une fille qu’il eût de la fille du Roi d’Ecosse qu’il avoit épousé en seconde nopces, laquelle fille Enguerran maria à un Gentilhomme nommé Guy, qu’il établi gardien et défenseur de sa Seigneurie de Coucy, contre Thomas son propre fils qu’il n’aimoit pas, le voulant desheriter, comme écrit Guibert de Nogent, ce qui fait connoître que ce Guy, fût lors institué Châtelain de Coucy, y ayant fait depuis sa résidence. De ce Guy est venu Roger Châtelain de Coucy. Et de Noyon, Seigneur de Torote, qui épousa Hadevuide niece de Mathieu I. du nom. Seigneur de Montmorancy, Connétable de France ; duquel mariage sont issus Guy II. du nom Châtelain de Coucy, Jean de Coucy, Châtelain de Noyon, et de Torote qui épousa Alix de Dreux, Pincesse du Sang royal, et Yves de Coucy surnommé de Torote.
Coucy, de Marle, de la Fère et
de Boves, Comte d’Amiens.
Ce Thomas le seul fils d’Enguerran I. et d’Ade de Marle, ayant pris au commencement le nom de Marle comme heritier de sa mere, se rendit depuis fort fameux sous ce Titre, qui lui demeura tout le reste de sa vie ; il prit neanmoins à la suite le nom de Thomas de la Fere, et après la mort de son pere, celuy d’Amiens et de Coucy, retenu par les ainez de sa Maison.
Il épousa en premiere noces Yde de Hainaut,
fille ainée du Comte Bodoüin de Hainaut I.
du nom, et d’Yde de Louvain sa femme.
HAYNAUT.
Chevronné d’or et de sable de six pieces.
Albert, Chanoine d’Aix la Chapelle, en son Histoire de Jerusalem, parle de lui comme d’un des plus illustres Seigneurs, d’entres ceux qui firent le voiage de la Terre sainte, ayant toujours paru dans les entreprises les plus considerables. Néanmoins Guibert Abbé de Nogent, et Suger Abbé de S. Denys, qui dépeignent ce Thomas de Marie comme un des plus cruel de son tems, disent qu’après son retour de la Terre sainte, il se remaria incestueusement avec une de ses parentes, dont ils ne disent pas le nom, au sujet duquel mariage il devint Seigneur, entre autres lieux, du Château de Montaigut prés de Laon, dont la Forteresse extremement considérable, augmenta tellement sa puissance, qu’il se rendit tout à fait redoutable à tous ceux du Païs, Enguerran son pere en eût de grands mècontentemens, ce qui, joint à la hayne qu’il lui portoit déja, lui fit entreprendre de le chasser de cette Place ; effectivement il y mit le siege, son armée étant assez forte, mais Thomas de Marle ne voulant rien risquer, sortit avec adresse la nuit de son Château, auparavant que la tranchée fût ouverte, et alla demander secours à Loüis de France, depuis Roi sous le nom de Louis le Gros, qu’il lui accorda, y étant même venu en personne avec sept cens Chevaux, ce qui obligea les assiégeans de se retirer, au moyen dequoy Thomas rafraîchit la Place de vivres et de gens de guerre.
Il ne conserva pourtant point lomg-tems cc Château, car un divorce étant survenu entre lui et sa femme à cause de la consanguinité qui étoit entr’eux, elle reprit son bien, et Thomas fût obligé de s’en désaisir ; ensuite dequoy, il se remaria en troisième noces avec une autre Dame appelée Milesende, qui étoit fille d’un Seigneur, que Barthelemy Evéque de Laon, nomme Guy de Crecy, elle luy apporta en mariage la Terre et Seigneurie de Crecy en Laonnois, qui a été possedée depuis par les Seigneurs de Coucy. Sitôt qu’il fut en possession de ce lieu, il en fit une forteresse, et à l’abry qu’il fut de celle-cy et de celle de Marle, il exerça plusieurs violences dans tout le Païs & les lieux circonvoisins, n’épargnant ni les gens d’Eglise, ni les Pelerins, ni les Marchands, ni les Habitans du Païs, ce qui le rendit extremément redoutable.
En l’année 1112, Les Habitans de Laon ayans tué Gualderic leur Evêque, ils appellerent Thomas de Marle, qu’ils introduisirent dans leur Ville, pour les défendre contre les armes du Roi Louis le Gros, dont ils avoient sujet d’apprehender la juste indignation ; mais comme il reconnût leur foiblesse, il persuada aux coupables d’en sortir, et de se retirer avec lui dans ses Châteaux ; ce qui donna lieu au Païsans cireonvoisins, voyant la Ville ainsi abandonnée, d’y entrer, et d’en piller toutes les maisons.
Le pays d’Amiens ne ressentit pas de moindres atteintes de sa part, il y fit mille desordres, ce qui obligea Loüis le Gros de s’y transporter, et après l’en avoir chassé, il le poursuivit jusqu’à Marle, où il mit le Siege, mais comme cette Place étoit forte et bien munie, elle resista deux ans entiers, pendant quoi, Thomas de Marle ne laissoit pas d’exercer ses violences ordinaires, comme il paroit par ce qui suit.
Ayant été averti un jour que Gautier, Archidiacre de l’Eglise de Laon, Auteur de la rebellion des Bourgeois d’Amiens, frere uterin de la Comtesse Sybille sa belle mere, et qui avoit procuré son alliance adulterine avec Enguerran son pere, étoit en campagne, il le fit tomber ma1-heureusement dans des embuches qu’il lui avoit fait dresser, lequel assassinat joint aux autres excès qu’il avoit commis, fit que les Prelats de France, en un Consile assemblé alors à Beauvais, obligerent le Legat du S. Siege, qui y presidoit, de lancer le foudre de l’excommunication contre lui.
Suger raporte qu’il y fût dégradé de l’Ordre de Chevalerie, excommunié et déposé de tous ses honneurs. Le Roi d’un autre côté leva de nouvelles Troupes contre lui, et força enfin ses Châteaux de Crecy et de Nogent, qu’il détruisit ensuite, et punit de divers supplices ceux qui se trouverent dedans complices de la mort de Gualderic. La Tour d’Amiens fût aussi contrainte de se rendre à Sa Majesté, qui la fit démolir, et priva Thomas de Marle, et les siens, de la domination qu’il avoit dans la Ville, ce qui l’ébranla si fort, quoi qu’il se crût tout à fait en seureté dans son Château de Marle, qu’aprés avoir offert de grandes sommes d’argent au Roi, et de reparer tous les torts qu’il avoit fait aux Ecclesiastiques, il rentra en grace avec son Prince, et dans la Communion de l’Eglise.
Peu de tems après voulant effacer en quelque maniere les tâches de ses actions passées, il commença à exercer des oeuvres de pieté et de devotion envers les Pauvres et les Eglises, il dotta entr’autres l’Abbaye de Premontré de plusieurs biens considerables, et assista à la consécration de l’Eglise qu’en fit l’Evêque Barthélemy.
Mais ayant repris six ou sept ans après le train de ses premieres violences, il en reçut enfin la punition ; car le Roi ému par de nouvelles plaintes qu’on faisoit contre lui et par le conseil de quelques Prelats, alla le bloquer dans son Château de Coucy, d’où étant un jour sorti pour attirer les Assiegeans dans ses pieges, Raoul Comte de Vermandois le blessa d’un coup mortel, le prit, et le presenta au Roi, qui commanda de le mener à Laon, où le Roi alla dés le lendemain pour lui faire son procés, il en fût pourtant quitte pour quelque satisfaction, mais peu de tems après, il finit sa vie d’une façon tout à fait étrange.
Il avoit usurpé sur l’Abbaye de S. Vincent de Laon, plusieurs Domaines qui avoient été donnés à cette Abbaye par Enguerran son pere, et les avoit injustement retenus jusques alors ; Milesende sa veuve et Enguerran son fils ainé les restitueront tous après sa mort, à l’Abbé Anselme, en presence de Barthelemy Evéque de Laon, qui en expedia les Lettres eu 1131. Il laissa cinq enfans ; sçavoir Yde de Coucy, nommée Basilie ; et Beatrix de Coucy, qu’il eût d’Yde de Hainaut, sa premiere femme ; Et Enguerran II. du nom, Robert I. et une fille dont ont ne sçait pas le nom, de Melisende de Crecy sa derniere femme.
Yde de Coucy épousa en premieres noces Allard de Cimay, surnommé Polliere, qui étoit un des Pairs du Comté de Haynaut ; Et en secondes noce:, Bernard d’Orbais. Beatrix de Coucy épousa Evrard Seigneur de Breteuil en Beauvoisis, qui mourut avec Enguerran II. son beau-pere en la Terre sainte.
Enguerran II du nom, continua la branche des Seigneurs de Coucy, dont il sera parlé cy-aprés.
Robert I. du nom, Seigneur de Boves et Comte d’Amiens, qui accompagna Louis le Jeune en son voyage d’outremer, épousa Beatrix fille du Comte de S. Paul surnommé Candavene, lequel eut guerre contre Philippe Comte de Flandres, à cause du comté d’Amiens, que Raoul comte de Vermandois luy avoit ôté. Robert son fils heritier de ses vertus et de ses biens, fut fort considéré de Philippe Auguste, il fut tué au siege d’Acre en 1191, laissant trois fils qui furent à la conquête de Constantinople, et qui se trouverent aussi à la journée de Bouvines. La cinquième fut N .... de Coucy qui épousa Adelelme fils d’Adam, et depuis Hugues, Seigneur de Gournay du Païs de Caux.
de Coucy, de Marle, de la
Fére, de Crecy.
