RETOUR

LE CHÂTEAU DE COUCY

ET

L’ARCHITECTURE MILITAIRE DU MOYEN ÂGE


I

Un bref communiqué nous a appris, un matin, que les Allemands, en se retirant, avaient détruit « le château historique de Coucy ». Nul commentaire ; notre état-major n’a pas de temps à perdre. Ce commentaire, il faut le faire pourtant, car la France n’a peut-être pas assez senti l’odieux de ce nouveau crime de l’Allemagne. Tout le monde avait entendu parler de la cathédrale de Reims, mais le château de Coucy n’était connu que des admirateurs passionnés du moyen âge. Ceux-là ont reçu un coup au coeur. Ils savent, ceux-là que Coucy était le plus magnifique donjon de l’Europe, une oeuvre titanique, quelque chose comme notre grande pyramide de Chéops. Ils avaient été écrasés, puis exaltés par cette haute tour qui s’élevait hautaine, dédaigneuse, toute nue, sans autre ornement qu’une légère guirlande de feuillage à son sommet, comme une couronne de chêne sur le front d’un héros. Ceux-là savent ce que la France perd. Soyons sûrs que le général qui a donné l’ordre de faire sauter le château le sait aussi bien qu’eux. Ces généraux sont des érudits, des lettrés. Ne nous a-t-on pas appris que le général qui bombarde la cathédrale de Reims est un ancien élève des cours d’histoire de l’art(1). Leurs professeurs, leurs livres parlent de Coucy, avouent qu’aucun château du moyen âge ne peut lui être comparé. Coucy était donc condamné à l’avance. Le jour où ils devinrent les maîtres du chef-d’oeuvre, il fut certain que le monde ne le reverrait plus. Ils voudraient pouvoir anéantir tout ce qui porte témoignage du génie de la France, cet insolent génie qui les humilie tant.

Détruire le château de Coucy, c’était détruire une vieille chanson de geste, effacer, un magnifique poème. Seules les plus belles de nos épopées donnent une impression de grandeur comparable à celle qui rayonnait de Coucy. Sur beaucoup d’esprits le monument agit avec plus de force que le livre : le choc qu’il donne est plus brusque, plus foudroyant. Il y a aussi dans le monument un mystère qui émeut plus profondément l’imagination. Coucy suggérait l’idée d’une indomptable volonté. Rien ne faisait mieux sentir que Coucy ce qu’avait été la féodalité ; mais rien ne faisait plus haute la stature du roi de France. Voilà les hommes que Louis VI, que Philippe-Auguste, que saint Louis durent soumettre pour faire la France.

Quand, pour la première rois, on apercevait le château de Coucy au bord de son promontoire, on croyait voir un lion au repos. Aux quatre coins, quatre puissantes tours s’enfonçaient dans le sol comme des griffes, et, en avant, le donjon levait fièrement sa haute tête. Cette idée du lion qui vous avait saisi d’abord ne vous quittait plus. On la retrouvait à peine entré. Au tympan de la porte du donjon on voyait un sire de Coucy luttant avec un lion comme un roi d’Assyrie : fier symbole de force, sorte de métaphore de poète épique traduite en pierre. On se souvenait aussi qu’il y avait jadis, dans cette même cour, une grande dalle, portée par trois lions, sur laquelle un autre lion était assis. C’est devant ce lion, qui avait l’air d’être le seigneur du lieu, que les vassaux venaient prêter le serment d’hommage. Partout la figure du lion.

Ces Coucy eux-mêmes semblaient être de la race des fauves. Ils étaient terribles dans leur colère, indomptables, sauvages. Enguerrand 1er de Coucy enleva au comte de Namur sa femme Sibylle et l’épousa. Son propre fils, Thomas de Marle, lui fit la guerre, et le père et le fils essayèrent de s’assassiner. C’est la famille des Atrides. De générations en générations ils furent en lutte contre le roi de France, contre l’évêque. Plusieurs fois ils furent excommuniés. Peu d’hommes ont vécu plus complètement affranchis des lois. On comprend leur devise, la plus dédaigneuse que le moyen âge nous ait laissée

Roi ne suis,
Ne prince, ne duc, ne comte aussi,
Je suis le sire de Coucy.

Ces Coucy, d’ailleurs, ont racheté leurs fautes par leur héroïsme. Ils étaient toujours prêts à donner leur vie pour une noble cause. Ces vieux ennemis du roi combattaient à ses côtés à la bataille de Bouvines. A chaque croisade, il y eut dans l’armée française, un sire de Coucy. La légende racontait qu’en Terre Sainte, Enguerrand Ier, surpris par les musulmans et ne retrouvant plus sa bannière, avait coupé un pan de son manteau rouge fourré de vair pour en faire un étendard. Ce fut le fameux blason des Coucy, fascé de vair et de gueules. Trois Coucy sont morts aux croisades ; l’un d’eux fut tué à la bataille de Mansourah après avoir essayé de sauver la vie au frère de saint Louis. Le dernier des Coucy, Enguerrand VII, fidèle aux traditions de sa race, était, en 1396, à la bataille que la chevalerie française livra aux Turcs du sultan Bajazet à Nicopolis. Il fut fait prisonnier et emmené dans cette Asie Mineure que ses ancêtres avaient traversée en conquérants. Il mourut de désespoir, bien loin de son magnifique donjon, au pied de l’Olympe de Brousse. Il avait demandé à ses compagnons de captivité de rapporter son corps en France : ils ne purent y envoyer que son coeur.

Il a manqué à cette famille des Coucy d’être chantée par un grand poète. Un Dante, en un tercet, les eût fait vivre à jamais dans la mémoire des hommes. Le poème du Châtelain de Coucy et de la dame de Fayel n’est qu’une fiction, sans vérité historique, où nulle part n’apparaît la grandiose figure du vrai sire de Coucy. Chose étrange, ce petit roman s’est trouvé prophétique, et il a annoncé, plus d’un siècle à l’avance, la mort du dernier des Coucy. Comme le héros du poème, Enguerrand VII est mort loin de son pays ; son coeur, comme celui du romanesque chevalier, fut apporté en France, mais au lieu d’être envoyé à sa dame, il fut confié à la garde des Célestins de Villeneuve.

Ce que la poésie n’avait pu faire pour les Coucy, l’art l’avait fait. Leur château, le plus fier du moyen âge, leur assurait l’immortalité. Sans les vandales, il eût duré aussi longtemps que la colline qui le porte.


II


Pour bien faire comprendre le vrai caractère et la beauté de Coucy, il faut d’abord esquisser à grands traits l’histoire de l’architecture militaire au commencement du moyen âge. Ce long détour est nécessaire. On ne sentira ce qui fait l’excellence du château de Coucy que si on connaît ce qui a précédé Coucy.

Vers 1825, M. de Caumont, tout jeune alors, parcourait le Calvados, la Manche et l’Eure pour y retrouver les traces des plus anciens châteaux normands. Guidé par des paysans, qui lui racontaient des légendes, il découvrait dans les bois, dans les landes, au confluent de deux ruisseaux, des restes de fossés qui dessinaient une enceinte, des remparts de terre, et, presque toujours, une butte artificielle, une motte, sur laquelle s’élevait jadis le donjon.

