LE VIEUX CHAUNY
SOUVENIRS HISTORIQUES
par VICTOR LEDUCQ
Archiviste de la Ville de Chauny
Membre de la Société Archéologique de Noyon
et de la Société Nationale d'Encouragement au Bien
et
PAUL BARBIER
Ancien Membre de la Société Préhistorique
Française
CHAUNY
IMP. A. BATICLE
1937
PRÉFACE
LE VIEUX CHAUNY
- Arc (rue de l')
- Arquebuse (rue de l')
- Bailly (rue du)
- Barrière (rue de la)
- Basse cour du Château
(rue de la)
- Beffroy (rue du)
- Bons Enfants (rue des)
- Boucheries (rue des Vieilles)
- Bouzier (place)
- Brasserie (rue de la)
- Brouage (rue du fg. du)
- Buerie (rue de la)
- Camp Solent (rue du)
- Casernes (rue - des)
- Chastelain (rue du)
- Chaussée (rue de la)
- Citadelle (rue de la)
- Clèves (rue de)
- Cordiers (rue des)
- Cornet (rue du)
- Fossés (vieille rue des)
- Fossés du château
(rue des)
- Four à la Claye (rue du)
- Ganton (rue)
- Godelen (rue)
- Grand-Marais-Goyau ou Goyer-Marais
ou du Berger (ruelle du)
- Hamoise (rue)
- Hangest (rue d')
- Juifs (rue des)
- Marché (place du)
- Moulins (rue des)
- Navoirs prolongée (rue
des)
- Notre-Dame (rue)
- Obélisque (rue de l')
- Orléans (rue d')
- Pissot (rue du faubourg du)
- Pont-Royal (rue du)
- Sainte-Croix (impasse)
- Saint-Eloi (chemin)
- Saint-Martin (rue)
- Saint-Momble (rue)
- Selaine (avenue et faubourg de)
- Senicourt (avenue de)
- Soissons (rue du faubourg de)
- Vieille route de Noyon
(rue)
PRÉFACE
« Le passé est ce qu'il y a de plus vivant
dans le présent »
Désiré NISARD.
La Grande Guerre a fait de Chauny un monceau de ruines
; le peu de vestiges que notre cité -- maintes fois dévastée
au cours des siècles -- avait gardés avant ce cataclysme
a disparu entièrement ou presque. Si Chauny avait conservé
en grande partie jusqu'en 1917, date de sa destruction, sa topographie ancienne,
le plan d'aménagement et d'extension de la ville a nécessité
la création de nouvelles voies, la disparition de vieilles rues, le
redressement et l'élargissement de certaines, enfin le changement
de dénomination de nombreuses rues ou places.
Reconstituer l'ancienne topographie de Chauny est une tâche
malaisée car on ne possède point d'assez vieux plans permettant
de retrouver le tracé de quelques-unes de ses rues ; en effet
des rues sont parfois mentionnées dans des actes anciens, mais
ces documents ne situent pas leur emplacement ; d'autres ont changé
de dénomination ou ont été désignées
à la même époque par différents noms, parfois
aussi un même nom a été appliqué à plusieurs
rues.
Le modeste ouvrage que nous présentons au lecteur est
un petit recueil mettant en relief tout ce qu'exprimait la signification
de ces vieilles dénominations données aux anciennes rues,
places, et à quelques maisons particulières de Chauny.
Dans notre exposé nous relatons des faits curieux, saillants,
souvent méconnus, du Chauny d'autrefois, et dont le souvenir commence
à s'effacer ; d'ailleurs, c'est à peine si on peut retrouver
quelques anciennes impressions dans le sillon des faibles vestiges que
la ville moderne d'aujourd'hui a pu conserver.
Elle est cependant bien remarquable l'histoire de notre vieille
cité, qu'il est encore possible de déceler en analysant
le sens très caractéristique des anciennes appellations
-- disparues ou existantes -- qui ornaient toute l'ancienne ville et qui
surent pendant longtemps lui donner un cachet historique.