Enguerran II. Sire de Coucy, fils aîné de
Thomas de Marle, s’étant mis en possession, par la mort
de son pere, des Seigneuries de Coucy, de Marle, de la Fère,
et de quelques autres, le Roi Louis le Gros, et Raoul Comte de
Vermandois, qui avoit poursuivi la mort de son pere, ne le laisserent
pas sitôt en repos ; car en 1132. son Chateau de la
Fére fût siegé par le Roi, depuis le 7. May jusq’au
9. Juillet de la méme annee ; Neanmoins ceux qui le défendoient
resisterent vigoureusement, mais enfin la paix se fit par l’Alliance
d’une Niece du Comte Raoul, fille de sa soeur germaine, et proche parente
du Roi, laquelle épousa nôtre Enguerran, si bien qu’il
fût allié à la Maison Royale, par ce mariage qu’il
contracta avec Agnes de Baugency, fille de Raoul de Baugency et de
Mahaut de Vermandois, cousine germaine de Loüis le Gros.
BAUGENCY.
Eschiqueté d’or et d’azure à une
fasse de gueulle.
Cét Enguerran qui étoit un des illustres
et des plus hardis de son tems, a fait des actions fort memorables ;
c’est lui qui par son courage et son adresse, a surmonté la
force d’un Lyon dont l’Histoire est si fameuse dans le Païs,
comme il paroit par ce qui suit.
Ayant été averti qu’il y avoit dans sa Forest de Coucy, et dans les lieux circonvoisins, des Bêtes sauvages qui y faisoient de grands desordres, et qu’il y en paroissoit une épouventable entr’autres ayant la figure d’un Lyon, qui allarmoit tous les Villages d’allentour, le désir de la combatre, lui fit chercher le lieu où elle se retiroit ordinairement, et l’ayant rencontré ; il s’attacha tellement à elle, qu’après l’avoir assez long-tems combatuë seul, il la tua, en memoire de laquelle victoire, la figure de cette Bête qui avoit la ressemblance d’un Lyon, fut taillée en pierre avec sa grandeur et sa grosseur, telle qu’elle se voit encore aujourd’huy dans la place de Coucy, pour servir à la postérité de marque et de Trophée de cette insigne Victoire.
Le vulgaire veut que la celebre Abbaye de Prémontré ait été bâtie au lieu méme où cette bête fut tuée ; mais comme tous les Auteurs de ce tems n’en font aucune mention, et qu’il ne se trouve aucune chose dans la fondation de cette Abbaye qui ait raport à cela, je n’ay pas crû le devoir avancer comme une chose digne de foy ; ce qui paroit de vraysemblable en cette Histoire, est le combat de cette Bête par ce Seigneur de Coucy, dont la figure fût alors taillée en relief, et incorporée à la grosse Tour de Coucy, au-dessus de la porte, telle qu’elle paroit ci-avant.
Des Fêtes de réjouissances furent alors instituées en l’honneur de cét Enguerran, et une Ceremonie qui s’observe encore présentement par l’Abbé de Nogent, qui est de la fondation de cette Maison, lequel est obligé de présenter trois fois l’an des Rissoles au Seigneur de Coucy, ou à ses Officiers dans la Place où est à present ce Lyon, et ce en presence de ces mémes Officiers qui en font Acte et Registre, cette Ceremonie a toûjours continué jusques à present, en memoire et en considetion du bien et du repos que les Habitans du PaÏs ont eû en la mort de cette cruelle Bête ; voicy comment elle se pratique, l’Abbé de Nogent, ou son fermier en sa place, vêtu d’un habit de Laboureur et de Semeur, le foüet à la main, doit paroître dans la Place de Coucy, monté sur un Cheval propre à aller à la charuë, auquel il ne doit rien manquer, pas seulement un cloud ; et faisant plusieurs tours en claquant son fouet, est arrêté et visité de toute part, et s’il ne manque rien à son équipage, il est reçeu à faire les foys, hommages, et les presens, dont il vient d’être parlé, ce qui se fait à Noël, à Pâques, et à la Pentecoste ; ces choses étoient autrefois representées dans le Château de Coucy, sur des Tapisseries qui y ont toûjours été curieusement conservées, jusqu’au tems d’Enguerran VII. qui épousa Marie de Loraine, fille d’Henri Duc de Loraine, aprés le deceds duquel Enguerran, ces Tapisseries ont été portées en Loraine, où elle sont encore presentement. Ce Seigneur de Coucy se croisa pour la Terre-Sainte, avec Robert I. Seigneur de Boves son frere et Evrard de Breteüïl son beau frere, lesquels accompagnerent en ce voyage Loüis le Jeune.
Avant partir, il fit des donations assez considerables à plusieurs Eglises, principalement à l’Abbaye de Premontré, à celles de S. Vincent de Laon et de Clerefontaine, et à l’Eglise Cathedrale de Laon ; il mourut en ce voyage avec Evrad de Breteüil, son corps fût transporté en France, en l’Abbé de Premontré où il fût inhumé, on y voit son Effigie qui represente un homme armé, relevé en bosse de marbre blanc, ayant à ses pieds un Lyon, et portant au bras un écu fassé de vair sans nombre, avec le nom d’Enguerran, presque effacé. Il laissa trois fils, qu’il avoit eû d’Agnes de Baugency sa femme ; sçavoir, Raoul I. du nom, qui a été Seigneur du Coucy, Enguerran de Coucy, baptisé par Barthelemy Evéque de Laon, qui mourut environ l’an 1174. et fût enterré dans l’Eglise de S. Denys en France, Et le troisiéme, Robert II. du nom qui a été Abbé de Foigny.
Seigneur de Coucy, de Marle,
de la Fére, de Crecy, de
Vrevin, et de Pinon.
Ce Raoul I. fils d’Enguurran II. et d’Agnes de Baugency, reçût au Baptême le nom de Raoul, en memoire de Raoul Seigneur de Baugency son Ayeul maternel, ou du Prince Raoul Comte de Vermandois, son grand Oncle.
Etant encore jeune lorsque son Pere mourut, Gautier le Mire lui fût donné pour Gouverneur, qui étoit un illustre de ce tems. Il porta au commencement le nom de Marle, à cause du sejour ordinaire qu’il y faisoit. Pendant qu’il y étoit en 1166. il confirma aux Religieux de Thenailles la donation qu’Enguerran son pere leur avoit fait, y ajoûtant aussi du sien.
Ce Seigneur s’acquit avec le tems une illustre reputation, non seulement par ses vertus, mais par les Alliances qu’il contracta, ayant épousé deux excellentes Princesses l’une du Sang Royal de France, et l’autre de la Maison de Hainaut, celle qu’il épousa en premieres Noces fût Agnes du Haynaut, seconde fille de Baudoüin Comte de Haynaut, et d’Hermenson, ou Alix de Namur ; nous avons raporté cy-devant les armes de cette Maison, qui sont chevronnées d’or et de sable de six pieces. Et en seconde Noces il épousa Alix de Dreux, fille de Robert de France, sa parente au quatriéme dégré, car comme il avoit eû pour ayeule Mahaut de Vermandois, fille aînée d’Hugues de France, frere du Roi Philippe I. aussi cette Alix étoit fille de Robert de France, Comte de Dreux, petit fils du méme Roi Philippe, et niece du Roi Loüis le Jeune ; elle eût aussi pour mere Agnes Comtesse de Braine, et pour frere, Robert II. du nom, Comte de Dreux et de Braine, qui épousa Yolande de Coucy fille aînée de Raoul de Coucy, au moyen desquelles deux mariages Raoul devint Beau-pere d’un grand Prince, Gendre d’un fils de France, et Cousin germain par sa femme de Philippe Auguste.
Ce Raoul étoit en si grande estime auprès de Philippe Auguste, qu’en une guerre qu’il eût contre Philippe d’Alsace Comte de Flandres, qui vouloit usurper sur lui les Seigneuries de Marle et de Vrevin, en qualité de Comte de Vermandois dont il pretendoit que ces Seigneuries dépendoient, ce Roi lui prêta secours, et se rangea toûjours, de son party ; l’Histoire remarque que cette guerre fût fort échauffée, et que l’armée de Raoul étoit composée de deux cens mille hommes, aussi remporta-il la Victoire sur son ennemy.
Il ne fût pas plûtot sorti de cette guerre, qu’il crût être obligé d’accompagner le Roi, qui alloit en Egypte contre Saladin, en laquelle, après avoir donné des marques illustres de son courage, il fût tué au siège et à la prise d’Acre. Ce Seigneur avoit eû pendant sa vie tant de sagesse et tant de conduite dans toutes ses affaires, qu’il s’étoit toujours fait admirer de chacun ; pour procurer le paix à sa Maison avant partir pour son voyage, il voulut faire partage de tous ses biens, comme il sera dit cy-aprés.
Il accorda aussi du consentement de sa femme et de ses enfans, è. l’Abbaye du Mont S. Martin, Diocese de Cambray, plusieurs Exemptions et Privileges, et fit des Donations à l’Abbaye de Thenailes en 1187. et 1189, il confirma encore du consentement de la méme Alix de Dreux sa femme, et de ses enfans, plusieurs Donations faites par Enguerran son pere, à l’Abbaye de Clerefontaine ; il en avoit fait encore d’assez considerables aux Eglise de Premontré et de S. Denys en France, pour le repos de l’ame d’Agnes de Haynaut sa premiere femme, qui étoit morte en ce tems. Ayant été tué en Egyte, comme il vint d’être dit, son corps fut raporté en Fiance à l’Abbaye de Foigny, où il avoit choisi sa sepulture avec Alix de Dreux sa femme.