Ces châteaux remontaient presque tous au XIe siècle, et beaucoup avaient le double prestige de la poésie et de l’histoire. C’est là qu’avaient vécu les compagnons de Guillaume le Conquérant, ceux que Wace avait chantés, ceux dont les noms étaient inscrits dans le Domesday Book, le livre de la victoire. Ce dut être pour M. de Caumont, si passionnément épris de sa Normandie, une bien vive joie de retrouver après tant de siècles, les châteaux oubliés de ces hardis barons normands qui avaient pour cri de guerre un nom de saint, qui tantôt luttaient contre leur duc et tantôt marchaient à ses côtés. Voici qu’il découvrait à Livry, dans le Calvados, les restes du château de Briquesart, qui se révolta contre Guillaume et dont Wace a parlé. A Vieux-Conches, dans l’Eure, il retrouvait le château de Roger de Toéni qui portait l’étendard des Normands à la bataille d’Hastings ; à Curcy, dans le Calvados, le château de ces Curcy dont, la victoire fit de puissants barons dans le comté d’Oxford. Tout le vieux Roman de Rou semblait revivre sous ses yeux.

Mais une chose étrange le frappa. Sur la plupart de ces mottes féodales, il n’y avait ni un pan de mur, ni une pierre, et les fouilles n’y faisaient découvrir aucune trace de fondations. Il lui apparut donc bientôt, avec évidence, que les plus anciens donjons normands étaient des donjons de bois. Ainsi, cette vieille féodalité normande, ces hommes qui avaient conquis la Pouille, la Sicile et l’Angleterre, avaient vécu derrière des poutres équarries et des murs de charpente. Leur donjon n’était pas plus durable que la barque de leurs ancêtres.

Si quelques doutes eussent pu demeurer dans l’esprit de M. de Caumont, l’étude de la tapisserie de Bayeux les eût dissipés. Quatre châteaux y sont représentés, ceux de Dol, de Dinan, de Bayeux et de Rennes. Ils sont presque pareils tous les quatre, et il est visible qu’ils sont en bois. Des assaillants s’approchent du château de Dinan, et, avec des torches, s’efforcent d’y mettre le feu. Nous avons là une image naïve des vieux châteaux normands : on distingue fort bien la motte artificielle sur laquelle ils s’élèvent, et le pont de bois, jeté par-dessus le fossé, qui y donne accès.

Dans ces châteaux normands la motte est généralement située au milieu d’une cour qu’entourent des fossés, que protège une levée de terre. Des pieux enfoncés dans ce tertre formaient l’enceinte du château.

Le château normand apparaît en Angleterre après la conquête. Les Anglais ont recherché avec autant de passion que M. de Caumont les traces de ces premières demeures de leur vieille aristocratie(2) . Les siècles suivants en ont souvent modifié l’aspect, mais parfois le dessin primitif est resté intact. On retrouve, comme en Normandie, la cour entourée de fossés et la motte artificielle qui portait le donjon de bois.

Ces châteaux de bois du XIe siècle ne sont pas particuliers à la Normandie et à l’Angleterre. Les textes nous en signalent dans diverses régions de la France. Mais nos provinces n’ont pas été explorées avec autant de soin que la Normandie. Qui ne sent pourtant l’intérêt d’un livre consacré à nos plus anciens châteaux ? Il nous donnerait notre première géographie féodale et le décor de notre vieille épopée.

Le château de bois du XIe siècle persiste encore dans les premières années du XIIe. Ce fameux château du Puiset qui barrait à Louis VI la route de Paris à Orléans, ne différait en rien des anciens châteaux normands. Louis VI finit par l’emporter d’assaut. Suger, qui nous a raconté cette Iliade de la Beauce, est aussi précis qu’on peut le désirer. Toury, qui était au roi, avait une tour de bois à trois étages ; le Puiset, qui était à Hugues, avait un donjon de bois et une circonvallation de pieux. C’est par le feu que le roi essaya de faire une brèche dans l’enceinte ; des chariots chargés de bois enflammés furent poussés jusqu’à la palissade. La tentative échoua, mais, au même moment, un prêtre-soldat, abordant le retranchement par un autre côté, en arracha les pieux et ouvrit un passage aux assaillants. Hugues se réfugia dans le donjon, mais il ne put s’y défendre longtemps et dut bientôt se rendre. Le roi, vainqueur, emmena Hugues prisonnier et fit mettre le feu au donjon. Faciles à détruire, ces châteaux de bois n’étaient pas moins faciles à réédifier. On vit le Puiset renaître de ses cendres, et il fallut que Louis VI le prît et le détruisît une seconde fois.


III

Le XIe siècle avait été le siècle des donjons de bois, le XIIe fut le siècle des donjons de pierre. Le donjon du XIIe siècle conserve la forme carrée ou rectangulaire qu’il avait au XIe ; la primitive construction de charpente se reconnaît encore dans les grandes lignes du monument.

Il ne faudrait pas croire pourtant que le donjon de pierre ait apparu brusquement au commencement du XIIe siècle. Dès le XIe siècle, et même dès le Xe, il y eut, à côté des châteaux construits en bois, des châteaux construits en pierre. Il en subsiste encore quelques uns aujourd’hui. Le donjon à demi ruiné de Langeais, le plus ancien qu’il y ait en France, a été élevé par Foulques Nerra en 992 : la brique s’y mêle au petit appareil, comme dans les monuments romains. La fameuse, tour de Londres, la « tour Blanche », commencée par Guillaume le Conquérant, est une oeuvre du XIe siècle.

Mais, au XIe siècle, le donjon de pierre est une exception ; au XIIe, il devient la règle.

Le farouche donjon de Beaugency ouvre le XIIe siècle. Il est à peu près contemporain de la Chanson de Roland et de la prise de Jérusalem. Il ressuscite pour nous ces temps héroïques. On s’imagine d’habitude que ces hautes tours rectangulaires n’étaient que des forteresses inhabitées, on croit qu’elles ne s’emplissaient de défenseurs qu’au jour du péril. C’est pourquoi le voyageur jette un coup d’oeil distrait sur ces salles ouvertes du côté du ciel, qui ne l’émeuvent pas plus qu’un corps de garde. Mieux instruit, il aurait eu un bien autre plaisir à contempler ces vieux murs ; car le donjon du XIIe siècle n’est pas, comme il le croit, une simple tour de défense, c’est la demeure même du baron. C’est là, c’est derrière ces tristes murs, dont on ne voudrait pas aujourd’hui pour en faire une prison, qu’a vécu le héros de nos épopées, le soldat des croisades. Il vivait là, avec sa femme et ses enfants, planant de haut sur la contrée, inexpugnable dans son fort. A Beaugency, cette ouverture qu’on aperçoit au premier étage et qu’on prend pour une fenêtre, c’était la porte ; car on n’entrait dans le donjon que par un escalier mobile. Le rez-de-chaussée, voûté et sans fenêtres, était le magasin ; on y entassait assez de provisions pour pouvoir soutenir un siège. Le premier étage, avec sa grande cheminée, était la salle où vivaient le baron et les siens ; car, à l’âge héroïque de la féodalité, le noble n’était guère mieux logé que le vilain. Des cloisons de bois, des tentures pouvaient dessiner quelques compartiments. Les étroites fenêtres romanes, percées dans des murs de trois mètres d’épaisseur, ne découpaient qu’un petit cercle de soleil sur le pavé ; elles ne laissaient entrer jusqu’au fond de la salle que les rayons. horizontaux du matin et du soir. Pour vivre en sûreté, on vivait dans une demi-nuit. Une de ces fenêtres, celle qui regardait l’Orient, s’ouvrait au fond d’une niche plus vaste que les autres, parce que cette niche était un oratoire. C’est là que le baron assistait à la messe ; un chevalier qui respectait les commandements de la chevalerie y assistait tous les jours. En temps de siège, on trouvait dans le donjon tout ce qui pouvait soutenir l’âme aussi bien que le corps.