En résumé notre dissertation rappelle l'histoire
du vieux Chauny par ses rues mêmes, choisies parmi celles dont les
désignations, le lieu, ou les édifices qui s'y trouvaient,
rappellent des faits les plus propres à intéresser, à
retenir l'attention du lecteur.
Pour donner plus de clarté à ce que nous avons
tenu à rappeler, nous avons suivi la méthode la plus rationnelle,
celle d'énumérer tous ces passages d'histoire suivant l'ordre
alphabétique des noms de rues.
Nous croyons bon de faire allusion à ce qui fut rappelé
ces jours-ci Vantant avec force l'intérêt que trouvera tout Français
possédant le culte du souvenir, en allant visiter le Musée
National de la Coopération franco-américaine au Château
de Blérancourt, nous avons relevé avec satisfaction les phrases
suivantes qu'exaltait tout dernièrement un grand quotidien :
« Dans le triangle formé par Soissons, Chauny
et Laon, bat exactement le coeur de la France. Là, plus de 2000
ans de luttes, d'aventures, de vie et de mort, ont contribué à
l'édification d'une grande République ».
Relativement à l'Histoire de la France ce commentaire
vient confirmer tout le rôle important joué par cette magnifique
contrée dans laquelle Chauny a fourni une large part.
Nous terminons cet avant-propos, en déclarant sincèrement
que ce n'est pas par vanité que nous avons fait cette petite brochure,
mais uniquement dans la pensée qu'elle pourra perpétuer
le souvenir du glorieux et fier passé de Chauny, et ainsi contribuer
à maintenir tout l'attachement qui lui est dû.
VICTOR LEDUCQ.
PAUL BARBIER.
.
LE VIEUX CHAUNY
SOUVENIRS HISTORIQUES
Arc
(rue de l') ; l'ancienne rue de l'Arc n'existe plus ; anciennement elle
conduisait de la rue du Beffroi aux remparts qui défendaient la
ville à l'est ; d'un côté elle longeait les murs de l'Hôtel-Dieu
et aboutissait au point où l'on voyait le Jardin des Archers (emplacement
de l'immeuble portant le N° 10 du boulevard Gambetta, en 1914), d'ou'
le nom de l'Arc. Il existe encore une rue de l'Arc conduisant de l'ancienne
rue de l'Arquebuse à la rue Jean Cachet.
La Compagnie des Archers de Chauny portait autrefois comme emblème
un singe. Sa création remonte sans doute au temps de Charles V.
« Voulons et ordonnons, dit-il dans une ordonnance de 1369,
que nos sujets prennent leurs jeux et esbatements à s'exercer et
habiliter en fait de trait d'arc ou d'arbalestres ès biaux lieux
et places convenables à ce, ès villes et terrouoirs et facent
leurs dons (un prix) au mieulx traians (tireur) et leurs festes et joies
pour ce. »
La Compagnie de Chauny avait acquis dans la contrée une
certaine réputation -- elle prit part à la bataille de
Bouvines -- ; elle le devait à l'adresse de son capitaine et à
celle de ses chevaliers qui, coiffés d'un chapeau à plumes,
en costume de velours multicolore, l'arc au poing et la trousse au côté
portée par une agrafe d'argent représentant Saint-Sébastien,
figuraient avec honneur dans les prix généralement rendus
dans la province.
Une quittance du 14 septembre 1386 nous apprend que les archers
étaient vêtus d'un petit et court surcot de drap mi-partie
bleu d'un côté et rouge de l'autre et d'un chaperon mi-partie
des mêmes couleurs. Le 9 août 1717, aux cérémonies
de la Parade du Bouquet provincial de Meaux, la Compagnie de Chauny était
représentée par douze chevaliers habillés couleur de
cannelle, avec boutons d'argent et portant un cornet de vacher.