Il laissa huit enfans ; sçavoir, trois filles d’Agnes de Hainaut, dont la premiere fût Yolande de Coucy, qui avoit épousé Robert II. Comte de Dreux et de Braine, fils de Robert de France, Comte de Dreux, qui étoit fils puisné de Louis-le-Gros, pere de Louis le Jeune, et oncle de Philippe Auguste ; d’où est sortie une tres-grande et illustre posterité.
Voici les Armes de cette Maison de Dreux.
DREUX.
Echiqueté d’or et d’azur à la
Bordure de Gueulle.
La 2. fût Isabeau de Coucy, qui épousa en
premieres Noces Raoul, Comte de Roucy, dit Wiscart, dont voicy
les Armes.
Et ou secondes Noces, elle épousa Hcnry, Comte
de Grandpré, dont suit aussi le Blazon.
GRANDPRE
Burelé d’or et de Guelle de dix pieces
La 3. fût Ade de Coucy, qui épousa Thiery, Seigneur de Beure en Flandres.
Les autres cinq qu’il eût d’Alix de Dreux, furent Enguerran III. du nom, dont il sera fait mention cy-aprés.
Thomas de Coucy, qui donna commencement à la branche des Seigneurs
de Vrevin, qui eût en partage les Seigneuries de Vrevin,
de Fontaine et de Landouzies, suivant la destination que son pere
lui en fit par son Testament, et qui épousa Mahaut de Retel,
fille de Hugues, comte de Retel, et de Felicitas de Beaufort sa femme.
RETEL.
De Gueulle à 3. Rateaux
d’or.
Raoul de Coucy, qui fût Evéque de Noyon.
Robert de Coucy, qui épousa en premieres Noces, Elisabeth de Roucy, fille de Robert Seigneur de Pierpont, et d’Eustache, Comtesse de Roucy, sa femme, soeur et heritiere de Jean I. du nom, Comte de Roucy ; et en second Noces, il épousa Godde, veuve du Seigneur de Preaux et de Raineval.
Et la derniere fût Agnes de Coucy, qui après la mort de son pere, épousa Gilles, Seigneur de Beaumez, Châtelin de Bapaume.
BEAUMEZ.
De Gueulle à la Croix
d’or dentée.
Par le Testament que fit Raoul leur pere en 1190. pour les partager, il donna à Enguerran son aîné, les Terres et Seigneuries de Coucy, de Marle, de Crecy, de la Fére et de S. Gobain : à Thomas son second, ses Terres et Seigneuries de Vrevin, de Fontaines et de Landouzies, dont il voulut qu’il fit hommage à son ainé ; il donna à Raoul, qu’il avoit destiné à l’Eglise, une rente viagere de 40. liv. parisis, à prendre sur ses revenus de Roye ; il laissa à Robert sa Seigneurie de Pinon, et ses dépendances, à la charge d’en faire pareillement hommage à Thomas ; il ne donna point de fonds à Agnes, mais une Dot de seize cens liv. monnoye d’Artois, à prendre sur les revenus de Marle et de Crecy. Il voulut outre cela, qu’il y eût reversion de biens de l’un à l’autre, à défaut d’hoirs, qui étoit une tacite prohibition d’aliéner.
Alix de Dreux sa veuve après la mort de son mary, envoya à la Commune de Marle, des Troupes, pour secourir Robert Seigneur de Pierpont, en une guerre qu’il eût contre Nicolas Seigneur de Rumigny, dans le Diocese de Laon.
En 1297. elle approuva toutes les Donations faites à l’Eglise de Premontré par Raoul son mary, son Douaire y étant affecté.
Elle vivoit encore en 1212. comme il paroit par un Traité fait entre Thomas et Robert ses enfans, auquel elle intervint.
surnommé le Grand, Seigneur de Coucy, de Marle,
de la Fére et de Crecy, Comte de Roucy et du Perche.
Enguerran III, qui par le partage, dont il vient d’être parlé, fût fait Seigneur de Coucy, de Marle, de la Fére, de S. Gobain et de Crecy en Laonnois ; a été aussi le premier de cette branche qui a acquis à sa Postérité une illustre reputation de vertus, qui ont continuées jusqu’au dernier des Enguerran.
Il fit de grandes augmentations en la Seigneurie de Coucy, rendit la Place plus forte et plus considerable qu’elle n’avoit pas encore été, l’enrichit de plusieurs beaux Edifices, rebâtit tout le Château, et y fit faire une tres-belle Chapelle, avec une magnifique Tour d’une structure admirable, telle qu’on la voit subsister encore aujourd’huy, l’ayant accompagné de quatre autres moindres ; il ceignit aussi la Ville de belles murailles, et la Forteresse de plusieurs Tours, depuis le Béfroy & l’Ancienne Porte, qu’on apelloit Soissonne, jusqu’à celle de Laon ; il fit aussi bâtir le Château de S. Gobin, ceux d’Assies et de Marle, le Chastellier audessus de la Fére, le Parc et la Maison de Folembray, celle de S. Aubin qui est entre Coucy et Noyon, et quantité d’autres Forteresses, et ce avec des dépenses merveilleuses.
Il a été marié trois fois, il épousa en premieres Noces Beatrix de Vignory, veuve de Jean I. du nom, Comte de Roucy, Vicomte de Mareüil, et soeur de Gautier, Seigneur de Vignory.
VIGNORY.
De Gueulles à six
Burelles d’argent.
C’est pour cela, qu’il prit la qualité de Comte de Roucy, mais il la quitta peu de tems après, pour prendre celle de Comte du Perche ; car cette Beatrix étant morte, il épousa Mahaut de Saxe, veuve de Geoffroy III du nom, Comte du Perche, qui s’étant croisé pour l’entreprise de Constantinople, mourut avant son départ, à la fin de l’an 1202 ; cette alliance étoit beaucoup plus noble et plus illustre que la precedente.
SAXE.
Fassé de sable et d’or de six pieces, à
une Bande
fleuronnée de Synople en forme de Couronne
brochant sur le tout.
Mahaut de Saxe étoit petite fille, d’Henry II. Roi d’Angleterre, et d’Alienor de Guyenne Reine de France sa femme, fille d’Henry Duc de Saxe, et de Mahaut d’Angleterre soeur d’Othon de Saxe, Comte de Poitou, depuis Empereur, et niece de Richard I. aussi Roi d’Angleterre, qui en premieres Noces la maria avec le Comte Geoffroy du Perche.
Cét Enguerran a été un des grands Capitaines de son tems, et a été de toutes les guerres qui se sont faites pendant sa vie, tant en Asie et en Affrique, qu’en France, en Angleterre et en Flandres, où il signala par tout son courage ; il étoit au siege d’Acre avec Raoul son pere, d’où il ramena son corps en France ; il étoit encore des premiers, avec ses freres, à la guerre que Philippe Auguste eût en Flandre, contre l’Empereur Othon, méme à la journée de Bouvines, qui fût une des plus sanglantes Batailles qui se donna jamais en France ; il alla aussi en ce même tems au Païs des Albigeois, où il rendit de signalées preuves de son zele pour la Foy chrétienne ; auquel tems mourut la Comtesse Mahaut de Saxe sa seconde femme, ce qui fit que Philippe Auguste songea à le remarier une troisiéme fois, lui voulant faire épouser Jeanne, heritiere du Comte de Flandres, mais cela n’ayant pas réussi il tourna ses affections ailleurs épousant Marie de Montmirel, alliée aux plus grands du Royaume ; elle étoit fille de Jean, Seigneur de Montmirel et d’Oisy, qui se fit Religieux à Longpont, au moyen dequoy les Seigneuries de Montmirel, d’Oisy et de Crevecœur, des Fertez Ancoul et Gaucher, et plusieurs autres belles Terres, tomberent depuis dans sa Famille, avec la Vicomté de Meaux et la Châtelenie de Cambray, après la mort de deux de ses freres, qui decederent sans enfans ; elle avoit d’abord aporté à son mary, pour sa Dot, la Seigneurie de Condé en Brie, et quelques autres biens.
Voicy les Armes de cette Maison.
MONTMIREL.
De Gueulle au Lyon d’or.