Cette rude demeure a façonné la féodalité. Elle lui a donné des défauts : le dédain, l’orgueil de l’homme qui n’a pas d’égaux autour de lui ; mais elle lui a donné aussi plus d’une vertu : l’amour de la tradition et des moeurs antiques, le profond sentiment de la famille. Il n’y a plus là comme dans la villa gallo-romaine, un gynécée, un triclinium d’été, un triclinium d’hiver, des thermes, des galeries, une foule de chambres où l’on peut s’isoler : il n’y a qu’une salle. Le père, la mère et les enfants vivent ensemble à toutes les heures du jour, serrés les uns contre les autres, souvent sous la menace du danger. Il fallait qu’il y eût dans cette grande salle sombre une chaude atmosphère d’affection. La femme surtout gagna infiniment à cette vie si austère : elle devint la reine de la maison. Et l’on s’en aperçoit bien. Jamais le costume féminin n’a eu plus de majesté : longue robe aux plis fins comme les cannelures d’une colonne, longues tresses serrées par des fils d’or, longues manches, ceinture aux bouts pendants, et sur la tête un diadème retenant le voile. Ce costume, tout en lignes verticales, faisait paraître la femme plus grande, lui donnait une dignité royale. Ces longues reines au sourire mystérieux de la façade de Chartres, qui nous semblent de fantastiques créations, ce sont les femmes du XIIe siècle. Pour la première fois, depuis l’antiquité, la femme inspire les poètes. Elle fait naître la charmante poésie des troubadours. La dame du donjon, la belle Azalaïs, « fraîche comme la neige de Noël » semble à Bernard de Ventadour, le fils du pauvre valet du château, une apparition céleste. « Je suis si rêveur, dit-il, que les voleurs pourraient m’enlever sans que je m’en aperçoive, »

Les beaux donjons du XIIe siècle ne sont pas rares en France. Il y en a de magnifiques, comme le donjon de Falaise assis sur son roc de quartz ; il y en a de si grandioses comme le donjon de Loches, qu’ils font penser aux monuments romains. Pour nous, les plus intéressants ne sont pas ceux des villes, mais ceux des campagnes, le donjon de la lande ou de la colline qui évoque toute la féodalité. Solitaires à l’origine, ils ont fait bientôt naître un village à leur pied. Dans le Bourbonnais, c’est le donjon d’Huriel, aux belles pierres dorées par les siècles ; en Normandie, c’est le donjon de Chambois qui nous font le mieux sentir ce qu’était la vie un peu sauvage du baron. Il ne voyait de son étroite fenêtre que la cime de la forêt, le lointain clocher de l’abbaye des moines noirs, ou la légère colonne de fumée qui montait de la cabane de l’ermite. C’est le décor des poèmes chevaleresques, une fraîche nature, pleine d’une virginale beauté.

Le donjon de Chambois, si l’on retranche par la pensée une ligne de mâchicoulis qui y fut ajoutée au XIVe siècle, est le type parfait du donjon normand(3) Il y a aux quatre angles quatre contreforts saillants, et à la grande tour s’accole une tour carrée plus petite. La silhouette a du mouvement, quelque chose de fier qui donne à ce rude monument une âpre beauté. Tels sont exactement les donjons que la féodalité anglo-normande éleva en Angleterre. On y voit toujours, accolée à la grande tour, une tour plus petite contenant l’escalier et parfois la chapelle. Ces donjons sont souvent plus vastes que les nôtres, et, à l’intérieur, un peu plus ornés ; le baron anglais n’avait pas voulu vivre entre des murs entièrement nus : il avait fait sculpter des bâtons brisés dans l’archivolte des portes et des fenêtres. Il y a encore en Angleterre quelques-uns de ces grands fantômes du passé qui font presque peur : Hedingham, Ludlow, Porchester et le poétique Kenilworth. Shakespeare avait sans doute rencontré l’un d’eux sur sa route, car on n’imagine pas autrement le sombre château de Macbeth, le donjon auquel les hirondelles avaient suspendu leur nid.

Les Normands bâtirent jusqu’en Sicile ces donjons carrés auxquels s’accole une tour plus petite. A Palerme, la Zisa et la Couba sont deux donjons normands. Mais ces donjons que les rois de Sicile avaient voulus au dehors rudes comme les forteresses du pays de leurs aïeux, étaient, au dedans, des lieux de délices. Le rez-de-chaussée de la Zisa, qui s’est conservé presque intact, ressemble à une salle de l’Alhambra de Grenade avec son bassin, ses stalactites, ses mosaïques et son inscription arabe qui célèbre le charme de ce « paradis terrestre ».

Achevons la description du château français du XIIe siècle. Le donjon n’est pas tout le château, puisqu’il s’élève, comme jadis, dans une cour entourée de murs. Ces cours ou bailles étaient des lieux d’asile où se réfugiaient les paysans en temps de guerre, où ils-apportaient leurs récoltes et leurs pauvres richesses. Car, comme l’a si bien dit Fustel de Coulanges, chaque château fort était le salut d’un canton... Au moment où s’élevèrent ces forteresses seigneuriales, les hommes ne sentirent pour elles qu’admiration et reconnaissance. Elles n’étaient pas faites contre eux, mais pour eux.

Le mur de circonvallation était parfois flanqué. de quelques tours, mais souvent il était nu. Il devait être assez médiocrement construit, car presque partout il a disparu, et, seul, le donjon est resté debout.

Le château du XIIe siècle, avec son grand caractère, était plus fort en apparence qu’en réalité. La forme carrée du donjon n’était pas la plus favorable à la défense, parce qu’il restait toujours, aux quatre coins, quatre angles morts que les projectiles du défenseur n’atteignaient. pas. De hardis pionniers pouvaient s’y glisser et saper la base de la tour. Les murs d’enceinte, si l’on en juge par celui du château d’Arques, étaient tracés sans beaucoup d’art. De pareils châteaux n’étaient redoutables que parce que la guerre de siège n’était pas encore une science, et parce que les engins de destruction étaient d’une très médiocre puissance. Dans la Chanson de geste, Ogier le Danois, à lui tout seul, et avec quelques troncs d’arbres habillés en soldats, brave dans sa tour toute une armée.

Mais, vers la fin du XIIe siècle, tout changea presque subitement. En 1197, Richard Coeur de Lion construisit, non loin des Andelys, sur un promontoire qui domine la Seine, ce célèbre Château-Gaillard qui devait fermer l’accès de la. Normandie au roi de France.

Démantelé, ruiné par le temps et par les hommes, le Château-Gaillard est encore debout. Là, tout est profondément médité et tout est nouveau. Le donjon n’est plus carré, il est circulaire avec une base qui s’évase largement. De grandes arcades appliquées à l’extérieur s’ouvraient par le haut, et donnaient passage aux projectiles qui rebondissaient sur le talus de la tour : ce sont des mâchicoulis, dont nous avons ici un des plus anciens exemples. Deux enceintes concentriques protègent le donjon, savantes toutes les deux, flanquées de tours saillantes aux points précis où elles sont utiles. Enfin, en avant du château, à l’endroit le plus vulnérable, s’élève. un ouvrage triangulaire, une sorte de bouclier qui en défend l’approche.