Mais son souvenir n'aurait peut-être pas survécu,
et ses triomphes si incontestés n'auraient peut-être pas
sauvé son nom de l'oubli, si sa bannière des grands jours n'avait
porté un emblème excentrique exposé aux lazzi et aux
quolibets irrévérencieux de la foule. En effet l'enseigne
de la Compagnie représentait un singe, et la malignité publique
avait voulu voir dans cette image la personnification du génie des
habitants de la ville. Quelque part qu'ils parussent les archers de Chauny
s'entendaient saluer du sobriquet de
singes de Chauny, surnom que
les Chaunois ont encore conservé.
La Compagnie des Archers de Chauny avait conservé dans ses
usages une autre tradition. Elle se faisait précéder d'un
personnage destiné à représenter
Tout-le-Monde,
ce vacher légendaire, dont le nom a donné naissance à
bon nombre de fables et sur le compte duquel on ne sait en définitive
rien de certain.
Il existe encore à Chauny une Compagnie qui se livre au
noble jeu de l'arc.
Arquebuse
(rue de l') ; elle conduisait de la porte du Pont-Royal à la
rue Vieille du Brouage où s'élevait la porte d'Hangest. Elle
a été ouverte au commencement du XIXe siècle sur l'emplacement
des anciens remparts. Les premières maisons qui furent construites,
dataient tout au plus de 1825. Elle devait son nom au rempart de l'Arquebuse
qui devait lui-même cette dénomination à la proximité
du
jeu ou
Jardin de l'Arquebuse. Depuis 1928 elle porte le
nom
d'Aristide Briand.
La Compagnie des Arquebusiers de Chauny, constituée
au commencement du XVlI
e siècle, « composée
de quantité d'honnêtes gens de la ville », avait son
Jardin ou Jeu au nord de la ville sur le rempart et les fossés
de Sainte-Croix. Ce Jardin fut transporté fin 1653 dans la partie
basse des fossés sur un vaste terrain compris entre l'ancien cours
d'eau des Boucheries, la rue de l'Arquebuse (r. Aristide-Briand) et l'ancienne
porte de Hangest.
En 1670 on offrit du vin aux Arquebusiers de Chauny qui avaient
apporté le bouquet général de l'Arquebuse de Montdidier.
Les Arquebusiers de Chauny portaient un habit bleu de roi à
boutons d'argent, un grand chapeau ; leur drapeau, comme celui des archers,
portait l'image d'un singe. Cette compagnie se distingua dans la défense
de la ville en juillet 1652, alors assiégée par les Espagnols.
Un prix général donné par la Compagnie des
Arquebusiers de Chauny à ses rivales de Ham, Laon, Noyon, Saint-Quentin
et Compiègne, fut tiré pendant huit jours, en 1680. Il avait
été autorisé par lettres patentes signées de Louis
XIV à Saint-Germain-en-Laye le 15 avril 1680. Ce fut Jean du Passage,
seigneur de Sinceny, gouverneur et bailli de Chauny, qui tira le coup du
roi, entouré de tout ce que la ville possédait d'officiers
et de magistrats.
La Compagnie fut supprimée en 1735.
Bailly
(rue du) ; cette rue est le prolongement de celle de Notre-Dame ; elle
commençait de l'ancien pont du Bailly et finissait au passage à
niveau de ce nom. En 1928, elle a reçu le nom de
Jean de La Fontaine.
Habité de toute ancienneté, le faubourg de
ce nom s'étend à l'ouest de la ville jusqu'à Ognes
et se divisait autrefois en
grand et
petit Bailly. Il était
formé de terrains marécageux qui ont été transformés
en prairies par suite de dessèchements successifs.
L'étymologie du mot Bailly est incertaine ; les uns disent
qu'il peut nous conserver le souvenir du
castellum Calniacum connu
au X
e siècle ; d'autres assurent que le mot
Bali
(on écrivait
Balli en 1402), tiré de l'idiome
celtique, signifie une allée d'arbres de haut jet conduisant à
une habitation. On peut encore ajouter que de l'ancienne juridiction des
baillis est resté le mot
bel ou
baile, employé
encore aujourd'hui pour désigner certaines parties des châteaux-forts
où le bailli avait son tribunal.
