Abbé J. TURPIN
Chanoine Honoraire
C H A U N Y
et
ses Environs
Etudes d'Histoire Locale
( EXTRAITS )
CHAUNY (Aisne)
Etablissements A. BATICLE
7, Rue de la Chaussée, 7
1955
2° EDITION
Les Origines de Chauny
Où naquit la Ville ?
Nous avons écrit autrefois, après
le P. Labbé, historien de Chauny, que les promenades actuelles étaient
le berceau de notre ville et que les fossés, escarpes, contre-escarpes
encore visibles, étaient les restes du château autour duquel
les habitations avaient commencé à se grouper dans un temps
très reculé. Une étude plus complète nous force
à reconnaître que le P. Labbé (curé de Saint-Martin
jusqu'en 1715) ne peut être suivi dans sa thèse qui a une
tendance à donner à sa paroisse une antiquité plus
reculée que celle de Notre-Dame.
La citadelle dont les promenades conservent des vestiges date seulement
du moyen âge. Quant au premier point fortifié autour duquel
les habitants se sont fixés il faut le chercher près de l'église
Notre Dame ; c'était alors un endroit très marécageux
d'accès très difficile puisqu'on ne pouvait y arriver que
par la Chaussée de la voie de Soissons à Vermand. N'oublions
pas que Saint Quentin (Augusta Veromanduorum) est postérieur à
Vermand et que si une ligne droite de Soissons à Saint-Quentin coupe
l'Oise à Condren, d'autre part une ligne droite de Soissons à
Vermand coupe l'Oise à Chauny. J'admets avec le P. Labbé que
Chauny a remplacé Condren détruit par les Vandales ou les Huns,
mais j'incline à croire que le contraire avait eu lieu et que la
création de Saint-Quentin avait fait supplanter Chauny par Condren.
Remarquons que Condren, Condragium (confluent) est un nom purement
latin, donc postérieur à la conquête des Gaules par
César, tandis que Chauny est un nom gaulois auquel on a donné,
au Xe siècle, une terminaison latine : c'est dans Flodoard
que nous trouvons la plus ancienne appellation de Chauny sous la forme
Calnacum, Calneium (949).
Un prêtre à l'extérieur plus que modeste qui avait
réussi par sa grande érudition à causer certains embarras
à Henri Martin, l'historien romantique, l'abbé Carlet, de
Manicamp, explique dans l'une de ses études que, quand la voie romaine,
dite Chaussée Brunehaut complètement négligée
commença à s'enfoncer dans les marécages de Condren,
on revint à l'ancienne voie de Soissons à Vermand passant par
le Chauny actuel. Si nous retranchons la finale latine « um »
il reste Calnac, Calnei, composé de Cal qui signifie chemin ou chaussée
et de « na » ou de « nei » qui, dans les langages
celtiques, désignent les idées d'eau ou de navire ; d'où
« naca » mot de moyenne latinité qui signifie bac et
qui, à son tour, a formé le diminutif nacella (Ducange,
court de Gebelin). Calnacum et Calneium signifient donc chaussée de
l'eau ou chaussée du bac : Chauny n'est autre chose que la chaussée
plus le souvenir de l'eau qu'elle traverse.
Que le château primitif se soit d'abord trouvé près
de la rivière ou de l'un de ses bras et non sur la hauteur c'est
ce qui ressort de cette phrase de Flodoard « un certain Bernard du
parti de Hugues ayant un château sur l'Oise nommé Chauny
se livra avec son château au comte Adalbert ».
Il me semble qu'on peut tirer aussi argument de l'histoire suivante
racontée par Guibert de Nogent : nous n'en garantissons pas l'authenticité
mais elle montre cependant que le château était près
de la rivière au temps où écrivait ce moine de Nogent
(1053-1124). Wascelin ou Guascelin, seigneur châtelain de Chauny, fit
le voyage de Rome d'où revenant et n'en étant qu'à une
petite journée il rencontra un de ses domestiques que le diable avait
transporté en Italie.
Guibert de Nogent rapporte cet événement en ces termes
dans son histoire des Croisades (livre II, chap. VI).