Voilà d’étonnantes nouveautés. L’architecture militaire nous apparaît pour la première fois comme une science ou rien n’est donné au hasard. Un pareil château semble n’avoir point d’ancêtres ; et, en effet, il n’en a pas en France, mais il en a en Orient.


I V

II n’y a pas, dans notre histoire du. moyen âge, d’épisode plus féerique que la prise de possession du Levant par la France. En face de ce profond passé, la jeune France du XIIe siècle resta elle-même avec naïveté. Aux antiques villes phéniciennes elle donna des noms familiers : la Sidon des prophètes s’appela Sajette, Byblos, la. ville des mystères d’Adonis, devint Giblet, et Antaradus fut Tortose. Partout s’élèvent des châteaux qui se nomment, comme s’ils étaient en France, Châteauneuf, Beaufort, Montréal, Mont-Ferrand ; quelques-uns s’appellent le Château-Pelerin, Blanche-Garde, et ont l’air d’être des châteaux des romans de la Table Ronde. Cette lumineuse France d’outre-mer a encore plus de puissance de séduction que notre Afrique française. On comprend que ceux qui ont parcouru au temps de leur jeunesse ces pays où l’on heurte à chaque pas un souvenir de la France, en soient demeurés les prisonniers et aient passé leur vie à les étudier.

Parmi les objets d’étude qu’offre la Syrie, il en est peu de plus intéressants que ses châteaux. Ils s’élèvent dans les défilés des montagnes, dans les vallées des fleuves, sur toutes les routes des invasions.

Du côté du sud, Ibelin et Blanche-Garde fermaient, avec Ascalon, le royaume de Jérusalem au sultan du Caire. Près de la mer Morte, le château du Karak, « la Pierre du désert », dont le duc de Luynes nous a fait connaître les grandes ruines, et, plus loin, Montréal, sur la route de la mer Rouge, défendaient « la terre d’Outre-Jourdain » contre les Arabes nomades. Du côté du nord, Beaufort, Castellet et le château de Banias protégeaient Tibériade contre une attaque des Arabes de Damas.

Le comté de Tripoli était défendu par ses montagnes. Mais au défilé de la route d’Emesse et d’Hamah, deux villes qui étaient aux infidèles, s’élevait le formidable château du Krak des Chevaliers. Le massif des Ansariés, royaume du Vieux de la Montagne et de ses Assassins, était surveillé par Margat, Chastel Blanc et Saone. Il avait fallu fortifier aussi les ports de la côte menacés par les flottes égyptiennes. Le magnifique château de Tortose, où les Templiers gardaient le trésor de l’ordre, où ils luttèrent jusqu’au dernier jour, s’élève encore au-dessus de la mer. Athlit, au pied du Carmel, conserve sur un promontoire les ruines du Château-Pelerin. D’autres forteresses protégeaient les frontières de la principauté d’Antioche et du comté d’Edesse.

Il y a dans tous ces châteaux une grandeur et une science qui étonnent ; on est surpris de les trouver si visiblement supérieurs à ceux qui s’élevaient en France au même moment.

Chastel Blanc, que les Arabes appelaient Bordj Safita, est un des plus simples de ces châteaux. Il s’élève à l’est de Tortose, sur les premières pentes de la chaîne des Ansariés, au milieu d’antiques oliviers qui remontent peut-être au temps des Francs. Chastel Blanc appartenait aux Templiers, et ils y ont laissé leur marque. Le donjon du XIIe siècle, qui est rectangulaire comme un donjon français, n’est pas autre chose qu’une chapelle. De sorte que les moines-soldats, leurs retranchements forcés, combattaient près de l’autel et défendaient leur Dieu. Une citerne, ouvrant dans la chapelle, permettait d’y soutenir un siège.

Ce donjon, si original, ne marque pourtant aucun progrès sur les donjons français contemporains. Il n’en est pas de même de la double enceinte concentrique qui entoure le donjon. Des tours, dont quelques-unes subsistent, sont placées aux points faibles de la muraille. La première enceinte s’élargit à sa base en talus, et, par endroits, se montrent de grands contreforts qui ne sont pas autre chose que des restes de mâchicoulis(4) . Voilà autant de nouveautés.

Le château de Margat, le Markab des musulmans, s’élève non loin de Tortose. Il domine la plaine de si haut, que « seuls l’aigle et le vautour, disent les historiens arabes, volent à ses remparts. » De là, on voit blanchir la mer sur une immense étendue de la côte phénicienne.

Margat existait déjà au commencement du XIIe siècle, mais les constructions actuelles ne paraissent pas antérieures à 1186, date à laquelle les Hospitaliers vinrent s’y établir. Rien en France ne pouvait alors se comparer à Margat. C’est d’abord une vaste enceinte flanquée de tours, où mille hommes d’armes pouvaient tenir garnison.

Cette première enceinte, cette basse-cour, comme on disait, était séparée du château proprement dit par un profond fossé. Ce château formait un ensemble à part. Sa partie vulnérable était au sud, aussi est-ce là que se dresse le donjon. Cette fois ce n’est plus un donjon carré, mais une énorme tour circulaire de vingt-neuf mètres de diamètre, construite en assises de basalte noir, séparées par des joints blancs. En avant du donjon, une sorte d’ouvrage avancé, une tour demi-circulaire, dont la base se perd dans un puissant talus de maçonnerie, recevait le premier choc de l’ennemi. Au donjon viennent se souder de hauts corps de logis, une chapelle romane, une grande salle, des magasins, tout un ensemble de constructions qui se groupent autour d’une cour. Pour la première fois, le château nous apparaît, non plus comme une tour isolée au milieu d’une enceinte, mais comme un tout organique.

Saladin passa au pied de Margat sans oser l’attaquer. Ce ne fut qu’un siècle après, en 1285, dans les derniers jours de la domination chrétienne en Orient, que le sultan Kalaoun s’en empara. Son succès parut si merveilleux -aux historiens arabes, qu’ils en font honneur aux quatre anges, Gabriel, Mikael, Asrael et Israfil, qui vinrent combattre à ses côtés.

Le château du Krak des Chevaliers(5) , est encore plus grandement conçu que celui de Margat : c’est le chef-d’oeuvre de l’art militaire des croisés en Orient. Le Krak des Chevaliers s’élève dans les montagnes du comté de Tripoli, au-dessus de la route d’Emesse ; de là la vue s’étend à l’infini, d’un côté jusqu’au désert de Palmyre, de l’autre jusqu’à la mer ; au sud brillent les neiges du Liban. Le château appartenait aux Hospitaliers qui s’y établirent en 1145 ; il a dû être élevé dans la seconde partie du XIIe siècle, comme le prouve le style de la chapelle.

Jamais forteresse ne fut mieux conçue. Elle se compose de deux enceintes concentriques. La première est flanquée de tours régulièrement espacées, plus saillantes et plus puissantes sur le front le plus menacé, le front du sud. La seconde enceinte domine la première et la renforce : ses tours sont placées dans l’entre-deux des tours de la première ligne, de sorte qu’elles forment avec elles un redoutable quinconce. Les défenses les plus puissantes sont également au sud ; là, trois énormes tours, jaillissant d’une base en talus, sont réunies entre elles par de larges plates-formes, sur lesquelles on pouvait établir des machines de guerre. Magasins, chapelle, casernements s’adossent au mur intérieur de cette seconde enceinte et augmentent sa force de résistance. Dans ce savant ensemble tous les organes concourent à la défense.