Avant le redressement du cours de l'Oise c'est de ce faubourg que
le coche d'eau partait à Paris et en revenait, une fois par semaine
pendant la belle saison.
Au XVIII
e siècle on voyait encore dans le Bailly
une maison de santé dite
Maison bleue, près de la
rue des Communes, non loin du port. Auparavant on y enfermait des pestiférés
ou des personnes atteintes de maladies contagieuses ; un chemin, appelé
voierie de la maladrerie, y conduisait.
Barrière
(rue de la) ; c'était autrefois un sentier qui aboutissait en
droite ligne à l'ancien cimetière de la première église
Saint-Martin, près d'un ouvrage fortifié appelé
barrière
d'où le nom appliqué à cette voie. C'est actuellement
une petite rue conduisant de la rue Vieille du Brouage à la place
du Brouage.
Basse
cour du Château (rue de la) ; ouverte sur l'emplacement
de la basse cour ou baille du château-fort démoli en 1431,
cette rue conduisait de la place du Marché à la porte du
Pissot. Elle occupait l'emplacement de la bordure nord de l'ancien tronçon
de la rue de La Fère, compris entre la place de l'Hôtel de
Ville et le boulevard Gambetta, où se trouve actuellement le Commissariat
de police. Au sujet de la police mentionnons que, dans une assemblée
des notables du 9 janvier 1766, il est décidé de faire une
dépense de 400 livres pour l'habillement des deux sergents de ville
(habits de drap bleu à parements rouges galonnés d'argent,
vestes et culottes rouges et bandoulières aux armes de la ville).
Ce fut à l'époque où Chauny sortit des limites
de l'île où s'éleva sa première enceinte, qu'un
autre château fut construit, au commencement du XII
e
siècle, croyons-nous. Placé à l'angle nord-ouest
de l'enceinte, il s'étendait, y compris une grande partie de la
place du Marché (de l'Hôtel de Ville), jusqu'aux remparts du
Pissot et de Sainte-Croix (les promenades actuelles).
En 1431, les habitants s'étant émus des menées
du gouverneur, dont la connivence avec les Anglais était connue,
et désirant éviter, au moins momentanément, les dangers
de l'occupation ennemie, sentirent se réveiller leur énergie.
S'étant concertés secrètement, ils résolurent
de s'emparer du château et de le démolir. Monstrelet a raconté
cette entreprise désespérée dans ses
Chroniques
(chap. C XVI). En 1435, la mairie obtint de Charles VII des lettres
de grâce au sujet de la destruction de ce château.
C'est l'épisode le plus curieux et le plus émouvant
de l'histoire de Chauny.
Beffroy (rue
du) ; tire son nom du beffroi qui y fut construit vers le milieu du XIII
e
siècle et dont les ruines furent rasées en 1870 ; elle conduisait
autrefois de la rue du Blocq (rue de la République) jusqu'à
la place du Beffroy. En 1917, elle se terminait en impasse. Actuellement
elle débouche rue de la Poste.
Le beffroi, construit vers le milieu du XIII
e siècle,
était une lourde construction en grès, carrée, massive,
de dimensions restreintes. L'intérieur contenait un étage
avec un appartement où, pendant plusieurs siècles, le maire,
les jurés et les échevins s'étaient réunis
pour délibérer sur les affaires de la commune. Dans les derniers
temps la
chambre du beffroi servait de magasin et le rez-de-chaussée
était à usage de cave.
Ruiné en 1557, on fut sur le point de le faire disparaître
en 1710, pour agrandir les salles de l'Hôtel-Dieu dans les dépendances
duquel il était enclavé. Mais comme il servait à
cette époque d'arsenal et qu'il appartenait au domaine du roi,
on renonça à sa destruction.
Comme nous l'avons dit ci-dessus, il fut abattu en 1870, et ce
pour occuper des chômeurs.