Cét Enguerran fût aussi l’un des principaux, qui conseillerent à Loüis de France, fils aîné de Philippe Auguste, qui fût depuis Roi, sous le nom de Louis VIII, le dessein de la conqueste du Royaume d’Angleterre, et l’y accompagna avec cinquante Chevaliers qu’il y mena à ses frais et dépens, ce qu’à peine pouvoient faire alors les Fils de France ; le conseil qu’il donna à ce Prince, lui attira la hayne de plusieurs, comme celle du Pape Honoré III. qui au sujet des ravages que fit cét Enguerran dans les Terres de l’Eglise de Laon, ayant pris en ce tems le Doyen prisonnier, se vit obligé d’envoyer mandement aux Archevêques de Reims, de Sens, et de Roüen, à l’effet de fulminer Sentence d’excommunication contre lui, et contre ceux qui étoient de son party comme il paroit par la Bulle de ce Pape donné l’an premie, de son Pontificat, en vertu de laquelle, Enguerran fût excommunié, notamment dans la Province de Reims, par les Evéques et Chapitres de Laon, de Chaalons, de Soissons, de Beauvais, de Noyon, d’Amiens, de Cambray, d’Aras et de Tournay, ce qui arriva pendant qu’il étoit en Angleterre avec le Prince Loüis ; mais à son retour il fût relevé de cette excommunication, à condition qu’il n’en useroit plus comme il avoit fait, à l’égard des Ecclesiastiques. Il s’étoit acquis tant de reputation aupres de la Noblesse de France, qu’il n’y avoit personne qui ne lui souhaitta la Couronne sur la teste, et il rendit toûjours à son Prince des preuves de son affection et de sa fidelité ; Neanmoins l’action qu’il fit la suite le rendit un peu suspect, s’étant trouvé du nombre des hauts Barons qui se liguerent avec Henry III. Roi d’Angleterre, et Pierre Duc de Bretagne, pour faire la guerre à Thibaut Comte de Champagne, que S. Louis protegeoit, et selon plusieurs Chroniques, les choses tournerent tellement à l’avantage d’Enguerran, que les Barons qui étoient les grands du Royaume, considérans son mérite et ses qualitez, issus du Sang Royal et Imperial, proche parent et cousin germain du dernier Roi, delibererent entr’eux de l’élever sur le Trône, Louis VIII. étant mort, et effectivement ils l’éleurent pour Roi, ayant méme fait faire une Couronne pour le couronner ; mais il affecta si peu cette gloire, qu’il la negligea et quoy qu’il fût en son pouvoir de maintenir par la force des armes le droit de son élection, comme avoit fait Hugues Capet, et plusieurs autres auparavant lui ; néanmoins voyant qu’il se preparoit des guerres intestines, et qu’il se formoit un party pour conserver la Couronne au Pupile de Loüis ; ce genereux Prince ayma mieux renoncer à cette gloire, preférant le repos et le bien public, à son interêt particulier.
Il est donc vray de dire, que si ce Seigneur de Coucy eût accepté la Couronne, et qu’il l’eût voulu conserver, comme il le pouvoit faire, S. Louis et ses Successeurs n’y auroient peut-être eû aucune part, et ceux de Coucy en auroient été les légitimes possesseurs ; c’est donc par la sage et la généreuse conduite de cét Enguerran, que la Couronne de France à été transmise et rendüe hereditaire à la Famille de S. Loüis.
Ce nom de Coucy étoit alors si fameux et si redoutable par toute la Chrétienneté, et cette Seigneurie avoit tant de prerogatives d’honneur, qu’elle passoit pour Souveraine au milieu du Royaume, ayant ses Loix et ses Coûtumes particulieres, et ses Sujets tellement responsables et cottisables envers leur Seigneur, que le Roi n’en pretendoit aucune chose, ni Taille, ni quelque Impôt que ce fût.
En l’année 1230, que les Sarazins faisoient de grands ravages dans la Chrétienneté, ce Seigneur, quoy qu’âgé de soixante ans, prit la resolution de les aller combattre, menant quanteslui Raoul son fils aîné, et plusieurs braves Chevaliers, avec lesquels il passa en Syrie, où il demeura l’espace de dix ans, ne cessant d’y faire la guerre, mais enfin il y mourut âgé de soixante et dix ans, en la Ville de Tyr, d’où son Fils le fit transporter en France, et inhumer en l’Abbaye de Foigny près de Raoul son père.
Long-tems auparavant partir pour ce voyage, il avoit confirmé les donations que son Pere avoit faites en faveur de l’Abbaye de Thenailes, et celles faites à l’Abbaye de Premontré, et autres Eglises, par ses ayeuls.
Il laissa cinq Enfans, qu’il avoit eu de Marie de Montmirel ; sçavoir Raoul II. du nom, Seigneur de Coucy, et autres dont il sera parlé cy-aprés.
Enguerran IV. du nom, qui fut Seigneur de Coucy, après son frere Raoul, et succeda de plus à sa Mere aux Seigneuries de Montmirel, d’Oisy, de Crevecœur, de la Ferté Ancoul, de la Ferté Gaucher, et Trêmes, en la Vicomté de Belo, et en la Châtelenie de Cambray.
Jean de Coucy, qui dés sa jeunesse servit le Roi S. Loüis avec son Pere, en la guerre qu’il fit contre le Comte de la Marche, qui est la seule action memorable qu’on trouve de lui, car il mourut peu de tems apres, et fut enterré dans l’Abbaye de Foigny près de son Pere.
La 4. Marie de Coucy fille ainée d’Enguerran, qui épousa en I. Noces Alexandre Roi d’Ecosse II. du nom ; et en 2. Jean de Brienne dit d’Acre, grand Bouteiller de France, fils de Jean de Brienne Roi de Jerusalem, & d’Acre, et de Berenguere de Castille.
ECOSSE
D’or à un Lyon de
Gueulle enclos dans un double Trescheur
ou Essonier fleuré & contrefleuré
de même.
Et la 5. fut Alix de Coucy, qui épousa Arnoul III. du nom, Comte de Guines, fils de Baudouin III. Comte de Guines, Seigneur d’Ardres, et Châtelein de Bourbourg ; dont voicy aussi les Armes.
Enguerran eût encore cinq ou six autres Enfans qui moururent jeunes, et qui furent inhumez en l’Eglise de Premontré, que ses Ayeuls avoient fondé.
Seigneur de Coucy, de Marle, & de la Fère.
Raoul II succéda à la Seigneurie de Coucy, à Enguerran III. duquel il étoit fils aîné
II épousa Philippe de Ponthieu, seconde fille de Simon de Dammartin, Comte de Ponthieu, et de Montreuil, laquelle était veuve de Raoul d’Issoudun II. du nom, Comte d’Eu, qui avoit épousé en I. Noces Yoland de Dreux. Voicy les Armes de cette Maison de Ponthieu.
PONTHIEU
D’or à trois
Bandes d’azur.
Il ne vécut pas long-tems avec elle, non plus que son premier mary ; car S. Louis étant allé en la Terre-sainte, faire la guerre aux Sarazins, il l’y accompagna, mais il y fût tué à la Bataille de Massoure ; des Auteurs dignes de foy, raportent quelque chose de bien particulier de lui, et de la femme d’un Gentil-homme de son Voisinage, pour laquelle il avoit eu pendant sa vie de fortes inclinations, qui n’avoient plûes au sieur du Fayel son mary. Ce Raoul s’étant vû blessé à mort à Massoure, écrivit une Lettre à cette Dame, contenant ses derniers adieux, qu’il ordonna à son Escuyer de lui porter avec son coeur après sa mort. L’Escuyer l’ayant fait ouvrir se chargea de ce cher gage, et retourna en France pour s’acquitter de sa promesse, mais ayant malheureusement rencontré le sieur du Fayel près de sa maison, qui l’auroit reconnu pour l’Escuyer du Sire de Coucy, le soupçonnant chargé de quelques messages pour sa femme, se saisit de lui, le menaçant de le faire mourir, s’il ne lui déclaroit le sujet qui l’amenoit chez lui ; cét Ecuyer surpris et intimidé, fut obligé de lui découvrir son secret, lui donnant les Lettres et le coeur de son Maître. Ce que fit du Fayel à la suite, fut de faire hacher ce coeur par son Cuisinier, et en faire un ragoût pour sa femme, tel qu’il sçavoit étre à son appetit, ce qui fut servi devant elle à Table ; après en avoir mangé avec assez d’avidité, il lui déclara l’aprédiné, avec de sensibles teproches, ce qu’il avoit fait, à quoi elle répondit, puisque j’ay mangé d’une si noble Viande et que mon estomach est le Tombeau d’une chose si précieuse, je n’en veux plus mêler d’autres avec celle-là. La douleur et le dépit étouffant alors le reste de ses paroles elle s’enferma dans son Cabinet, et par une abstinence de quatre jours, elle éteignit sa vie parmi les sanglots et les soûpirs.
Il fut un homme de grand merite et des plus valeureux Chevaliers de la Chrétienneté ; mais également aumônier et liberal, à l’exemple de ses Predecesseurs ; il fonda le Prieuré S. Nicolas Cordelle de Laon, où sont à present établis les Peres Minimes, auquel lieu il mit en garde ses principaux Titres et Papiers ; il donna à l’Abbaye S. Martin de Laon, où il fut enterré, la Terre de Samoussy et tous les bois qui en dépendent ; Enguerran IV. son frère puisné, avoit transporté son Corps d’Asie en France.
Il eut de Philippe de Ponthieu sa femme, un fils nommé Enguerran qui mourut en bas âge, avant Raoul son pere ; de sorte qu’après la mort de ce Raoul, Enguerran IV. son frere, second fils d’Enguerran III, succeda à la Seigneurie de Coucy, et à plusieurs autres Terres.
de Coucy, de la Fére, d’Oisy, de Montmirel, de Crevecœur,
d’Auraincourt, des Fertez Ancoul, & Gaucher,
de Thrêmes, & de Condé en Brie, Vicomte de Meaux,
& Châtelain de Cambray.
Enguerran IV. fils d’Enguerran III. étant fait Seigneur de Coucy, par le déceds de Raoul II. son frere qui étoit mort sans enfans, comme il vient d’être dit, succeda aux Seigneuries d’Oisy, de Montmirel, de Crecy en Laonnais, de la Fère, de Marle, et à plusieurs autres grands biens qu’il posséda l’espace de quarante-huit ans ; sçavoir depuis 1249, que S. Loüis regnoit, jusqu’en 1298. qu’il mourut, Philippe le Bel regnant.