Ce n’est pas tout encore : le haut des murs n’est pas seulement défendu par des créneaux et des meurtrières, mais par des mâchicoulis. Au Krak des Chevaliers ces mâchicoulis sont de trois sortes. Les uns sont de grandes arcades qui descendent presque jusqu’au bas du mur, formant de longs couloirs par lesquels glissaient les projectiles. Les autres sont de petites guérites de pierre, des bretèches, comme on les appellera plus tard chez nous, accrochées de distance en distance au sommet du mur. Ouvertes en dessous, elles permettaient d’accabler sous les pierres l’assaillant arrivé au pied du rempart. La troisième espèce de mâchicoulis est faite d’une bretèche continue, si l’on peut dire. C’est une galerie en saillie au sommet d’un mur ou d’une tour ; elle est établie sur des consoles de pierre qui laissent entre elles des ouvertures(6). Tous ces raffinements de l’art de la défense étaient encore inconnus à l’Europe.

Le Krak des Chevaliers demeura longtemps imprenable. Le soudan d’Alep fut défait sous ses murs. Saladin, après la grande victoire d’Hattin qui lui livra le royaume de Jérusalem, l’assiégea vainement. Ce ne fut qu’en 1271, quand la mort de saint Louis eut enlevé aux chrétiens d’Orient tout espoir, que le sultan du Caire, Bibars, s’en empara. Il força la première enceinte, mais il ne put triompher de la seconde que par la ruse. Il fit remettre aux chevaliers de Saint-Jean une fausse lettre du gouverneur de Tortose qui leur ordonnait de se rendre. Bibars célébra pompeusement sa victoire. Une inscription qu’il fit graver au-dessus de la porte d’entrée le proclame « le guerrier assisté de Dieu, la pierre angulaire du monde ». Ces inscriptions avaient aux yeux des musulmans une vertu magique : celle-là devait leur assurer la possession du château pour toujours.

Pourquoi l’architecture militaire des chrétiens d’Orient fut-elle, au XIIe siècle, tellement supérieure à celle des chrétiens d’Occident ? C’est qu’en Asie les Latins se formèrent à une rude école. Les croisés qui quittèrent la France à la fin du XIe siècle, étaient plus riches d’enthousiasme que de science. Ils ignoraient presque tout de l’art des sièges. Quand Guillaume le Conquérant, quand son fils Guillaume le Roux voulaient mettre à la raison un vassal indocile, ils ne donnaient pas l’assaut à son donjon ; ils en construisaient un autre à côté, y établissaient une garnison et réduisaient le rebelle par la famine. Telles étaient les naïves méthodes de guerre des Normands, le peuple le plus militaire de l’Europe. Avant la première croisade, les engins de siège étaient à peu près inconnus. Orderic Vital nous signale, comme un homme unique, un ingénieur normand qui savait construire des machines à lancer des pierres.

C’est ce qui explique pourquoi les croisés eurent tant de peine à s’emparer des grandes villes d’Orient : Nicée, Antioche. Quelques années après, au siège de Tyr, les chrétiens, un peu mieux instruits, essayèrent de démolir les murs de la ville avec des quartiers de roc lancés par des pierrières. Mais ils y réussissaient si mal, qu’ils furent obligés de faire venir un oriental, un Arménien, nommé Havedic, qui leur apprit à se servir de leurs machines.

L’Orient était le dépositaire de vieux secrets qui se révélèrent aux Francs les uns après les autres. L’art de bâtir un château, une enceinte de ville était immémorial en Asie. Les Assyriens avaient porté cet art à sa perfection. Leurs bas-reliefs nous montrent des places défendues par une triple enceinte flanquée de tours. La seconde enceinte s’élève au dessus de la première, la troisième au-dessus de la seconde, et les tours des trois lignes sont disposées exactement en quinconce. Le pied des tours est engagé dans un talus qui fait rebondir les projectiles sur l’assaillant et qui met obstacle au travail du mineur Les tours enfin sont défendues par le haut avec une science consommée. Chose étrange, le profil des tours assyriennes rappelle celui des tours françaises du XIVe siècle ; et, en effet, elles sont conçues de la même manière. En Assyrie, une galerie en saillie couronne la tour : c’est, à n’en pas douter, une galerie de mâchicoulis. Parfois cette galerie semble être en bois et rappelle les hourds de nos châteaux.

Les Perses héritèrent de cet art si savant de l’Assyrie et le transmirent aux Byzantins et aux Arabes. Les croisés qui sortaient de leur donjon entouré de son mur, virent avec étonnement ces enceintes de villes aux innombrables tours et ces grands châteaux qui ressemblaient à des problèmes de mathématiques. Mais leur vive intelligence ne tarda pas à pénétrer le secret de leurs adversaires. Ils firent bientôt mieux que leurs maîtres. Quelques-uns de leurs châteaux sont de véritables chefs-d’oeuvre. L’Orient arabe ne nous a pas encore montré une forteresse qui puisse se comparer à Margat ou au Krak des Chevaliers. Il faut souhaiter que la France s’intéresse un jour à ces splendides ruines qui parlent si haut de son courage et de son génie. Les Turcs les déshonorent : ils les transforment en villages sordides et bientôt, si on n’y veillait, les rendraient méconnaissables.


V

On comprend maintenant pourquoi le Château-Gaillard, construit en 1197 par Richard Coeur de Lion à son retour de la Terre Sainte, marque un tel progrès sur les châteaux élevés en France dans le cours du XIIe siècle. Richard avait vu les enceintes des villes du Levant et les forteresses bâties par les croisés. Il ne se contenta pas d’admirer ces grandioses monuments ; il les comprit. Il était naturel qu’à son retour il appliquât les principes qui venaient de lui être révélés. Toutes les nouveautés que nous avons signalées au Château-Gaillard ont leur origine en Orient(7) .

Mais Philippe Auguste, lui aussi, avait vu la Palestine, et quoiqu’il y fût resté moins longtemps que Richard, il avait parfaitement compris l’originalité de l’architecture militaire du Levant. Ses châteaux le prouvent.

Philippe Auguste fut un grand bâtisseur. Lorsque, en 1204, il eut conquis la Normandie, il voulut qu’on ne pût la lui reprendre. Dans plusieurs villes il construisit des châteaux nouveaux ou renforça les anciens. Quelques-uns des donjons qu’il éleva alors subsistent encore aujourd’hui : on les voit à Rouen, Lillebonne, à Gisors, à Falaise, à Verneuil. Ils se ressemblent tous et révèlent un plan mûrement réfléchi. La forme ronde a été adoptée de propos délibéré, parce qu’elle donne moins de prise aux machines de guerre et qu’elle ne laisse aucun point sans défense. C’est une vérité d’expérience que les croisés avaient déjà reconnue, puisque, à Margat, au Krak des Chevaliers, les principales tours sont rondes. Philippe Auguste ne revint jamais à la forme carrée, toutes les tours qu’il a élevées sont circulaires.

Ces donjons ronds s’élèvent sur un soubassement plein, sur un véritable talus. Jadis le rez-de-chaussée était un magasin à provisions, maintenant c’est un massif de maçonnerie, une sorte de roc artificiel. Un pareil donjon avait peu de chose à craindre des entreprises des mineurs. On reconnaît là une méthode de défense sans cesse appliquée dans les châteaux de la Terre Sainte, où les tours, où les murs mêmes enfoncent leur base dans un large talus. Les Latins connaissaient par expérience l’habileté des Arabes à miner une tour ; leurs pionniers remplaçaient les pierres qu’ils enlevaient par des étais de bois, puis, quand la tour était comme suspendue sur ses pilotis, ils mettaient le feu aux étais, et la tour s’écroulait. Les bases pleines rendaient l’opération beaucoup plus difficile.