« Au château de Chauny il y avait un domestique de Guescelin,
seigneur du même château, dont l'office était de le
garder la nuit ; lequel sur le soir s'étant trouvé au-delà
de la rivière et craignant de n'être pas au souper à
temps cria qu'on lui amenât un bateau ; mais n'étant ouï
de personne il entra en fureur et dit : « Et vous, diable, pourquoi
ne me passerez-vous pas? » Le diable se présenta aussitôt
et lui dit : « Montez, je vous passerai, moi ». Ce malheureux
monta pour son malheur. Le diable l'ayant pris le transporta sur l'heure
en Italie proche la ville de Sutry où il le déchargea si officieusement
qu'il ne lui rompit qu'une cuisse. Sutry est une ville à une petite
journée de Rome ; Guascelin y avait couché la nuit précédente,
revenant de visiter le tombeau des Apôtres en étant parti
avant le jour comme font ordinairement ceux qui voyagent en hiver il fut
à peine dans la campagne qu'il ouït près du grand chemin
la voix d'un homme qui se plaignait ; il envoya ses gens voir qui c'était,
ils trouvèrent que c'était un des valets de leur maître,
dont ils avaient reconnu la voix. On lui demanda comment il était
venu en ce lieu : il dit que le soir précédent il était
encore à Chauny et raconta comment le diable l'ayant transporté,
il était tombé en ce lieu. Guascelin fort étonné
d'un événement si étrange, le fit porter en la ville
voisine et lui donna de l'argent pour le faire panser et retourner à
Chauny. »
Sans exercer notre critique sur le record par la voie des airs, retenons
que du temps du bon Guibert presque Chaunois puisque de Nogent, le château
était au bord de la rivière ou d'un de ses bras. Retenons
aussi qu'on se servait de bac pour passer l'eau à cet endroit et
qu'après la terreur des invasions barbares on avait préféré
chercher un refuge dans un îlot inaccessible de marécage plutôt
que sur une hauteur ouverte de tous côtés.
En résumé, nous n'avons sur les origines de Chauny absolument
aucun document avant celui de Flodoard, en 949. Pour tout ce qui précède
nous en sommes réduits à des suppositions. Nous savons pourtant
d'après l'étymologie probable de Chauny que ce nom désignait
un passage, piste ou chaussée Cal, en même temps qu'une
traversée d'eau en barque Nac d'où Calnacum. Ce passage
permettait en venant de Soissons de traverser les marécages ; l'Oise
et ses bras pour continuer sur Vermand. Il fut remplacé par celui
de Condren aussitôt après la conquête romaine (50 ans
avant J.-C.). La ville romaine de Condren citée dans l'itinéraire
d'Antonin (138 après J.-C.) dominait le confluent de l'Oise et de
la Serre et le croisement des grandes voies romaines de Soissons à
Saint-Quentin et de Reims à Thérouanne.
Quand elle fut détruite on fit revivre le vieux Calnac dans
les marais à l'endroit où l'on retrouvait l'antique chemin
de Soissons à Vermand ; ce passage fut fortifié, le monastère
de Notre-Dame s'abrita près du retranchement et ce fut seulement
au moyen âge que fut construite au Nord et en haut de la ville près
du vieux chemin de Saint-Momble la citadelle qui, après avoir abrité
les Chaunois, sert maintenant à leurs fêtes et à leurs
réjouissances.
Source :
Abbé TURPIN,
CHAUNY et ses Environs
Baticle
1955
(Pages 63-67)
Les Singes de Chauny
Voici une liste qu'on pourrait allonger indéfiniment
en consultant les histoires locales et les traditions.
Autrefois on disait : Les Béyeux de Soissons, les Larrons de
Vermand, les Cauffeux de pieds de Jussy, les C. (voir Molière) de
Nesles, les Dormeurs de Compiègne, les Ivrognes de Péronne,
les Rougeots de Beauvais, les Canonniers de Saint-Quentin, les Friands de
Cambrai, les Cochons de Crespy, les Chats de Meaux, les Chiens de Mantes,
les Gaillards et les Subtils de La Fère, les Beudets de Flessel, les
Esons d'Appilly, les Salops de Bapaume, les Sots de Ham, les Gens de Laon,
les Loups de Bruyères, les Sainte-Ninique de Veslud, les Paille-Foin
de Parfondru, les Bouyaux-Rouges de Mauregny, les Quinquins de Liesse, les
Singes de Chauny.
Il y eut évidemment un fait, une habitude ou tout autre chose
qui donna naissance à ces différents qualificatifs, portés
plus ou moins glorieusement.
Les Chaunois n'ont jamais été humiliés de s'appeler
les singes, il semble même qu'ils ont tenu à honneur de ne
pas laisser tomber ce nom dans l'oubli.
L'historien de Chauny, le père Labbé (1665-1716), parlant
du Jeu de l'Arc qui se voyait le long des murs entre la porte du Pissot
et celle du Pont-Royal proche de l'Hôtel-Dieu, nous dit que la
Compagnie porte pour armes et pour enseigne un singe qui est la figure
hiéroglyphique du génie Chaunois.
Il est bien difficile de découvrir l'origine
de cet emblème. Voici cependant le résultat de recherches
qui ont été faites jusqu'à présent.