Il fit de tres-belles actions pendant les regnes de S. Louis, de Philippe III. et de Philippe le Bel, dans les guerres qu’ils eurent en Asie, en Affrique, en Espagne, et en plusieurs autres endroits, comme ses Predecesseurs avoient faits ; mais à la suite il commença à degenerer de la vertu de ses Ancêtres, et à abuser de son autorité et de son credit, se voyant revêtu de grands biens, qui lui étoient écheus par le decès de Raoul son frere ainé, comme il a été dit ; il dévint tellement emporté qu’il pensa perdre toute sa Maison, à l’occasion de trois jeunes Gentilshommes Flamens, lesquels ayant été trouvés chasser dans sa Forêt, les fit apprehender, et sans autre formalité de procès, les fit pendre, dequoi saint Loüis fut si fort irrité, que sans le grand nombre d’intercesseurs qu’il eut, il auroit asseurement couru risque de la vie, ce qui fut commué en de grosses amendes, le Roi l’ayant condamné à fonder deux Chapelles pour les ames de ces trois jeunes Gentilshommes, à la somme de dix mil liv. qui fut emploiée pour l’Hôtel-Dieu de Pontoise, et pour achever les Bâtimens des Couvents des Jacobins, et des Cordeliers de Paris, à aller quelque tems à ses dépens en la Terre-sainte, avec un certain nombre de Chevaliers, ce qu’il jura solennellement d’accomplir ; mais le pape le dispensa depuis de son serment, à condition neanmoins qu’il payeroit encore la somme de douze mil livres, pour étre employée au rachat des Chrétiens captifs, à quoi le Roi consentit aussi, en le confirmant par ses Lettres en date de l’an 1261. cette occasion lui fut fort avantageuse puisqu’il en fit son profit: et à la suite il s’acquit tant de reputation, qu’il répara toutes les fautes qu’il avoit faites ; aussi le Roi le considera tellement, qu’il le fit Admiral de France, qu’il erigea en titre d’Office et de Dignité ordinaire, laquelle Charge il exerça avec tant de sagesse et de conduite, qu’il se fit admirer et aimer de chacun ; mais le bon-heur ne l’accompagna pas toûjours, car il fut fait Prisonnier peu de tems après, par l’Admiral d’Aragon, en une guerre que la France eut contre l’Espagne, immediatement après les Vespres Siciliennes.
Etant sorti de Prison à la fin de cette guerre, le Roi lui donna le commandement de l’Armée dans celle qu’il eut contre le Roi d’Angleterre, et les Comtes de Flandres et de Bar, cette guerre dura fort long-tems, et il n’en vit point la fin ; si-bien qu’après avoir sacrifié toute sa vie pour le salut de sa Patrie ; il mourut fort âgé, mais sans enfans, laissant une tres-riche succession à Enguerran de Guines son Neveu, fils du Comte de Guines, et d’Alix de Coucy sa soeur.
Il avoit épousé en I. Noces Marguerite de Gueldres fille d’Othon III. Comte de Gueldres ; et de Marguerite de Cleves sa premiere femme.
GUELDRES
D’azur au Lyon contourné d’or
armé & couronné de Gueulle.
FLANDRES
D’or au Lyon de sable.
Il fut fort charitable, et grand Aumônier ; outre les charités qu’il faisoit à ceux qui demeuroient dans ses Terres, il dota plusieurs Maladeries, et plusieurs Hôpitaux, il fit rebâtir le Monastere de Nogent, l’Eglise des Cordeliers de Paris, le Dortoire des Jacobins, et partie de la Lingerie proche S. Innocent, il fit encore quantité de Legs pieux par son Testament, à dix ou douze Eglises, et Monastères, qui étoient de l’ancienne fondation de ses Ayeuls ; sçavoir, Premontré, Nogent sous Coucy, Thenailles, S. Gobin, S. Lambert, le Val S. Pierre, Nostre-Dame de Laon, l’Eglise collegiale de la Fére, le Couvent de Ste Elizabeth de Genlis, et de S. Etienne ; il fit aussi des Donations à l’Abbaye de Belleau, et à celle de la Grace près de Montmirel ; Toutes lesquelles Eglises et Monasteres ont obtenu de Philippe le Bel des Lettres d’amortissement des biens et heritages à eux leguez par ce Testament. Il avoit fait transporter le corps de Raoul II son frere, d’Asie en France, qu’il fit inhumer comme il vient d’être dit, dans l’Abbaye S. Martin de Laon, où il avoit choisi sa Sepulture avant son départ. Jeanne de Flandre sa veuve, survécut son mari de vingt-deux ans, toûjours dans une haute reputation, ce fut par son addresse, que furent terminées les guerres de Flandres, dans lesquelles étoit perie presque toute la Noblesse de France, tant à Furnes, qu’à Courtray, et en quatre ou cinq autres Batailles. Ce fut elle aussi qui ménagea le mariage de Louis de Nevers, et de Flandres son frere, avec Marguerite de France, fille de Philippe le Long, au moyen dequoy la Paix se fit entre le Roi, et Robert comte de Flandres frere de cette Dame de Coucy ; elle mourut en 1333. Abbesse du Sauvoir sous Laon.
V. du nom, Seigneur de Coucy, de la Fére, de Marle,
d’Oisy, de Montmirel, de Condé en Brie, &c.
Enguerran IV. étant mort sans enfans, sa Succession, comme il vient d’être dit, échût en ligne collaterale à ses Neveux, enfans d’Alix de Coucy sa soeur, qui avoit épousé Arnoul III. Comte de Guines, leur pere et mere étans decedés peu de tems auparavant ; laquelle Alix de Coucy, avoit eû d’Arnoul de Guines, trois Fils, sçavoir Baudoüin, Enguerran, et Jean, qui partagerent entr’eux les successions de leur pere et mere, et de leur oncle, par lequel partage Baudoüin eut le Comté de Guines, Enguerran les Seigneuries de Coucy, de Marle, et de la Fére sizes en Vermandois, celles d’Oisy, et d’Auraincourt dans le Cambresis, Montmirel, Condé en Brie, et Chalon dit le petit, avec la Châtelenie de Château Thierry, et l’Hôtel de Coucy de la Ville de Paris ; et Jean eut les Châtellenies de la Ferté Gaucher, et de la Ferté Ancoul, la Vicomté de Meaux, et les Terres de Boissy, de Thrêmes, Bello, et Romeny ; ce que le roi confirma à la suitte par Lettres de 1311. insérées aux Regitres de la Chancelerie de France.
Ainsi nôtre Enguerran fut le V. du nom, en la suite des Seigneurs de Coucy ; mais toute sa vie il retint le nom de Guines, avec les Armes qu’il écartela neanmoins, de celles que les Seigneurs de Coucy ses Predecesseurs portoient, se qualifiant toujours dans tous les Actes, passés en son nom d’Enguerran de Guines Sire de Coucy.
Si-bien qu’Enguerran de Guines, Chef des derniers Seigneurs de Coucy, porta les Armes de Coucy, écartelées, avec celles de Guines ; mais ses Descendans, prenans le surnom de Coucy, en retinrent aussi les Armes pleines, qui sont fascées de vair et de Gueulle de six pieces, comme celles qui sont au commencement de cette Histoire, en la 44. page. Cét Enguerran de Guines fut élevé à la Cour d’Alexandre III. Roi d’Ecosse, son oncle, qui avoit épousé Marie de Coucy, soeur d’Alix, et d’Enguerran IV. et il lui procura l’alliance de Chrestienne de Bailleul son alliée, Dame d’extraction Françoise, qui avoit été aussi élevée dans son Roiaume, et dont Jean Seigneur de Bailleul son frere, fut Successeur d’Alexandre à cette Couronne.
BAILLEUL
D’hermines à l’Ecusson
de Gueulle
en coeur.
Leurs Noces furent faites en Ecosse devant l’an 1283. ensuite de-quoy Enguerran revint en France avec son Epouse, où il recuillit les successions de son Oncle.
Il mourut peu après l’année 1321. et fut inhumé en l’Eglise de Premontré.
Il laissa cinq enfans, qu’il avoit eu de Chrestienne de Bailleul, dont le I. qui fut Guillaume, Seigneur de Coucy, de Marle, de la Fére, d’Oisy, et Montmirel, continua la ligne des aînés.
Enguerran de Coucy, Seigneur de Condé en Brie, et à la suite Vicomte de Meaux, après la mort de Jean de Guines son oncle, qui fit une autre Branche ; fut le second.
Baudoüin de Coucy, qui mourut jeune fut le troisième.
Robert de Coucy, le quatrième, qui fut Chantre de l’Eglise de Cambray, Seigneur du Châtelier, du petit Chalon, et de Courcelles en Brie ; et eut aussi de la succession de Jeanne de Guines sa cousine, la Châtelenie de la Ferté Gaucher, et les Terres de Romeny et de Chamigny ; lesquelles après la mort, retournerent aux enfans de Guillaume, Seigneur de Coucy, son frere aîné.
Le cinquième fils mourut jeune avant 1308.
de Coucy, de Marle, de la Fére, d’Oisy, de Montmirel.
L’Aîné d’Enguerran de Guines, Seigneur de Coucy, fut Guillaume, qui prit le Nom et les Armes pleines de Coucy, qui furent retenuës depuis par ses Descendans, telles qu’elles se voyent au commencement de cette Histoire page 44.