On donnait le nom de place du Beffroy à un petit espace
qui s'étendait entre les noelles des Boucheries (rue de la Poste),
l'Hôtel-Dieu et le beffroi. Par délibération municipale
du 25 octobre 1624, il fut décidé que pour la vente des morues,
harengs, etc., on construirait des boutiques de bois, « joingnant
la maison de l'Hôtel-Dieu, près des noelles », celle
des poissons de mer et d'eau douce se fera aussi sur la même place,
proche les dites noelles, qui s'appellera « le marché aux
poissons ».
Nous venons de citer la rue de la Poste ; à ce sujet signalons
qu'à la date du 8 avril 1643 permission fut donnée à
la ville d'établir un bureau de postes.
Bons Enfants
(rue des) ; petite ruelle qui conduisait autrefois place des Bons Enfants
(dans la rue d'Hangest) aux remparts de l'Arquebuse. Elle existe encore
et conduit de la rue Aristide-Briand à la rue d'Hangest. Le nom de
cette rue, très étroite et très ancienne, rappelle l'emplacement
ou le voisinage d'une des premières écoles où l'on
procurait gratuitement les éléments de l'instruction à
de pauvres écoliers « aux Bons-Enfans escholiers ».
Quand les terreurs de l'an mil furent dissipées, on fonda
dans la plupart des villes des maisons pour les étudiants sans
fortune. Ces maisons furent appelées hôpitaux des pauvres
clercs, Capettes, Bons Enfants.
On les appelle les Bons Enfants, par allusion sans doute à
leur bonne conduite et à leur tenue édifiante. C'est le nom
que l'on donnait à Chauny aux étudiants sans fortune.
C'est sur la place minuscule des Bons Enfants que, le troisième
jour des Rogations, le clergé des deux paroisses de Chauny avait
jadis pour coutume de se réunir pour faire une procession générale
à l'église Saint-Georges d'Ognes. Cette procession a cessé
depuis fort longtemps, mais les vieillards d'Ognes se souviennent encore
que dans leur jeunesse, une procession se rendait le jour des Rogations à
une extrémité du village, le lendemain mardi à l'autre
bout, et le troisième jour à l'Arbre du Moulin-Chevreux,
arbre historique dont il faut regretter la disparition. Fêtes naïves
et rustiques ces fêtes des Rogations, parées des grâces
pastorales la procession ; sitôt le soleil levé, parcourait
toutes les routes de la paroisse, les plus herbeuses comme les plus désertes,
les sentiers comme les chemins creux. Cette procession était vraiment
la fête du printemps.
A l'entrée de la rue des Bons Enfants, à gauche,
côté de la rue d'Hangest, une habitation, aux XVI
e
et XVII
e siècles, appartenait à la famille Pestel,
dont un des membres, Pierre, chanoine de Soissons, fut un professeur
émérite de rhétorique et d'éloquence au collège
Cardinal-Lemoine, à Paris, mort en 1721. Il a laissé de
nombreuses poésies latines écrites avec élégance.
L'hymne des premières vêpres et celle de laudes de
l'ancien office de saint Vaneng à l'usage de Ham, qui ne sont pas
dépourvues d'un certain mérite littéraire, sont de
Pierre Pestel, qui fit imprimer à Paris, chez Jacques Quillau, sur
un simple feuillet, trois hymnes par lui composées en l'honneur de
saint Vaneng ; le manuscrit, un petit in-4
° de la fin du
XVII
e siècle avec notation en plain chant se trouvait
à Ham au siècle dernier entre les mains du curé.
On croit que la prose de la grand'messe est également de
Pierre Pestel ; c'est un beau chant liturgique, très goûté
par les amateurs de nos anciennes poésies religieuses.
S'il n'a pas acquis la célébrité que le P.
Labbé semblait lui présager, Pierre Pestel n'en est pas moins
un poète latin d'un mérite incontestable, et il suffirait
des hymnes en l'honneur de saint Vaneng pour le placer parmi les Du Cerveau,
les Commire, les Coffin et autres écrivains, ses contemporains,
qui ont excellé dans la poésie latine.
Boucheries
(rue des Vieilles) ; un acte de l'année 1750 fait mention de
cette rue qui se trouvait dans le faubourg de la Chaussée ; elle
tirait son nom des boucheries qui y étaient établies.