Il existait dès le XII
e siècle à Chauny
une Confrérie dite de
la Passion qui avait pour but de représenter
la passion et la mort de Jésus-Christ. On sait que les représentations
des mystères avaient lieu primitivement dans les églises
et cathédrales, le clergé y prenant souvent part. Puis avec
le temps, des abus s'étant introduits, les Conciles provinciaux assignèrent
pour scènes aux acteurs les porches des églises. Après
les émotions violentes d'un spectacle impressionnant le besoin d'une
détente, d'une réaction, se faisant sentir les confrères
de la Passion donnaient une pièce d'un autre genre, des scènes
burlesques, des jongleries, des bouffonneries parfois assez osées
: on croyait pouvoir se permettre cette récréation après
avoir vu le drame de la Passion qui prenait un jour entier ou même
plusieurs.
M. Dubois nous dit qu'en 1541 on permit de jouer à Amiens L'Histoyre
de l'Anchien Testament qui dura deux jours -
on ne polra jouer aux chandelles
ni prendre pour chascune personne plus grant prix que de deux deniers -
Abraham parut sur la scène avec une armée de 338 hommes.
Cette armée se composait de deux soldats (vu le manque d'espace)
dont l'un portait écrit dans le dos le chiffre 300 et l'autre le
chiffre 38 : total 338.
De nombreux documents nous apprennent donc qu'après la pièce
religieuse, la
pieuseté comme on disait alors, il y avait
des farces, des tours d'adresse, des jongleries.
Tout le monde n'est pas doué pour divertir le public. Il semble
que Chauny ait eu alors un monopole célèbre dans toute la
région. Il n'y avait eu jusque là que les saltimbanques italiens
pour remplir ce rôle, mais une curieuse pièce d'archives du
XV
e siècle nous montre qu'on trouva alors dans notre pays
un artiste qui fut peut-être l'ancêtre des singes de Chauny
Une fête fut donnée en 1414 à l'occasion de la
reconstruction des fortifications de la ville.
En présence de M. de Guyenne et du duc Charles d'Orléans,
des tours d'adresse furent exécutés par un nommé Mathieu,
surnommé Lescureur (l'écureuil) avec ses 3 enfants.
Nous ne pouvons résister au plaisir de donner le texte de la
quittance copié sur l'original qui, hélas, a péri en
1871, à la Commune, dans l'incendie criminel de la Bibliothèque
du Louvre.
« Je Hugues Périer, secrétaire de Monseigneur le
duc d'Orléans, certifie à tous qu'il appartiendra que aujourd'hui
en ma présence maître Pierre Sauvage, secrétaire de
Mond. Seigneur a baillié et délivré à Mathieu
Lescureur, basteleur demeurant à Chauny la somme de quarante-cinq
sols tournois que Mond. Seigneur lui donnée, qu'il a joué
audit lieu de Chauny devant Mgr de Guyenne et Mond. Seigneur de jeux et
esbatements, lui et trois de ses enfants, de laquelle somme de XLV S. dessus
dite led. Mathieu s'est tenu pour content et en quicte ledit Maître
Pierre et tous aultres.
Témoin mon seing manuel cy mis à Noyon le XII
e
jour de Septembre l'an mil CCCC et quatorze. »
« Signé : Perrier. »
Chauny avait été restitué en 1400 par Charles
VI au duc d'Orléans - la ville fut bientôt reprise par le duc
de Bourgogne - puis reprise d'assaut par le duc d'Orléans en 1411
; enfin solidement refortifiée en 1414, c'est à cette occasion
qu'elle applaudit les tours savants de Mathieu l'Ecureuil.
Est-ce celui-ci avec ses 3 enfants qui a donné naissance à
la Confrérie des jongleurs plus tard transformés en singes,
nous ne le savons, mais ce qui est certain c'est que dès lors les
jongleurs sont constitués en corporation dans l'église Notre-Darne.
Ce sont eux qui, pendant plusieurs siècles, portent les noms de
Frères
de la Passion, Jongleurs de Notre-Dame, Compagnons Aventuriers, Trompettes-Jongleurs.
Nous les voyons figurer sur les quittances qu'ils laissèrent
pour paiement de leur présence aux fêtes annuelles de la royauté
des Braies à Laon.
En 1494 on les trouve en compagnie du Prince de la Jonesse de Saint-Quentin.
En 1500 ils font partie des 4 bandes à qui le Roi des Braies
paie 58 grands pots de vin à 6 deniers le lot. Idem en 1501, ils viennent
à Laon pour entretenir
amour et société aux bonnes
villes voisines.
En 1502 ils viennent jouer
personnaiges à Laon
pour la fête du 20 janvier - de même en 1509.
En 1510 ils reçoivent dix grands pots encore pour avoir
joué
de personnaige. Nous retrouvons régulièrement les mêmes
quittances à Laon jusqu'en 1541.
Il est certain qu'entre la guerre de Cent ans et les lugubres guerres
de religion il y eut dans notre région une période de joie
et de folies qu'on peut à peine imaginer.
Non contents de faire des tours d'adresse et des gambades amusantes,
les Jongleurs de Notre-Dame montraient des ours, des singes, des animaux
savants.