Dès l’an 1311. son pere le maria avec Isabeau de Châtillon, dit de S. Paul, fille de Guy de Châtillon, Comte de S. Paul, Bouteiller de France, et de Marie de Bretagne sa femme.
CHATILLON
S. PAUL
De Gueulle à trois
Pals de vair, au Chef d’or chargé
d’un Lambel d’azur de cinq pendans.
Le Traité s’en fit dans l’Abbaye Nôtre-Dame la Royale, près de Pontoise, en la presence de Philippe le Bel. Le Comte Guy promit de donner à Isabeau sa fille, pour sa dot, la somme de 20,000. liv. tournois, dont Charles Comte de Valois, et Loüis Comte d’Evreux, freres du Roi, Loüis Comte de Clermont son cousin, Gaucher de Châtillon Comte de Porcean Connétable de France, et Guillaume de Harcourt, Sire de la Saussaye, se rendirent pleiges et cautions. Enguerran de Guines mit aussi de son côté, Guillaume son fils, en possession de toute la Baronie de Coucy, et de toute la terre d’Oisy, sur laquelle fut assigné le Doüaire d’Isabeau, à condition que quand Jeanne de Flandres, veuve d’Enguerran IV. Seigneur de Coucy, grand oncle de Guillaume, viendroit à mourir, elle le prendroit sur la Seigneurie de Hauraincourt, dont elle joüissoit ; Neanmoins parce que Enguerran se reservoit l’usufruit de la Seigneurie de Coucy, Guillaume son fils ne prit point durant ce tems, le titre de Seigneur de Coucy. mais peu de tems après étant mort, Guillaume le prit.
Il ne se trouve rien des actions de ce Seigneur, qu’une suitte des vertus de ses Ancêtres, il mourut en l’année 1335. et fut inhumé dans l’Eglise de Premontré, avec Isabeau de S. Paul sa femme, qui lui survécut plusieurs années, il laissa six enfans ; sçavoir, quatre fils et deux filles ; Enguerran VI. qui fut Seigneur de Coucy, de Marle, de la Fère, et d’Oisy.
Jean de Coucy, qui eut en partage la Châtelenie d’Hauraincourt, chargée d’une partie du Douaire d’Isabeau de S. Paul sa mere, suivant un accord fait en 1347. entre Catherine d’Autriche, veuve d’Enguerran Seigneur de Coucy son frere aine, comme ayant la garde Noble d’Enguerran de Coucy leur fils, d’une part ; et lui, et ses autres freres et soeurs d’autre. Et depuis la même Catherine s’étant remariée, le gouvernement de cét Enguerran son neveu, lui tomba ; mais quelque tems après il deceda sans Enfans, laissant pour heritier de la Seigneurie d’Hauraincourt, Raoul de Coucy Seigneur de Montmirel son frere, contre lequel iceluy Enguerran Seigneur de Coucy, eût procès au Parlement.
Le troisième fut ce Raoul de Coucy Seigneur de Montmirel, et de la Ferté Gaucher ; et ensuite d’Encre, et d’Hauraincourt, de Bailleul, et d’Hornoy, qui épousa Jeanne de Harcourt, fille de Jean Comte de Harcourt, et Blanche de Ponthieu,
Comtesse d’Aumalle ; laquelle Jeanne avoit pour frere, Jean Comte de Harcourt, marié à Catherine de Bourbon, soeur de Jeanne de Bourbon Reine de France, il portoit les Armes de Coucy chargées sur la première fasce de Gueulle, d’un Lyon d’or, qui étoit l’Ecu de l’ancienne maison de Montmirel, telles qu’elles se voyent au Blazon qui suit.
Le quatrième fut Aubert de Coucy, Seigneur de Troüay, Terre scituée prés Montmirel en Brie, qui lui échût en partage avec plusieurs rentes ; lequel épousa Jeanne de Villesavoir, Dame de Droisy. Il mourut en 1400. et sa femme étoit morte vingt ans auparavant lui ; leur tombeau se void dans l’Eglise de Nogent sous Coucy. Ils ne laisserent que deux Filles, qui furent bien alliées.
Aubert de Coucy, eût aussi un Fils naturel, à qui Charles VI. donna des Lettres de legitimation.
Le cinqueme enfant de Guillaume, fut Marie de Coucy, Dame de Romeny, et de Chamigny, Terres qui lui échûrent en partage, elle ne fût point mariée.
Et la sixième Isabeau de Coucy, dont on n’apprend rien.
de Coucy, de Marle, de la Fére, & d’Oisy.
Cet Enguerran fut le II. du nom, en la Famille de Guines, et le VI, en la suite des Seigneurs de Coucy. Il succeda en 1333. à Guillaume Seigneur de Coucy son pere, duquel il étoit premier fils, et quelque tems aprés Philippe de Valois lui procura l’alliance d’une grande et illustre Princesse d’Allemagne, Catherine d’Autriche, fille aînée de Leopol I. du nom, Duc d’Autriche, et de Catherine de Savoye son épouse, petite fille d’Albert I. Duc d’Autriche, Empereur des Romains, et arriere fille de Rodolphe I. Comte de Habsbourg aussi Empereur.
AUSTRICHE
De Gueulle à la fasce
d’argent.
Par leur Contrat de mariage passé en 1337. Philippe de Valois, s’obligea de donner en faveur d’icelui, la somme de quarante mille livres à Enguerran de Coucy son cousin, après les alliances et les traités accordés entre sa Majesté, et Albert, et Othon Ducs d’Autriche, de Stirie, et de Carinthie, oncles de Catherine d’Autriche. Et par un autre Contract de l’année suivante, le Roi lui donna encore vingt mil livres ; Et Enguerran constitua six mil livres de rente de Douaire, à Catherine sa future épouse.
Leurs Noces furent celebrées ensuite, mais elles ne furent heureuses qu’en tant qu’il n’en naquit qu’un fils, avant que la mort les separa ; car après avoir vécu ensemble jusques en 1344. Enguerran mourut, laissant Catherine sa femme, veuve, et à icelle la garde noble de leur fils unique, appellé aussi Enguerran ; en laquelle qualité elle eût depuis plusieurs procés au Parlement, tant contre Isabeau de S. Paul, femme de Guillaume Seigneur de Coucy, que contre les Abbez de S. Mard de Soissons, de S. Nicolas aux bois, et de S. Vincent de Laon. Elle partagea d’ailleurs au même nom, avec Jean, Raoul, Aubert, Marie, et Isabeau de Coucy, freres et soeurs, aux biens qui, après la mort de Guillaume de Coucy leur pere, étoient demeurés en commun à Enguerran VI. leur frere ainé, et par une Transaction passée entr’eux en 1347, la Seigneurie de Coucy, de Marle, et de la Fére, celles d’Oisy en Cambresis, et de Boissy, demeurerent à Enguerran VII. son fils.
Cét Enguerran VI. fut encore un des grands Capitaines de l’Europe, et se signala en plusieurs rencontres, dans les Guerres que Philippe le Bel, et Philippe de Valois eurent contre les Anglois, et contre d’autres Souverains ; il fut tué à la Bataille de Crecy, avec plusieurs autres grands Seigneurs. Son corps fut apporté à l’Abbaye d’Orcamp, où il a été inhumé avec Catherine d’Autriche sa femme, laquelle fit de beaux presens à l’Abbaye de Nogent sous Coucy, et à plusieurs autres Monasteres.
Il n’eut d’elle qu’un fils, qui fut Enguerran VII.
de Coucy, de Marle, de la Fére, de Crecy, & d’Oisy,
Comte de Soissons & de Betford en Angleterre,
grand Bouteiller de France.
Incontinent aprés la Transaction dont il vient d’étre parlé, Catherine d’Autriche mere d’Enguerran VII. s’étant remariée Philippe de Valois donna l’administration de la Seigneurie de Coucy, à Jean de Nesle, Seigneur d’Offémont, et à Mathieu de Roye Seigneur d’Aunoy, et depuis à Jean de Coucy, Seigneur d’Hauraincourt son oncle, parce qu’il étoit fort jeune quand son pere mourut ; si-bien que, quoi qu’il fut entré dans cette Seigneurie aussitôt la mort de son pere, il ne commença pourtant d’en joüir par ses mains que 12, ans après, sçavoir en 1358. auquel tems il entra en majorité, et reçeut les foys et hommages de ses Vassaux.
Cette sage mere, et Jean de Coucy, prirent tant de soin de son éducation, qu’il imita, non seulement ses Ancestres, mais il les surpassa en toute sorte de qualitez et de vertus ; si-bien qu’il étoit le seigneur le plus accompli qui eût encore paru.
Aprés que la Paix fût conclüe entre le Roi de France, et celui d’Angleterre ; Enguerran fut choisi et envoyé en ostage, avec les trois premiers Princes du Sang, pour seureté du Traitté de Paix, et comme caution de la reddition de la Guyenne, de Guines, du Comté de Ponthieu, et de la Rochelle que le Roi devoit faire, et de 3. millions d’or pour sa rançon.
Pendant les quatre années qu’il fut en ce Royaume, le Roi d’Angleterre goûta tellement son esprit, qu’il lui donna en mariage Elizabeth d’Angleterre sa seconde fille, née de Philippe de Haynaut son épouse.
ANGLETERRE
De Gueulle à 3. Leopards
d’or.
Le Roi d’Angleterre lui donna en faveur de mariage le Comté de Bethfort, et celui de Soissons, qui étoit tombé à ce Roi, de la rançon de Guy de Châtillon comte de Blois ; il lui donna aussi plusieurs Domaines et Seigneuries au Comté de Lancastre.