Aucun des donjons, aucune des tours élevées par Philippe Auguste n’a conservé son couronnement. Viollet-le-Duc a rétabli au sommet du donjon de Rouen une ceinture de hourds, c’est-à-dire une galerie saillante en bois formant mâchicoulis. La restauration est vraisemblable. Le léger talus que dessine le bas des tours élevées par Philippe Auguste était certainement destiné à faire ricocher sur l’ennemi les projectiles qui tombaient d’en haut.

Si plusieurs des donjons élevés par Philippe Auguste sont encore debout, il ne subsiste plus qu’un seul des châteaux qu’il éleva de toutes pièces : c’est le château de Dourdan. Dourdan était une vieille forteresse des.Capétiens placée sur, la route de Paris à la Loire ; Philippe Auguste la reconstruisit.

Son plan offre le plus vif intérêt. Les murs, qui forment un carré parfait, sont défendus avec un art consommé ; une tour ronde occupe chacun des angles, et une autre tour s’élève au milieu du mur. Ces tours ont un telle saillie que leur puissance défensive s’en trouve presque doublée ; d’autre part leur distance est si bien calculée que de l’une à l’autre les assiégés pouvaient croiser leurs traits, et qu’il ne restait pas, sur toute l’étendue du mur, un seul point à l’abri des projectiles. Le rôle des tours comme organes de défense du mur, qui s’était révélé aux croisés en Orient, est ici parfaitement compris. La Terre Sainte elle-même ne nous offre rien d’aussi achevé.

A Dourdan, la place du donjon mérite une attention particulière. Il occupe un des angles du carré et ne se distingue des autres tours que par ses dimensions. Jadis il était si loin de la muraille qu’il ne pouvait participer à sa défense, maintenant il fait corps avec elle et s’élève au point le plus menacé. Dans la nouvelle architecture militaire, le donjon n’est plus seulement la suprême ressource, c’est l’organe actif par excellence. Il est difficile de ne pas reconnaître là une idée réalisée longtemps auparavant au château de Margat et au Krak des Chevaliers.

Ainsi, au commencement du XIIIe siècle, Philippe Auguste porte à son point de perfection cet art de la défense qui s’était élaboré en Orient.


VI

On retrouvait dans le château de Coucy l’expérience des Latins de la Terre Sainte unie à la science des architectes de Philippe Auguste.

Il fut entrepris dans les premières années de la minorité de saint Louis par Enguerrand III de Coucy. On se souvient que, de 1226 à 1231, Blanche de Castille, devenue régente, vit une partie de la grande féodalité française se révolter contre elle. Enguerrand III était au nombre des rebelles, et il n’aspirait à rien moins qu’à être roi. S’il en faut croire un témoignage contemporain, il avait déjà fait faire sa couronne. C’est qu’Enguerrand se rattachait à la lignée des rois de France ; il était, par sa mère, arrière-petit-fils de Louis VI. Trois mariages avaient fait de lui un des barons les plus riches de son temps. Sa dernière femme, Marie de Montmirail, lui avait apporté par surcroît le prestige d’un nom vénéré par l’Église. Le père de Marie, Jean de Montmirail, était devenu moine de l’abbaye cistercienne de Longpont, et ce fut un moine si parfait qu’il fut béatifié. Longtemps les malades se pressèrent autour de l’étrange tombeau qui le représentait deux fois, en dessous, avec la cotte d’armes du chevalier, en dessus, avec la robe du moine.

Enguerrand III était donc un des premiers barons de France. Un roi d’Écosse lui demanda la main de sa fille, et l’on ne s’étonne pas qu’il ait songé lui-même à devenir roi. Mais Blanche de Castille triompha de tous ses ennemis avec l’aide de Thibaud, comte de Champagne. Thibaud, qui était poète, avait été ébloui par la beauté de la reine. Il composait des vers en son honneur et les faisait écrire sur les murs de ses palais de Troyes et de Provins.

Le château de Coucy témoignait de la grandeur du rêve d’Enguerrand. Il l’avait voulu unique, incomparable, plus formidable que les châteaux du roi. Il n’y avait pas de bannière en France qui pût flotter plus haut que la sienne.

Viollet-le-Duc a affirmé que le château de Coucy avait été bâti en cinq ans, de 1225 à 1230. Il est probable que ces cinq années marquent, en effet, le moment de la plus grande activité des travaux ; mais certains détails décoratifs semblent se rapporter à une période un peu plus avancée. Une oeuvre aussi énorme a dû demander un peu plus de temps que ne l’a dit Viollet-le-Duc.

Il y avait sur le château de Coucy comme un reflet de l’Orient. En effet, plusieurs des particularités qui nous ont frappés à Margat se retrouvaient à Coucy. Le château proprement dit était, comme à Margat, précédé d’une immense basse-cour. C’est là que campait la garnison ; c’est là qu’elle devait recevoir le premier choc de l’ennemi. Un puits, une chapelle dont les fondations subsistaient encore, indiquaient le caractère de cette enceinte qui était une place d’armes. Comme à Margat, la basse-cour était séparée du château par un profond fossé. Comme à Margat, le donjon se trouvait placé au point le plus menacé, qui, à Coucy, à l’inverse de Margat, se trouvait du coté de la basse-cour. Comme à Margat, le donjon était protégé par un ouvrage demi-circulaire. Enfin, les deux donjons de Coucy et de Margat avaient presque les mêmes dimensions : le donjon de Margat a vingt-huit mètres de diamètre, celui de Coucy en avait trente et un. Maintenant que le donjon de Coucy n’existe plus, la tour de Margat est la plus énorme du monde.

Je doute que le hasard tout seul suffise à expliquer ces ressemblances. Il semble probable que l’audacieux architecte de Coucy avait vu l’Orient. Il y avait agrandi son imagination et se trouvait tout prêt à réaliser les rêves d’Enguerrand. Quelques-uns des détails de son oeuvre nous ramènent encore en Orient. Dans l’enceinte du château, la muraille du nord avait un chemin de ronde porté sur des arcades appliquées au revers du mur. Ces profondes arcades avaient le double avantage d’élargir le chemin de ronde et de former une suite d’abris où les provisions pouvaient s’entasser. Cet ingénieux procédé de construction était traditionnel en Orient, et les croisés, maîtres d’Antioche, avaient pu l’observer à l’intérieur des murs.

Mais ce n’est pas tout. Le donjon de Coucy montrait à son sommet une suite de grandes arcades ouvrant sur le vide ; au-dessous de ces arcades, on voyait des consoles de pierre. En temps de guerre, des hourds de bois, posés sur ces consoles, enveloppaient le haut du donjon d’une couronne de mâchicoulis. Les arcades faisaient communiquer la plate-forme du donjon avec la galerie suspendue. Or, presque au moment même où s’élevait le donjon de Coucy, les musulmans construisaient à Bagdad une tour fameuse en Orient, « la tour du Talism ». Elle s’est conservée presque intacte depuis sept siècles et on lit encore, près de deux longs dragons entrelacés l’inscription arabe qui la date de l’année 1222(8) . Chose extraordinaire, le sommet de la tour de Bagdad est exactement pareil au sommet de la tour de Coucy : mêmes grandes arcades en tiers-point ouvertes sur le vide, mêmes consoles de pierre.