Nous avons dit qu'ils étaient érigés en confrérie.
Le trésor de Notre-Dame de Chauny avait en dépôt la
couronne d'argent de leur chef et le bâton dit des
basteleurs.
Leur réputation dut s'étendre très loin
car Etienne Pasquier dit les avoir vus jouer dans sa jeunesse au commencement
du XVI
e siècle.
Quant à Rabelais son témoignage est célèbre,
il a certainement connu les jongleurs de Chauny comme le prouve le texte
suivant « Gargantua s'amusait moult à voir les bateleurs surtout
ceux de Chaulny en Picardie, grands jaseurs et beaux bailleurs de balivernes
en matière de singes verts ».
Melleville ne nous dit pas où il a puisé les détails
qui suivent et que je reproduis intégralement en les copiant dans
son histoire de Chauny.
« Il se pratiquait alors en cette ville, et cela dura longtemps
encore après, une coutume bizarre dont l'origine n'est pas connue
mais qui paraît remonter à une époque de beaucoup antérieure.
Un certain nombre d'habitants de Chauny étaient autrefois dans l'usage
de quitter leurs foyers pendant la belle saison, pour aller chercher fortune
dans d'autres lieux. Le métier qu'ils pratiquaient était
celui qu'exercent aujourd'hui les Savoyards ; ils conduisaient en laisse
des singes et des chiens savants et les faisaient danser sous les yeux
du public, afin d'en obtenir quelques pièces de monnaie. Mais l'exercice
de cette profession était assujetti à de certaines formalités
dont nous allons faire connaître les curieux détails.
Le premier jour d'Octobre, jour de Saint-Rémi et fête
patronale de Chauny (?) tous ceux d'entre les chaunois qui faisaient le
métier de montreur de singes, étaient tenus de se rendre
dans cette ville, quel que fut le point de la France où ils se trouvaient.
Dès le matin ils se réunissaient à la porte de la
Chaussée pour aller faire en corps au lieutenant du bailliage, une
visite et un cadeau, moyennant lesquels ils devaient être autorisés
à continuer leur industrie. Ce présent consistait d'un pâté
d'une structure singulière, il était garni de marrons et
de jaunes d'oeuf et surmonté d'une sorte de pâtisseries appelées
Coqueluches et d'un couvercle. Les frais occasionnés par
cette cérémonie n'étaient point à leur charge
; ils percevaient pour cet objet cinq setiers de blé sur les moulins
de la ville, et un museau de boeuf sur les bouchers.
« La nature de cette redevance indique assez que l'origine de
cette cérémonie qu'on peut considérer comme une sorte
d'hommage était toute féodale. Il est vraisemblable qu'établie
par les comtes de Vermandois elle fut d'abord faite en leur présence.
Plus tard après la réunion de cette province au domaine royal,
elle se fit devant le prévôt royal, puis devant le lieutenant
général comme représentant du roi.
« Quoi qu'il en soit, les Chaunois une fois rassemblés,
se plaçaient entre eux dans un certain ordre, ayant à leur
tête le porteur du pâté. Un chien bien dressé
à toutes sortes d'exercices, les précédait. Des Trompettes
marchaient en avant et jouaient des fanfares. Elles sonnaient surtout au
moment où le cortège passait devant les moulins et devant les
bouchers de la ville.
« C'était là le remerciement qu'on lui donnait
en échange de la redevance payée par eux pour faire les frais
de la cérémonie. Une nouvelle fanfare annonçait l'arrivée
du cortège devant la demeure du lieutenant général au
bailliage, et les jongleurs (ainsi nommait-on ceux qui composaient le cortège,
sans que l'on donnât, alors une signification humiliante à
cette expression) étaient admis devant lui. En ce moment commençait
une scène des plus étranges.
« Le lieutenant général les attendait dans sa cour
(à l'emplacement du nouvel hôtel de ville) assis dans un large
fauteuil, entouré de ses officiers et de nombreux spectateurs. Une
foule immense accourue de la ville et des environs, se pressait dans la rue
devant la porte, qu'on avait soin de tenir toute grande ouverte, afin de
lui permettre de voir aussi ce spectacle. Le chien savant dont nous avons
parlé, ouvrait la scène. Il exécutait mille tours d'adresse
qui provoquaient la gaieté et les applaudissements de la foule. Son
rôle ne finissait que quand l'épuisement l'obligeait à
s'arrêter.
« Alors le porteur du pâté s'avançait à
son tour, plaçait son présent entre les mains du lieutenant
au bailliage, qui le passait à l'un de ses serviteurs, puis se mettait
à danser, imitant autant que possible, les gambades et les tours
du chien savant. Dans ces exercices il excitait aussi plus ou moins, selon
son habileté, les applaudissements bruyants du public ; mais au moment
où il s'arrêtait, les rires et les cris s arrêtaient
également et un silence solennel se faisait, car il allait remplir
la dernière partie de son rôle, partie ingrate et difficile,
que le moindre bruit aurait troublée. Il avançait donc gravement
vers le lieutenant général arrivé à deux pas
de lui, il devait s'arrêter et faire distinctement entendre un certain
bruit, aujourd'hui considéré comme incivil, mais qu'alors et
dans cette circonstance on regardait peut-être, comme une marque de
déférence et de politesse.
« Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses moeurs.
« Quoi qu'il en soit, si la nature rebelle se refusait à
la bonne volonté de l'acteur, il était non seulement privé
du droit de continuer son industrie, mais encore mis à une amende.
Après lui tous les hommes composant le cortège venaient à
tour de rôle donner un plat de leur métier, ce qui leur valait
quand ils s'en acquittaient à la satisfaction générale
la permission d'exercer comme auparavant. L'histoire ne nous dit pas si
leur rôle devait se terminer comme celui du porteur du pâté.
« Cet usage ne tomba que lentement en désuétude.
Il existait encore en 1678 ; mais il cessa l'année suivante par
suite du manque de Jongleurs, et une sentence du bailliage, que nous avons
vue, adjugea aux pauvres de la ville la redevance qui leur avait été
payée jusqu'alors par les bouchers et les meuniers.
« Chauny était autrefois la ville aux coutumes singulières
».
L'obscurité qui enveloppe l'histoire des Singes de Chauny a
porté quelques chercheurs à lui attribuer des causes multiples.
On a voulu entre autres voir l'origine du dicton dans le fait suivant,
que nous rapportons pour être complet, bien qu'il n'ait été
pris en considération par aucun historien.
Le maire de Chauny, voulant agrémenter par des cygnes les fossés
des fortifications, aurait fait faire une demande au roi par le greffier
pour en solliciter l'envoi. L'orthographe ancienne étant
cyngnes
; on lut mal à la cour le mot peut-être mal écrit
et on crut qu'il s'agissait de
Singes stupéfaction du maire
et des jurés à la réception de singes au lieu de cygnes
et raillerie générale à l'adresse des Chaunois.
Cette histoire dont on ne trouve aucune trace dans les documents historiques
de la ville mais qui, par contre, est attribuée à d'autres
places fortifiées, ne mérite en aucune façon d'être
retenue, d'autant plus que la modification orthographique en question avec
sa métathèse fantaisiste va contre toutes les règles
de la philologie.
De ce que nous avons dit au début de cette étude, il
semble résulter que loin d'être une appellation dont on avait
honte, «
Les Singes de Chauny » répondaient au
tour heureux d'esprit de la population, les habitants s'en accommodaient
fort bien : cela se prêtait à leur besoin naturel de gaieté.
La confrérie qui avait pris dans la suite des siècles
le caractère burlesque et même indécent que nous avons
décrit, avait commencé de façon très convenable.
Tandis que la paroisse Saint-Martin avait
Les Frères de la Passion,
l'autre paroisse avait les
Jongleurs de Notre-Dame.
Le sens ancien du mot
Jongleur était plutôt
à l'origine celui de
Poète ; ce ne fut que plus tard
qu'il prit celui de
Saltimbanque.
Les premiers Jongleurs de Notre-Dame donnaient,
en rivalité avec les Frères de la Passion, des représentations
théâtrales aux jours de fêtes et aux entrées
princières. Ainsi un testament de l'an 1400 le dit, explicitement.
Par acte, Marie Martine, épouse de Oudart le Feure, lieutenant général
de bailliage, leur laissa 10 sols parisis de rente.
« Je laisse, dit-elle, au luminaire la Mère-Dieu
en
» l'esglise Notre-Dame de Chauny cinq solz et une livre
» de cire ; aux relicques de sa dicte église quatre solz
» parisis ; item à la confrairie Notre-Dame des Jongleurs
» en icelle église dix sols parisis, en faisant par les
» Confrères de la dite confrairie ce qu'ils ont accoustumé
» de faire pour un des Confrères ou consoeurs d'icelle
» confrairie. »
On voit par là que les femmes étaient
admises dans cette confrérie et que celles qui étaient de
haute qualité ne dédaignaient pas d'en faire partie : Marie
Martine Oudart, femme du lieutenant général au bailliage s'assure
l'honneur de la Confrérie des Jongleurs à ses funérailles.
Nous ne savons comment ils se sont transformés en artistes universels,
saltimbanques, sorciers, comédiens, dresseurs de chiens et de singes.