Etant retourné en France avec son épouse, il affranchit de morte main et de fort mariage, les habitans de ses Terres et Seigneuries de Coucy.
Pendant le sejour qu’il fit en ce Royaume, il se fit admirer de chacun, et le Roi, dont il avoit gagné le cour, lui donna les plus belles charges de son Royaume, aussi possedoit-il les plus rares qualitez de tous les grands hommes de son tems, et il n’y avoit point d’entreprise de guerre, où il ne fut des premiers, et où sa valeur n’éclata pardessus tous les autres.
Mais une occasion dans laquelle il ne pût prendre party, lui fit abandonner la France, avec regret ; ce fut au sujet d’une guerre qu’eût le Roi, contre Edouard son beaupere, il se retira en Lombardie, où a fit la guerre fort long-tems, pour Jean Galeas, Comte des vertus, Duc de Milan, beaufrere du Roi, contre Bernabo, et ses Alliez, et Confederez, et contre le Pape Gregoire XI.
A son retour il fut député par le Roi, en Bretagne pour quelques affaires d’importance, qui concernoient sa Personne, et son Royaume, c’étoit en 1378. en laquelle année, Pierre Archiduc d’Autriche, pere de Catherine d’Autriche sa mere, étant mort sans enfans, il fut obligé de retourner en France, pour demander secours au Roi contre l’Usurpateur de cette Archiduché, qu’il obtint aussitôt, le Roi lui donnant de bonnes Troupes, et soixante mille livres pour l’aider dans cette entreprise ; mais son voyage n’eût point le succès qu’il s’étoit proposé, car ceux du parti d’Autriche, et les Allemans, ayans été avertis, que le Seigneur de Coucy entroit dans leur Païs, ils y mirent le feu, et s’étans retirés dans des lieux innaccessibles des montagnes, il ne fût pas possible de les approcher ; De telle sorte qu’Enguerran fut obligé d’abandonner cette fois son entreprise, et de retourner en France, où voyant que la guerre d’Angleterre continuoit, il resolut de s’y arrêter, et d’attendre la paix, envoyant son épouse avec Elizabeth sa puisnée en Angleterre, et retenant Marie son ainée auprès de lui.
Cependant il fut toûjours employé dans les Conferences de paix qui se traittoient entre ces deux Couronnes, en quoi il reüssissoit admirablement, elle ne fût pourtant point conclüe ; mais il ne laissa pas de prendre les Armes pour le Roi, pour la reduction des villes de Chierbourg, Carentan, et autres Places du Comté d’Evreux, appartenantes à Charles Roi de Navarre, qui avoit pris le parti des Anglois, ce qui contribua à le faire entrer si avant dans l’estime du Roi, que la Charge de Connétable étant venüe à vaquer alors, par la mort de Thomas du Guesclin, il la lui presenta, mais il ne voulut pas l’accepter, ce qui lui attira d’autant plus sa bienveillance, qu’il l’obligea d’accepter le gouvernement de toute la Picardie ; Ensuite dequoi Loüis Duc d’Anjou Regent le Roiaume de France, lui confirma cette donation.
Le même Enguerran fut incontinent après député, pour la seconde fois, en Bretagne, où il ménagea l’accord entre le Roi, et le Duc Jean.
A son retour il se remaria, et prit en secondes Noces
Isabeau de Loraine, fille de Jean I. du nom, Duc de Loraine,
et de Sophie de Wittemberg. Elle avoit pour frere Charles I.
du nom, Duc de Loraine, et Ferry de Loraine, Comte de Vaudemont, Seigneur
de Rumigny, et de Boves.
LORAINE
D’or à la bande de GueuIle chargée de 3.
Allerions d’argent
Elle apporta en dot à Enguerran, la Seigneurie de Fleurine, et des sommes de deniers assez considerables. Il acquit aussi le Château et la Châtelenie de Beaurein. Ensuite le Roi lui donna la Charge de grand Bouteiller de France, qui étoit alors un des premiers Offices de sa Couronne, tenu autrefois par Guy de Châtillon Comte de S. Paul, pere d’lsabeau de S. Paul Dame de Coucy son ayeule, comme il paroit par les Lettres patentes du Roi données en 1388. qui contiennent aussi l’octroy que le Roi fit de 2. Foires tous les ans en sa Ville de Coucy, aux jours et Fêtes de S. Nicolas en May, et en Decembre, pour trois jours chacune, et cela en consideration de ce que ses Ville, Château, Terre, et Châtelenie de Coucy, avoient été ruinés par trois diverses fois, du feu, et le Païs désolé par les guerres, et tellement appauvri, que cette Ville était en danger d’être deserte et inhabitée, aussi-bien que le plat Païs ; ce Château ayant été autrefois l’un des plus considerables du Roiaume, comme étant la clef et la frontiere du costé des pays et marche de Haynaut, du Cambresis, et du Liege ; étant aussi la principalle demeure de la Baronie et Seigneurie de Coucy, tenüe en foy et hommage de sa Majesté.
Enguerran fut ensuite à Calais, pour traitter du mariage d’une fille de France, avec le Roi d’Angleterre, de quoi il s’acquitta tout à fait bien.
Le Roi le choisit encore pour lui faire compagnie à Cambray, à dessein d’aller devancer l’Empereur Charles de Boheme son onde, qui le venoit voir, et à son retour, il fut en Guyenne avec le Duc d’Anjou, contre les Anglois qu’il mit en déroute. Puis il passa en Italie, où il défit l’Armée des Viscomtes de Milan ; Il y retourna trois ans après, avec 12. mille chevaux, et y prit la Ville de Durazzo, qu’il vendit aux Florentins à la suite, moyennant quarante mille ducats, dont il en distribua à l’Armée, et à plusieurs personnes de suite, plus des trois quarts ; il retourna en France, et en passant dans la Provence la Duchesse d’Anjou qui était veuve depuis peu, ayant reclamé sa protection, contre les Usurpateurs de cette Province, il s’employa pour elle avec tant de generosité et d’addresse, qu’il lui fit recouvrer ce qu’elle avoit perdu.
Si-tôt qu’il fut de retour â Paris, il fut fait Lieutenant general des Armées du Roi, contre les Anglois qui étoient décendus en France ; mais ils n’eurent pas la hardiesse de rien entreprendre, comme ils se virent suivis, et pressés de ce Seigneur de Coucy, qui était redouté d’eux comme un Cezar, si bien qu’ils se virent obligez de retourner chez eux.
Après la mort de Charles V. les Parisiens s’étans soulevés au sujet de quelques impots, dont on les avoit chargés, cét Euguerran fut employé pour reprimer leur insolence, en quoi il fît paroîtrc une si grande addresse, que les choses se passerent, comme on l’avoit souhaité, il étoit alors gouverneur de Paris.
L’Année suivante, il commanda encore l’Armée et combatit avec tant de valeur et de prudence, le Comte de Flandres, et les Gantois, qui s’étoient joints avec les Anglois, que leur Armée fut entierement défaite, étant demeuré sur la place quarante mille Flamens, et le reste mis en deroute. En 1285. et les années suivantes, il battit encore les Anglois, et le Duc de Gueldres, qu’il obligea de donner une entiere satisfaction au Roi ; puis il alla en Avignon avec le Roi qui alloit voir le Pape, lequel eût tant de joye de voir ce Seigneur de Coucy, qu’il l’obligea de rester auprès de sa personne ; il avoit conçû une grande estime pour lui, depuis qu’il avoit pris son parti contre Urbain VI, dans la Lombardie, Et la Reine de Sicile, fille de Charles de Blois, veuve de Louis I. Roi de Sicile, et Duc d’Anjou n’eût pas plûtot apris son arrivée en cette Cour ; qu’elle lui fût rendre visite, elle l’interessa d’aller faire la demande de Yoland, fille du Roi d’Aragon, pour Louis II. Roi de Sicile, son fils, en quoi il reüssit encore tres-bien, et s’acquit autant de reputation dans ce voiage, qu’il avoit fait en France.
En 1390. les Genois se voians extremement incommodez des Corsairs de Barbarie, implorerent le secours de France, d’Angleterre ; et de Flandres. Tout ce qu’il y avoit alors de grands Seigneurs en France, se trouva à cette guerre, mais elle ne reüssit point, parce que le tems et le lieu combatoient contre eux ; l’Histoire porte, que si on eût pourtant suivi les avis du Seigneur de Coucy, on auroit assurément remporté la victoire, mais le Chef qui étoit un fils de France, ne s’étant pas voulu soumettre à ses conseils, on fut obligé de se retirer.
Le Roi l’envoya encore en Savoye, pour ménager un accord, entre le Comte et la Comtesse de Savoye, et leurs Sujets, pour raison de plusieurs divisions qui regardoient le Gouvernement, en quoi il fit paroître de nouveaux traits de sa prudence le traitté en fut passé cette année 1393.
En 1395. la guerre ayant été declarée aux Turcs en Hongrie, Enguerran ne manqua point de s’y trouveo, les Turcs y perdirent par son adresse, en une seule rencontre, vingt mil hommes ; mois Bajazeth I. fils d’Amurath, qui étoit venu avec une Armée de deux cens mil hommes, pour faire lever le Siege, de Nicopolis en Misie, défit entierement les Chrétiens, cette Armée redoutable fût attaquée par eux, contre le sentiment du Seigneur de Coucy, aussi y perirent-ils ; Enguerran fut fait prisonnier avec plusieurs autres, de quoi il conçut tant de chagrin, quil tomba malade, et mourut à Pruzze de Bithinie ; son corps fût raporté en France, et fût inhumé en l’Eglise de Nogent, où il avoit choisi sa sepulture, auprès d’Elizabeth d’Angleterre sa premiere femme, qui y avoit été enterrée.