Il existait aussi plusieurs étaux à boucher établis
sur le pont des Boucheries, au débouché de la rue de la
Poste actuelle sur la rue de la République. On y vendait chaque
jour des « chairs que tant vives que tuées » ; elles
étaient soumises à la visite de quatre « esgars »
; le 22 juin 1517 on nommait 4 égars de la boucherie, 2 égars
de blanches bêtes vives et un sergent de boucherie. Le 31 mars 1518
les bouchers de la ville se réunissaient en la Chambre ; on leur
fit lecture des ordonnances sur le fait de la boucherie, et ils prêtèrent
serment ainsi que leurs serviteurs, entre les mains du maire et des jurés.
Le 25 mai 1781 il fut reconnu, après une visite, que les anciennes
boucheries devaient être reconstruites.
Les bouchers de Chauny formaient dans chaque paroisse une confrérie
du Saint-Sacrement ; ils avaient le privilège, obtenu par des
chartes et lettres royales, de porter le dais aux processions de la Fête-Dieu,
couronnés de fleurs.
Par délibération municipale du 5 novembre 1627, il
fut décidé que : jusqu'à ce que le nombre des bouchers
soit réduit à seize, on n'en recevra plus désormais.
Le 14 février 1642 on nommait deux bouchères pour
vendre de la viande en temps de carême aux malades seulement et non
à d'autres, sous peine d'amende.
Bouzier
(place) ; cette place, la plus vaste de Chauny, en la considérant
dans sa plus grande étendue, affecte la forme d'une équerre
; elle est bornée au nord par l'ancienne rue Bouzier, faisant maintenant
partie de la place Saint Momble ; cette partie est appelée par les
Chaunois, place Verte. La place Bouzier, proprement dite, forme un vaste
quadrilatère entre la place Verte et la rue de Paris.
La place entière occupe l'emplacement des anciens fossés,
des deux bastions du Roi ou des Minimes et de Saint Martin, et d'une
partie de celui de Genlis en haut de la rue de la Liberté.
Elle porte le nom d'un bienfaiteur de la ville, l'abbé Antoine
Bouzier, prêtre, abbé de Notre-Dame des Ardres, docteur ès-sciences,
docteur en Sorbonne, chanoine et écolâtre de la collégiale
de Saint-Quentin. Il était le fils d'Antoine Bouzier, seigneur
d'Estouilly, maire de Chauny, et de Claude de La Fons. Son grand-père
était Antoine Bouzier, seigneur de Dy et d'Estouilly qui, ayant
épousé Antoinette Vrevin, vint de Ham, d'où il était
originaire, s'établir à Chauny au commencement du XVI
e
siècle.
L'abbé Bouzier fit don à la ville, par contrat du
10 octobre 1713, passé à Chauny par devant notaires royaux
héréditaires, du revenu nécessaire pour doter de
deux bourses, deux enfants, de condition humble et modeste, et rendre ceux-ci
capables de servir l'église dans l'état ecclésiastique,
ou le public dans les fonctions civiles.
Les deux premières bourses furent données par le
fondateur à Charles de Hangest et à Jean-François
Le Droit. Le dernier des boursiers, désigné par le conseil
municipal de notre ville avant la Grande Guerre, a été Marcel
Lelong, médecin auxiliaire au 169
e d'infanterie, fait
prisonnier le 29 février 1916 devant Verdun.
La place Bouzier proprement dite a conservé sa dénomination.
Brasserie
(rue de la) ; de la rue Pasteur à la rue Rabeuf. C'est la dénomination
moderne d'un ancien chemin qui mettait en communication le Pissot et Senicourt
où 'il aboutissait à un cours d'eau.
Depuis 1928 elle est dénommée
rue d'Eure-et-Loir.
Quelques années après la guerre on a trouvé
dans cette rue une plaque de plomb rappelant la fondation d'une maison en
1799 par « Pierre Momble de Marquette, fils, et Agathe Josephe
Marguerite de Brion, son épouse, propriétaire de Beaumont-en-Beine
».