C'était déjà fait au temps de Rabelais, puisque
Gargantua pour employer le temps, quand l'air était pluvieux, «
alloyt veoir, les basteleurs, trajectaires et thériacteurs, et consideroyt
leurs gestes, leurs ruses, leurs sobressaulz et beau parler singulièrement
ceux de Chaunys en Picardye. »
Quant à Etienne Pasquier, c'est à Chauny même
qu'il a vu le grand rendez-vous, la parade générale des Jongleurs
et il cite la chose comme une des grandes attractions du temps : «
Nous avons veu en nostre jeunesse, dit-il, les Jongleurs se trouver à
certain jour tous les ans en la ville de Chauny en Picardie pour faire monstre
de leur métier à qui mieux mieux. »
Il est probable que c'est l'introduction des babouins (Drills, Mandrills,
Hamadryas) en Europe à la suite des Croisades qui aiguilla les Jongleurs
dans la voie du dressage d'animaux savants.
L'Abbaye de Saint-Eloi-Fontaine de Commenchon, dont dépendait
le prieuré Notre-Dame de Chauny, continua malgré la transformation
des jongleurs en saltimbanques et montreurs de singes, à rester
leur protectrice, bien qu'ils ne fussent plus en résidence permanente
à Chauny. Le peuple regrettait de voir ses artistes dispersés
sur toute la France et au-delà. Un bourgeois de Noyon, exprime ainsi
le regret du public dans une poésie de 1552 :
« Que dictes-vous, ma noble soeur Chaunys ?
« Par les champs sont mis vos gentils Jongheteurs.
« Tous vos farseurs de beaux esbas musnis.
« Ils sont unis à jester cris et pleurs.
« Vos bons jueurs faisaient rire les coeurs
« Des grands Seigneurs par leurs farces et jus.
« Leurs jongheteries et esbas sont mis jus. »
L'Abbaye semblait fière encore de sa qualité
de protectrice des célèbres basteleurs. Elle avait alors à
Chauny un moulin à fabriquer le papier et comme marque de fabrique,
elle mettait en filigrane la figure d'un grand singe que nous trouvons
sur des papiers d'actes de 1499 et 1508.
L'éclosion du protestantisme ne tarda pas à mettre fin
à la représentation des mystères et des farces. Un
esprit puritain se fit sentir jusque chez nous. En 1548 un arrêt
du Parlement porta un coup mortel aux confréries d'acteurs de la
Passion et de comédies. Nous devons fixer à cette date la
transformation des jongleurs de Notre-Dame en saltimbanques ambulants.
La grande parade du premier jour d'octobre était un souvenir
du passé : elle donnait lieu à la fête grotesque que
nous avons décrite. Sur le modèle du pâté à
coqueluches on devait vendre probablement des oublies, légères
pâtisseries en forme de coquilles, coques, d'où coqueluches.
M. Boileau de Maulaville, écuyer, gentilhomme de la vénerie
du roi, ancien maire de Chauny, décédé en 1826, nous
décrit lui aussi cette fête d'après des documents que
nous n'avons plus.
« Ils commençaient leur marche par la porte de Soissons
où ils sonnaient de la trompette ; ils en faisaient de même
à la porte des Moulins qui appartenaient à l'Abbaye de Saint-Eloi-Fontaine,
puis vis-à-vis des boucheries, d'où après avoir parcouru
toute la ville ils allaient présenter leur tarte chez le Lieutenant
général, en chantant, en gesticulant, jouant, dansant et en
faisant faire des sauts et des gambades à un singe ou à un
chien qu'ils avaient avec eux. Il est aisé de juger combien ce singulier
spectacle amassait le peuple qui criait, houppait et se pressait
à la suite du cortège, etc. »
La joie de ce grand jour était précédée
d'autres joies partielles au fur et à mesure que par les tours des
portes du Pissot, du Pont-Royal, d'Hangest, du haut de la Madeleine, de la
tour Bourgeoise, de la tour Carrée, on, distinguait de loin sur les
routes les silhouettes des basteleurs bien connus, avec leurs ours, leurs
chiens et leurs singes.
Mais est-il possible que des fêtes, des spectacles si pittoresques,
des défilés de saltimbanques, de joueurs de vielle, de rote,
de flûte, de trompette aient été tolérés
en plein XVIIe siècle ? Au siècle du bon, goût,
de l'Hôtel de Rambouillet, du grand roi, de Versailles ! Au siècle
de la perfection et.. de l'ennui ?
L'Abbaye de Saint-Eloi-Fontaine se sentit la première humiliée
de se prêter à un hommage au lieutenant du bailliage par le
ministère de toute cette paillasserie. Elle refusa de fournir la
farine de la tarte. Les trompettes jongleurs se pourvurent en justice. Il
fut alors constaté qu'une coutume astreignait les moulins à
la fourniture de 5 setiers de blé pour le pâté à
présenter. Enfin ce que l'on considérait comme le bon ton
l'emporta, la parade cessa d'avoir lieu et en 1647 la prestation de blé
due aux trompettes jongleurs fut sagement attribuée aux pauvres de
la ville.
Source :
Abbé TURPIN,
CHAUNY et ses Environs
Baticle
1955
(Pages 85-98)
Le Vacher de Chauny
TOUTLEMONDE
La Ville de Chauny a perdu tous ses souvenirs du passé.