Voilà la fin glorieuse de ce grand Seigneur de Coucy, qui fait le comble de la gloire de sa Posterité. Il est le dernier de cette Branche, issu de l’aîné du nom, et des Armes de Coucy, n’ayant eû aucun enfant mâle.
Il eut trois filles de ses deux femmes, sçavoir d’Isabeau d’Angleterre sa premiere, Marie de Coucy, Comtesse de Soissons, Dame de Coucy, et d’Oisy, dont il sera parlé cy-après ; Philippe de Coucy, qui reçût ce nom, en memoire de Philippe de Haynaut Reine d’Angleterre son ayeulle maternelle, élevée dans le Royaume même d’Angleterre, où elle épousa Robert de Vere Duc D’Yrlande, Marquis de Dublin, Comte d’Oxfort. grand Chambellan d’Angleterre, elle lui apporta en mariage, les Seigneuries qui étoient dans le Comté de Lancastre, qu’Isabeau d’Angleterre sa mere avoit eû en mariage. La troisième fille qu’il eut fut Isabeau de Coucy, laquelle étant fort jeune, demeura en la garde de sa mere, qui en cette qualité eût de grands procès au Parlement pour la succession d’Enguerran, Seigneur de Coucy son mary ; premierement contre Marie de Coucy, fille ainée du même Enguerran, et veuve de Henry de Bar, et ensuite contre Loüis de France, Duc d’Orleans, comme ayant les droits de Marie en la Baronie de Coucy, et par Arrêt du onzième Août 1408. la moitié des Villes, Château, et Châtelenie, de Coucy, de Marle, de la Fére, et de la Seigneurie d’Oisy ; et la quatrième partie de celles de Pinon, et de Montcornet en Thierasche, fut adjugée à Isabeau de Coucy sa fille ; laquelle épousa depuis Philippe de Bourgogne, Comte de Nevers, et de Rethel, fils puisné de Philippe de France, dit le Hardy, Duc de Bourgogne, et de Marguerite de Flandres sa femme.
BOURGOGNE
NEVERS
De France à la bordure
componée d’argent & de Gueulle.
Elle mourut peu après, laissant une fille seulement, qui ne vécut que six mois, au moyen dequoi les Châtelenies de Marle, et de la Fére, avec le Château d’Assy, retournerent à Robert de Bar, fils de Marie de Coucy.
Il laissa aussi un Bâtard nommé Perceval, qui fut Seigneur d’Aubermont, Terre tenüe en Fief de la Châtelenie de la Fére, lequel épousa Belle-cousine de Serulle, Dame de Serches.
MARIE
DE COVCY
Comtesse de Soissons, Dame de Coucy, & d’Oisy.
La fille aînée d’Enguerran VII. et d’Isabeau d’Angleterre sa I. femme, fut Marie de Coucy ; Pendant que son pere vivoit elle épousa Henry V. Comte de Bar, fils aîné de Robert I. Duc de Bar, Marquis du Pont, et de Marie de France, fille du Roi Jean, qui érigea le Comté de Bar, en Duché ; duquel elle eut un fils et une fille, le fils qui fut Robert de Bar Prince courageux, n’eût point d’enfans, et fut tué par les Anglois à la journée d’Azincourt, avec Edouard I. Duc de Bar son frere aîné ; Jeanne de Bar la fille épousa Louis de Luxembourg Comte de S. Paul, Connétable de France, qui fut decapité à Paris.
BAR.
D’azur à deux bars
d’or adossez, semé de Croix d’or
recroisetées au pied long.
Leur mariage ne fut pas de longue durée, car Henry de Bar étant allé en Hongrie avec Enguerran son beau-pere, il mourut à Venize au retour du siege de Nicopolis, où il avoit été fait Prisonnier, avec Enguerran son beaupere, laissant Marie sa femme, mere d’un fils nommé Robert de Bar, et de Jeanne de Bar, comme il vient d’être dit. Elle portoit seulement alors, la qualité de Dame d’Oisy, Seigneurie qui lui fût donnée en mariage, mais ayant succedé à Enguerran son pere, tant au Comté de Soissons, qu’en la Seigneurie de Coucy, elle n’en jouit pas long-tems, car ayant été sollicitée de vendre les principaux biens de la succession de son pere, elle y entendit contre la prohibition du partage, et la loi de la maison, qui vouloit que les biens fussent conservés à la Famille, dans laquelle ils avoient été plus de cinq cens ans, elle avoit eû pour partage avec Elizabeth sa soeur, lors épouse du Comte de Nevers, tous les principaux biens, anciens et patrimoniaux dont cette Maison à été si fort illustrée ; sçavoir la Seigneurie de Coucy, de Marle, de la Fére, d’Oisy, et de Montmirel.
Elle vendit donc à Loüis de France, Duc d’Orleans, Comte de Blois, de Valois, et de Beaumont, frere de Charles VI. qui regnoit alors, la Seigneurie de Coucy, de Folembray, et de S. Aubin, avec leurs dépendances, le Château de la Fére, celui de S. Gobin, le Châtelet, Saint Lambert des Eaux, et tous ses Viviers et Etangs ; la Ville et Seigneurie de Marle, le Château d’Assies, Crecy et ses dépendances, et ce moiennant la somme de quatre cens mil livres, dont elle reconnessoit en avoir receu soixante mil livres contant, et le reste payable à plusieurs termes, elle vendit aussi le Comté de Soissons à part.
Ces ventes n’ayans pû étre faites au prejudice d’Elizabeth de Coucy sa soeur, qui avoit droit de partager également en tous ces biens avec elle ; Philippe de Bourgogne Comte de Nevers, qui avoit épousé cette Elizabeth de Coucy, comme il vient d’étre dit, ne fut pas long-tems à intenter action contre sa belle-soeur, afin de partage dans tous les biens de cette succession, et de faire sommer Loüis d’Orleans d’entendre à cette procedure, le partage ne put être dénié par Marie, ni empêché par Louis d’Orleans, si-bien qu’il y fut procedé et homologué par la Cour ; le Duc de Nevers eut entre autre chose, de ses biens vendus, les Seigneuries de Marle et de Crecy ; mais Elizabeth sa femme, étant venüe à mourir peu de tems après sans enfans, tous ces biens retournerent à Marie de Coucy son aînée, laquelle étant aussi decedée peu après, laissant Robert et Jeanne de Bar ses enfans, ce Robert ne manqua pas de poursuivre aussi Loüis Duc d’Orleans, ayant fait saisir réellement sur lui, le Comté de Soissons, et la Seigneurie de Coucy, pour six vingts mil liv. restans à payer de cette vente. Ce different se termina pourtant par une Transaction qu’ils firent ensemble, par laquelle ce Duc, pour demeurer quitte de cette somme de six-vingts mil livres, donna au Comte de Bar, et lui délaissa la Châtelenie de la Fére, et celle de Marle.
Ce Comte de Bar n’eut point d’Enfans, pourquoi sa succession, tant paternelle que maternelle, échût à Jeanne de Bar sa soeur, en la personne de laquelle continua cette ligne ce Coucy ; elle épousa Louis de Luxembourg, Comte de S. Paul, de Brienne et de Ligny, dont est issu Pierre de Luxembourg, pere de Marie de Luxembourg, qui épousa François Comte de Vendôme, dont est issu Charles I. Duc de Vendôme qui épousa la soeur du duc d’Alençon, dont est sorti Antoine de Navarre Pere d’Henry le Grand.
Ainsi finit la seconde Famille de Coucy, sortie en ligne masculine de celle de Guines, laquelle passa premierement dans la maison de Bar, puis dans celle de Luxembourg, et ensuite dans la Royalle de Bourbon, qui en a apporté les biens à la Couronne.
Louis d’Orleans demeura Maître de la Seigneurie de Coucy, mais il n’en jouit pas paisiblement, ayant toujours eu des guerres contre le Duc de Bourgogne, et contre ceux de la maison de Luxembourg, et de Loraine, qui durerent trente-trois ans, il perdit deux fois la Ville et le Château de Coucy, la premiere fois, lorsque le Roy y fit mettre le Siege qui dura trois mois, il lui remit pourtant entre les mains deux ans aprés ; il fut ensuite fait prisonnier des Anglais. Et peu après Coucy fût pris, pour la seconde fois, par Jean de Luxembourg, Comte de Ligny, qui fut en possession de cette Ville, l’espace de vingt-deux ans, et jusques à sa mort ; enfin cette Place fut reprise pour une derniere fois, par la Maison d’Orleans, laquelle étant venue à la Couronne de France, cette Seigneurie y fut reünie par ce moyen.
FIN
Source :
Pages : 40 - 80
Auteur(s) : Caron, Jules
Titre(s) : Notice historique sur le château-fort de Coucy [Texte imprimé] / par le secrétaire de la Société académique de Chauny (l’abbé Jules Caron). augm. de la Description du château au XVe siècle / du poète d’Astesan,.... et de la Notice sur les sires de Coucy / du sieur Jovet
Edition : 2e éd.
Publication : Chauny : E. Trouvé, 1889
Description matérielle : 80 p. : ill. ; in-8
Sujet(s) : Coucy-le-Château-Auffrique (Aisne) -- Château
Notice n° : FRBNF30198446
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