Agathe-Josephe-Marguerite était la fille unique du comte
Joseph de Brion, et de Marguerite-Françoise-Charlotte, dame de Beaumont
en 1785, fille de Claude de Charles de Bucy, seigneur de Villers-Saint-Christophe
en 1740 ; en 1794 elle épousa Pierre Momble de Marquette de Crimon
de Beaumont, chevalier des Lys, né en 1764 ; ils habitèrent
de 1806 à 1840 le vieux château de Beaumont, détruit
au cours de la guerre.
La famille de Brion était très populaire et fort
aimée à Beaumont-en-Beine ; elle a fondé plusieurs
établissements d'instruction. Le nom de cette rue lui vient d'une
brasserie qui y était établie. Il y avait encore à
Chauny une
rue du Brasseur qui s'ouvrait sur la rue du Blocq pour
aboutir au rempart du Jeu de boules du côté du bastion des
Arquebusiers. En 1914 on en voyait encore un tronçon derrière
l'ancien palais de Justice, près de l'école communale des
filles dont la reconstruction, en 1899, fit disparaître cette petite
voie, citée en 1395, qui se terminait autrefois en impasse. Il
n'y en a plus trace.
Le 18 septembre 1517, défense était faite aux brasseurs
de brasser plus que pour l'approvisionnement de la ville, attendu la cherté
des grains.
Brouage
(rue du fg. du) ; commençait de la place de ce nom et finissait
à la limite d'Ognes. C'est en partie le
grand chemin de Chauny
à Noyon, devenu sous Louis XIV
route de Paris à Chauny,
puis
route de Noyon à La Fère, actuellement route
nationale N° 38. Cette voie traverse l'ancien faubourg Saint-Martin,
lequel ne reçut le nom de Brouage que depuis la fin du XVI
e
siècle, après la disparition de la première église
Saint-Martin.
Ce nom de Brouage désignait l'ancien moulin où l'on
brisait la tige du chanvre ou du lin pour en détacher la filasse
de la chènevotte avec un instrument appelé la
broie ou
brou, qui finit par désigner le faubourg du Brouage où
se faisait ces opérations.
Une découverte intéressante qui fit quelque bruit
à l'époque et tendrait à prouver que sur l'emplacement
de Chauny s'élevaient des demeures à l'époque romaine,
est celle qui fut faite au XVII
e siècle dans le Brouage
près d'une briqueterie à proximité de la vieille
route de Noyon de plusieurs tombeaux romains. On sait en effet que suivant
l'usage des Romains ceux-ci n'admettaient pas de cimetières dans
leurs cités ; les sépultures étaient construites
le
long des chaussées, dans la campagne. Donc si le lieu qui devint
le Brouage se trouvait alors hors d'une cité, on peut en déduire
que les habitations de celles-ci se trouvaient sur les parties les plus
élevées au dessus des marais, vraisemblablement à cet
endroit de Chauny appelé le
vieux bourg.
Au XIV
e siècle existait au Brouage une
pièce de fortification appelé Tourloupe, faisant partie de
la première enceinte de la ville. Elle comprenait un pont, disparu
à la fin du XVI
e siècle, une porte abattue en 1493
par la permission du duc d'Orléans, et des fossés alimentés
par le ru Ganton. Pont, porte et fossés connus sous le nom de Tourloupe,
situés à la hauteur de l'Institution Saint-Charles, défendaient
la ville de ce côté.
Une partie du terrain où est construite l'Institution Saint-Charles
fut acheté le 6 mars 1512 par les religieuses Cordelières
; leur couvent ayant été ruiné par les Espagnols
en 1557, ces religieuses s'établirent rue des Juifs (voir
Rue des Juifs) peu après.