Sera-t-il possible de lui conserver quelque chose qui, malgré la
splendeur des futurs édifices, la sauvera de la banalité moderne
?
Il serait bon de ne pas laisser sombrer dans l'oubli un homme qui,
d'après l'historien Labbé (l665-l7l6) « fut celui
de son état dont on a le plus parlé par toute la France.
» Vacher de Chauny, Toutlemonde c'est un proverbe
» usité à la Cour et à la ville.
Bien des gens sont en peine
» de son origine. Tout ce que nous en savons n'est fondé
» que sur des traditions populaires.
» La plus vraisemblable est qu'il y eut autrefois à
Chauny un vacher nommé Toutlemonde. »
Ce n'était pas seulement un
surhomme, c'était un sportif ; « il gardait ses bêtes
à cheval ».
C'était aussi un brave homme, content de lui et plein
d'un légitime orgueil « il donnait du vin à boire
dans son cornet à tous ceux qui le venaient voir par curiosité
». C'était sans doute du vin de la « Bourgogne
» au-dessus de la rue de Caumont. Les religieux de Saint-Eloi-Fontaine
à l'Abbaye de Commenchon avaient réussi à y acclimater
quelque bon cru que le général Scherer ne sut pas conserver
quand il s'installa là-bas dans ce qui restait de leur couvent.
Heureux temps où l'on se régalait de vin de Chauny et
où le vacher était content de son état ! Il est vrai
qu'il n'avait pas à se ruiner pour acheter à ses filles des
bas de soie, avec le reste !
« On étoit si accoutumé à
nommer le vacher de Chauny,
» Toutlemonde, que les vachers qui sont venus après
» celui-là, jusque par delà le milieu du
dernier siècle
» (XVIIe siècle) n'ont point été
appelés autrement quoi
» qu'ils eussent d'autres noms.
» On conte merveilles de ce premier vacher, dit Toutlemonde.
» On le fait d'une taille et d'une force monstrueuse ».
Quel joli sujet décoratif on aurait pu faire
en représentant cette célébrité chaunoise sur
l'une des faces du marché couvert ! Mais au moins ne pourrait-on trouver
une autre occasion, à défaut de celle-là, pour le faire
connaître aux générations futures, soit dans un jardin
public, soit sur une fontaine, soit en Atlas dans l'ornementation d'un
portail d'église.
Le vin de Chauny ne devait pas ruiner la santé, car
« Toutlemonde fut vacher 70 ans, et il vécut
près de 120 ans ! »
Et ce n'était pas un saboteur. Il fut établi
dans sa charge par le maire de Chauny qui avait reçu son serment
et celui-ci ne songea jamais à exercer le droit qu'il avait de déposer
le vacher : Toutlemonde ne perdit jamais aucune bête, en 70 ans d'exercice
! Il n'abusait pas de son cornet.
Dans l'Histoire populaire de Chauny, l'abbé Caron nous cite
le trait suivant :
« Henri IV aimait les habitants de Chauny à
cause des
» marques éclatantes de fidélité
qu'il en avait reçues.
» Pendant le siège de La Fère, en 1594,
il se rendait de
» temps en temps à Chauny pour visiter ses bons
amis
» les Chaunois, lesquels ne manquaient jamais de venir
» audevant de lui afin de le recevoir et le le complimenter.
» Il arriva un jour; les habitants prévenus de
son approche
» se portèrent à sa rencontre d'un côté
tandis que
» lui-même s'acheminait vers la ville par un autre.
Surpris
» de ne voir personne, contre l'usage ordinaire et apercevant
» près du grand chemin un vacher gardant son
» troupeau, il envoya vers lui pour s'informer si quelque
» événement n'était pas survenu à
Chauny et n'avait
» empêché les habitants de venir à
sa rencontre. Ce vacher
» c'était Toutlemonde ; il s'approcha et sans être
intimidé
» par le rang du roi il lui adressa la parole en ces termes
:
« Sire cette ville de Chauny est bien votre méquenne (1)1 ,
» voilà mes bêtes à cornes que je vous
amène, les complimenteux
» sont au delà de l'iau. »
Ce serait à la suite de cette harangue que le roi
donna à Toutlemonde un cornet d'argent à la place de sa trompette
de corne.
Ceci n'augmenta pas peu le prestige du vieux vacher. Il fut enterré
dans la prairie de Senicourt, appelée depuis le « Saint-Camp
». On disait encore en 1716 que les bêtes par respect ne
paissaient point en ce champ où on lui avait dressé un tombeau
avec cette épitaphe :
« Ichy chous chete lorde tombe
« Gist li vacher, dit Toutlemonde
« De Chalny chité de grand prix
« Entre mins chités du pays.