Comment expliquer une ressemblance aussi étrange ? En supposant qu’il y a eu en Terre Sainte des modèles, aujourd’hui détruits, dont les musulmans s’inspirèrent aussi bien que les chrétiens.

Ainsi, au château de Coucy on retrouvait l’Orient des croisades, et c’était une des beautés du magnifique monument qu’il éveillât tant de grands souvenirs.

Mais on y retrouvait aussi tout le génie de la France du commencement du XIIIe siècle. L’art des architectes militaires de Philippe Auguste atteignit là à sa perfection.

Conformément aux principes nouveaux, les murs de la basse-cour étaient flanqués de tours saillantes et régulièrement espacées dont la base s’évasait en talus. Leur distance était calculée sur la portée des armes de jet. Seul le front nord, où une attaque n’était pas à redouter, était dépourvu de tours.

Le château proprement dit avait le plan des châteaux de Philippe Auguste. C’était un quadrilatère que la forme du plateau avait empêché d’être un carré parfait. Comme dans les châteaux de Philippe Auguste, quatre tours très saillantes s’élevaient au quatre angles, mais ces tours étaient énormes. Elles avaient jusqu’à dix-huit mètres de diamètre, alors que le donjon de Dourdan n’en a que quatorze. Ainsi, au château de Coucy les simples tours de flanquement étaient beaucoup plus grandioses que les donjons de Philippe Auguste. Dans ce siècle de hiérarchie, ces dimensions étaient insolentes. Admirablement construites, belles de la perfection de leur appareil, ces tours étaient savamment aménagées pour la défense. De belles salles voûtées d’ogives, chauffées par de grandes cheminées se superposaient. Elles étaient éclairées par des meurtrières qui se chevauchaient et ne laissaient sur toute la circonférence de la tour aucun point mort. Une ouverture ménagée à la clef de voûte de chaque salle permettait de hisser, au moyen d’un treuil, les munitions jusqu’au sommet. L’escalier s’interrompait à chaque étage. Il fallait, pour le retrouver, traverser la salle tout entière et se faire reconnaître par les défenseurs : une trahison, une surprise étaient impossibles.

Mais si belles que fussent ces tours et — le XIIIe siècle ne nous en avait pas laissé de plus belles —.elles s’oubliaient dès qu’on avait vu le donjon. « Auprès de ce géant, a dit Viollet-le-Duc, les plus grosses tours connues en France, en Italie, en Allemagne, ne sont que des fuseaux. »

Jaillissant d’un profond fossé qui l’isolait, le donjon montait d’un seul élan jusqu’à cinquante-cinq mètres. Jadis quatre magnifiques pinacles, sortes de fleurons de sa couronne murale, l’élevaient encore de cinq ou six mètres, de sorte que la bannière du sire de Coucy flottait à la hauteur des tours de Notre-Dame.

La largeur répondait à la hauteur. Le .donjon de Coucy avait trente et un mètres de diamètre. Il pouvait prendre en pitié le plus puissant donjon de France — celui de qui relevaient tous les donjons du royaume — le donjon du Louvre élevé par Philippe Auguste, car le donjon du Louvre ne mesurait que quarante mètres de haut et vingt mètres de large.

Le donjon de Coucy n’avait pas seulement la force, il avait la beauté. Son mur lisse, percé de rares ouvertures, donnait l’impression de la perfection. C’était une cuirasse sans défaut. Toutefois, au milieu de cette grandiose nudité, un détail étonnait deux trous superposés se répétant indéfiniment, dessinaient autour du grand cylindre une mystérieuse hélice. Quel étrange ornement avait-on voulu suspendre autour du donjon ? Viollet-le-Duc devina l’énigme. Il comprit que c’était cette hélice qui avait engendré ce cylindre. Dans ces trous s’enfonçaient des chevrons : ils portaient un chemin en spirale s’élevant en même temps que la tour. C’est par ce plan incliné, d’une pente très douce, que de petits chariots à bras transportaient les matériaux jusqu’au sommet.

Un pont jeté sur un fossé large de huit mètres donnait accès, par une porte étroite, à la salle du rez-de-chaussée. Au-dessous de ce rez-de-chaussée il n’y avait rien : la base du donjon était pleine et formait un bloc de cinq mètres de hauteur que la sape ne pouvait entamer.

Une fois entré, on apercevait dans l’ombre de hautes salles qui n’avaient plus de voûtes. C’est qu’au temps de la Fronde, le donjon de Coucy, élevé par la rébellion, s’était une fois de plus révolté contre le roi. Mazarin ne pardonna pas à la vieille tour. En 1652, il ordonna à Metezeau, l’ingénieur du siège de la Rochelle, de faire sauter le donjon. Mais les pierres du XIIIe siècle furent plus fortes que la poudre ; seules, les voûtes des salles furent emportées comme des projectiles. Le donjon resta vide, et ce fut désormais un grand clairon de pierre dans lequel soufflait le vent.

Les trois salles étaient très faciles à reconstruire par la pensée : tous les éléments en subsistaient. Elles étaient dodécagonales, hautes de treize mètres, et imposantes comme des églises en forme de rotonde. On retrouvait, dans les beaux chapiteaux à feuillages, dans les statuettes assises à la retombée des voûtes, le grand style de la sculpture des cathédrales contemporaines. Douze profondes niches creusées dans les murs et destinées sans doute à recevoir des provisions et des armes, ressemblaient à des chapelles et concouraient encore à l’impression presque religieuse que donnaient ces grandes salles pleines d’ombre.

C’est au second étage qu’était la plus belle rotonde. Ses profondes niches, communiquant entre elles, formaient une sorte de déambulatoire ; une tribune, élevée à mi-hauteur, régnait jadis tout autour de la salle. Un millier d’hommes pouvaient se rassembler là pour entendre la parole du chef avant le combat. Un romantique dessin de Viollet-le-Duc nous montre le sire de Coucy, debout au milieu de cette grande cloche sonore, pariant devant la garnison rassemblée, pendant que les projectiles montent silencieusement par les ouvertures des voûtes.

Les plus fermes esprits subissaient la fascination de ce donjon : l’analyse et l’étude s’y achevaient en rêverie. Viollet-le-Duc, qui vécut de longues années dans la familiarité de Coucy, avait fini par croire que sa forme circulaire était symbolique. Il y voyait la pensée rayonnant d’un centre sur toute la circonférence. Le donjon circulaire supposait un chef, une volonté, d’où tout partait, où tout aboutissait. Infiniment supérieur au donjon carré, le donjon rond marquait l’avénement de l’unité, de la centralisation : aussi avait-il été adopté d’abord par le roi de France.

On pensait à tout cela en gravissant un escalier qui semblait ne devoir jamais finir. On arrivait enfin sur la plateforme, ébloui par la grande lumière. Des arcades s’ouvraient sur tous les points du ciel. Au loin, la grande forêt de Saint-Gobain s’étendait, la forêt des moines, des ermites et des saints. Elle n’avait point de feuilles encore et semblait une fumée rousse flottant au ras du sol ; mais, déjà dans les vergers, des arbres en fleurs annonçaient le printemps. Le vent soufflait dans les arcades, et des vols de corbeaux tournaient autour du donjon. Tout était grave, antique, immuable. Depuis des siècles, rien n’avait changé dans cet horizon. On avait le moyen âge sous les yeux.