« Qu'il passe en Kéron la barque,
« Autant bien qu'il wardit no-vaque
« Chisch trépassa d'ans chent dix-neuf,
« Si gras de vertus comme boeuf,
« Boviers, vaqués, hêvals et ânes
« Bien wardez d'interrompre s'âme. »
Traduction du vieux picard :
« Ici sous cette lourde tombe
« Git le vacher, dit Toutlemonde
« De Chauny, cité de grand prix
« Entre maintes cités du pays.
« Qu'il passe la barque de Caron,
« Aussi bien qu'il garda nos vaches !
« Celui-ci trépassa âgé de 119 ans.
« Aussi gras de vertus que l'est un boeuf,
« Bouviers, vachers, chevaux et ânes,
« Gardez-vous bien de troubler son âme. »
Chacun sait que le tombeau de Toutlemonde a disparu
et qu'on en ignore même exactement l'emplacement peut-être la
tempête égalitaire de la grande révolution l'a-t-elle
balayé comme elle a fait démolir les gracieuses flèches
de pierre sculptées qui complétaient les 4 tours de la cathédrale
de Laon. Mais tout de même, si en son temps on a cru devoir honorer
la mémoire du pauvre vacher Toutlemonde, c'est que probablement,
il en valait la peine.
En attendant que Chauny voie naître des grands hommes, ressuscitons
celui-là.
Mais, direz-vous, voulez-vous donc chanter la gloire de ce misérable
sujet de Henri IV ?
Ah, mes amis ! Toutlemonde, c'est le peuple, le vrai peuple. Toutlemonde
aurait presque adoré Henri IV, aurait décapité Louis
XVI, se serait fait hacher pour Napoléon Ier, aurait
été opportuniste avec Gambetta, Bloc national avec Poincaré,
et Bloc des gauches après le 11 mai 1924.
Ne soyons pas trop sévère avec lui et faisons-lui fête,
non pas comme à un homme de 120 ans, mais comme à l'homme
de toujours.
Puisqu'on a pensé trop tard à mettre sous le vocable
de Toutlemonde le palais du marché couvert, destiné à
être le palais du boeuf, du veau, du beurre et du fromage, espérons
qu'on saura réparer sous une autre forme et perpétuer aux yeux
des jeunes et des étrangers le souvenir de l'homme du peuple, le
plus grand de Chauny.
Source :
Abbé TURPIN,
CHAUNY et ses Environs
Baticle
1955
(Pages 99-104)
TOUTLEMONDE
et les malheurs de Chauny
Après avoir été brûlé
en 1241, Chauny s'était si bien relevé, qu'en 1378 lorsque
le roi Charles V y passa, il en fut émerveillé.
Mais attendez, voilà que Charles le Téméraire
prend Chauny qu'il met à feu et à sang en 1471.
On comprend le découragement de Tout-le-monde. Ce vacher légendaire
qui, d'après l'histoire vivait sous Henri IV, existait déjà
et était même célèbre au milieu du XVe
siècle.
Je ne me charge pas d'expliquer cela.
Je cite un extrait d'une pièce de circonstance jouée
à Amiens en 1472. Un des acteurs cherche le Bontemps, c'est-à-dire
la tranquillité et la paix ; il appelle Tout-le-monde, le bon vaquier
de Chauny pour avoir son avis :
Ho! Hau! le vaquier de Chauny.
Tout-le-monde !
LE VAQUIER DE CHAUNY
Qu'esse qu'on me voeult, me vécy..
VA-PARTOUT
Or sà, le vaquier de Chauny,
On m'a dit que depuis six ans
A vo tour eustes le bon tampz ?
Comme on me appelle Va-Partout
Qui le quiers de plat et de bout,
Je vous prie si vous le avès,
Que nous le apons, se vous volès:
Car le bon tampz désirons fort.
LE VAQUIER DE CHAUNY
Le bon tampz, hélas ! il est mort.
NE-TE-BOUGE
Non est, dya.
LE VAQUIER DE CHAUNY
S'il vit plus, c'est fort
Car il m'est piècha eschappé.
Le bon tampz, hélas, il est mort
Et n'est mie une grande pitié.
VA-PARTOUT
Le bon tampz n'est point tréspassé.
LE VAQUIER DE CHAUNY
Non.
NE-TE-BOUGE
Non.
LE VAQUIER DE CHAUNY
Dont est-il bien malade
Car de my s'en fuyt tout rade
Naguères en pays nouvel
Sans me laisser vaque ne vel
Ne robe de gris ne de bleu :
Brief, j'ay laissié le laine au treu,
Nouvelles du bon tampz ne scay,
A vous dire trestout le neu.
Brief j'ay laissié le laine au treu.
Source :
Abbé TURPIN,
CHAUNY et ses Environs
Baticle
1955
(Pages 107-109)
1 (1) Mädchen, fille en allemand. On se sentait
encore de la proximité de l'Austrasie.