VII

L’énorme tour de Coucy n’était qu’une forteresse, elle ne fut jamais une demeure. Vers 1230, il y avait déjà longtemps que les barons avaient renoncé à habiter leurs donjons. Partout, maintenant, des corps de logis s’adossaient aux murs de la cour : le château était né. C’est en Orient, nous l’avons vu, que les salles, la chapelle, les magasins, harmonieusement groupés, formèrent un tout pour la première fois. L’exemple fut suivi chez nous dès la fin du XIIe siècle. C’est alors que le donjon fut abandonné par ses habitants : il resta le suprême asile de la défense, il ne fut plus une maison. On vit s’élever au revers des courtines la « grande salle », une sorte de palais austère mais plein de noblesse, dont les ruines du château de Druyes, dans l’Yonne, et celles du château de Lucheux dans la Somme, peuvent nous donner une idée.

Au château de Coucy, deux corps de logis s’adossaient au mur de l’ouest et au mur du sud ; une chapelle gothique abritait sa frêle architecture derrière le donjon. Mais il faut croire que ce logis du commencement du XIIIe siècle était encore fort simple, car, en 1385, Enguerrand VII ne le jugeant pas digne de lui, le fit reconstruire(9) . Peut-être prévoyait-il déjà la visite que Charles VI lui fit en 1387 : il voulut montrer au roi que Coucy, qui était formidable, pouvait devenir magnifique. Sur les côtés de la cour deux palais s’élevèrent, qui depuis le passage de Metezeau, n’étaient plus que d’imposantes ruines. Celui du midi était une immense salle de fêtes, une des plus belles de France, que couvrait une charpente en carène, qu’éclairait une verrière démesurée. Une tribune était réservée aux musiciens, une autre aux dames. Mais la merveille de cette salle était la cheminée dont Androuet Ducerceau nous a conservé le dessin. Neuf statues la décoraient : Josué, David, Judas Macchabée, Hector, Alexandre, César, Artus, Charlemagne et Godefroy de Bouillon. On reconnaît les neuf preux. C’était la fleur de la chevalerie, les plus nobles héros qui eussent paru parmi le peuple de Dieu, chez les païens et chez les chrétiens. Chacun d’eux portait un écu avec ses armes, comme il convenait à de si hauts barons. On voyait là tout ce qui méritait d’être retenu dans l’histoire : un chevalier n’avait pas besoin d’en savoir davantage. C’est pourquoi tant de grands seigneurs suspendaient alors aux murs de leurs palais des tapisseries des neuf preux. Quelques années plus tard, Louis d’Orléans les fera sculpter sur chacune des tours de son château de Pierrefonds.

On comprend qu’Enguerrand VII, le plus aventureux des Coucy, ait voulu avoir sans cesse ces grands modèles sous les yeux. Enguerrand VII fut le dernier des chevaliers errants. Il combattit en Italie contre les Visconti, en Écosse contre les Anglais, en Afrique contre les Arabes, à Nicopolis contre les Turcs. Il avait rêvé d’être empereur d’Allemagne, comme son ancêtre Enguerrand III avait rêvé d’être roi de France. Son astrologue, Guillaume de Verdun, lui avait sans doute, du haut du donjon de Coucy, montré son étoile.

Quand Charles d’Orléans, l’aimable poète, devint au siècle suivant seigneur de Coucy, il fit sculpter un dixième preux sur la cheminée de la grande salle. Il eut pu, certes, choisir Enguerrand VII lui-même, mais il préféra Bertrand Duguesclin.

On ne voyait pas seulement les preux au château de Coucy, on voyait aussi les preuses. Elles avaient donné leur nom à une autre salle. Sur le manteau de la cheminée se dressaient, appuyées sur leur bouclier, et tenant la lance à la main, Penthésilée, les Amazones et, sans doute aussi, Judith et Pallas. A Coucy, la femme elle-même apparaissait avec les armes du soldat. Telles étaient ces grandes salles du château de Coucy que rougissaient la flamme du foyer et la lumière du soir.

Il a suffi de quelques instants pour anéantir tout ce passé, toute cette beauté. A la place où s’élevaient les énormes tours d’angle et le formidable donjon, il n’y a plus maintenant que des buttes de décombres. Le château de Coucy, une des gloires de la France, n’existe plus. On sent que si nos ennemis le pouvaient, ils nivelleraient nos collines, combleraient nos vallées, tariraient nos fleuves. Cette fois, ils ont réussi à changer la figure de la France : on ne verra plus, dans l’admirable pays de Laon, le donjon de Coucy lever sa tête au-dessus des forêts. Ils nous ont appauvris, comme ils le désirent ; car il n’est pas sur notre sol une chose qui soit plus utile que ces sublimes monuments qui ne servent à rien. Ce sont des trésors d’énergie, d’inspiration, de bonheur.

On souhaiterait que l’Allemagne fût condamnée à rebâtir le donjon qu’elle a détruit. Certes elle ne nous rendrait pas la vieille tour du moyen âge, mais nous aurions un monument triomphal. Debout sur sa plate-forme, nous ne songerions plus à l’orgueil des Coucy, mais à l’orgueil de l’Allemagne que nous aurions désormais sous les pieds.


ÉMILE MÂLE


Source :
Émile MÂLE : Le Château de Coucy
et l’Architecture militaire du Moyen Âge

dans LA REVUE DE PARIS N° 20
du 15 Octobre 1917,
pages : 683-699.



Nota : J’ai recopié ce texte admirable sur Coucy pour le tirer d’un injuste oubli.
A.L. 2005



1 C’est ce que nous lisons dans une étonnante brochure intitulée : la Protection allemande des monuments de l’art pendant la guerre, publiée par un archéologue allemand, Paul Clemen. Cette brochure a été traduite et commentée par M. Louis Dimier.

2 1. Voir S.Armitage, The early norman castles of the British Isles. Londres, 1912.

3 Chambois est dans le département de l’Orne, arrondissement d’Argentan.

4 Voir G. Rey, Étude sur les monuments de l’architecture militaire en Syrie. Paris. 1871. p. 85.

5 Le mot Krak est un mot sémitique, adopté par les croisés, qui désignait en Syrie les lieux fortifiés.

6 M. Hey suppose (ouv. cité, p. 45) que les mâchicoulis continus du front sud de la première enceinte furent refaits par le sultan Bihars en 1271, après la prise du château. MM. Van Berchem et E. Fatio, dans le Voyage en Syrie qu’ils viennent de publier (Mémoires publiés par l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, 1914), émettent la même hypothèse. Mais il est plus que probable que le sultan Bibars se contenta de refaire ce qui existait déjà ; car, il y a sur le front nord des lignes de mâchicoulis et des bretèches qui, au témoignage de MM. Rey, Van Berchem et Fatio, paraissent bien dater du temps des Hospitaliers. Il y avait longtemps que les Latins n’avaient plus rien à apprendre des Arabes.

7 C’est ce qu’a montré, le premier, M. Dieulafoy, dans une remarquable étude qui a paru dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres t. XXXVI, 1898, p. 323 et suiv.

8 Sarre et Herzfeld, Archäologische Reise im Euphrat und Tigris Gebiet, 1911, t. I. p 35

9 Les comptes de ces travaux ont été retrouvés et publiés par M. L. Broche, dans le Bulletin de la Société académique de Laon, 1908.


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