Antoinette de Sains fut une de leurs premières supérieures,
environ l'an 1550 ; elle quitta la maison en l569 détruite par
les Calvinistes, revint en 1578 et la rebâtit. Son zèle et
sa vertu paraissent dans un acte qu'en ont donné le maire et les
jurés de la ville en 1579, lequel commence de cette manière,
qui paraîtra singulière : « Nous, Maire et Jurés
de la ville de Chauny, gouverneur de la
République d'ycelle
ville, certifions, etc... »
Buerie
(rue de la) ; de la rue du Pissot (au calvaire érigé en
1877 sur l'emplacement d'un autre très ancien) au ruisseau du Hélot
(rue Paul-Doumer) ; elle tirait son nom des
bueries ou blanchisseries
de toiles établies dans son voisinage, lesquelles passaient, encore
au XVIII
e siècle, parmi les plus belles de France.
Ce mot
buerie tire son origine de « bû »
mot celtique d'où est venu le mot buée.
En 1631 on cite deux bueries, celles du Pissot et de Senicourt,
établies par Jean Crommelin (de Saint-Quentin) et ses cousins. Puis
on trouve dans les Archives communales de Chauny, les noms des blanchisseurs
suivants : en 1671, Abel Maréchal était maître de la
buerie de Chauny ; Jean Dericq, décédé en août
1676 avait été maître de la grande buerie ; en 1683, André
« de Derich » était blanchisseur à la petite
buerie ; en 1686, Abraham Villebroucq, dit Pain Blanc, né à
Haarlem (Hollande) était blanchisseur au Pissot.
Le 13 juin 1674, défense fut faite aux ouvriers et ouvrières
travaillant aux « blancheries » de Chauny de quitter leurs
emplois sans avoir un congé par écrit, et avant que le temps
de blanchissage ne soit accompli ; de même, aux maîtres des
blancheries, de recevoir les ouvriers et de leur donner à travailler
s'ils ne voient le consentement et congé par écrit de ceux
où ils ont commencé l'année.
Cette industrie continua pendant longtemps ; c'est ainsi que Jacques
Couillette de l'Isle était maître de la buerie du Pissot
et décéda le 19 janvier 1723 ; Daniel Couillette, marchand
blanchisseur, était décédé en 1730 ; le 10
mars 1740 mourut Jean Couillette ; la buerie du Pissot était exploitée
en 1744 par Couillette d'Hauterive ; l'autre buerie était occupée
à la même époque par Nicolas Le Sot de la Panneterie,
qui fut maire de Chauny.
Notre ville avait alors de nombreux tissages de treillis et de
toiles.
Avant que de pouvoir être exposés en vente, les toiles,
batistes et linons devaient être portés dans un bureau établi
à cet effet à Chauny et à Ham. Là, ces marchandises
devaient être visitées et si celles-ci étaient trouvées
conformes à un arrêté pris le 12 septembre 1729,
ces pièces devaient être marquées d'une empreinte
portant d'un côté les armes du roi, et de l'autre la date
et le nom de la ville où le cachet avait été apposé.
Il était défendu aux blanchisseurs de recevoir aucune
toile en écru pour être blanchie, sans qu'elle ait été
visitée et marquée et cela à peine de 500 livres d'amende
et de confiscation.
De 1753 à 1763, il fut apporté au bureau de marque
de Chauny, 72.369 pièces de divers tissus.
Le commerce des fils était considérable dans le pays
chaunois. En 1784, Saint-Quentin acheta pour environ un million de francs
de tissu en fil à Chauny
Depuis 1928, la rue de la Buerie est devenue
rue Edmond-Rigot.
Camp
Solent (rue du) ; c'est une rue moderne qui conduit
de la gare à l'ancienne avenue de Senicourt ; elle tirait sa dénomination
d'un lieudit appelé primitivement
Saint Camp où, d'après
la tradition, fut enterré le légendaire Vacher
de Chauny.
Par respect, les bêtes ne paissaient plus sur le champ
où reposait ce vacher. On dressa là, à ce fameux vacher,
un tombeau avec cette épitaphe :
Ichy chous chete lorde tombe
Gist le vacher, dit tout le monde
De Chalny chité de grand prix
Entre mins chités du pays
Qu'il pasche de Kéron la barque
Autant bien qu'il wardit no'vaque
Chisch trepassa d'ans chent dix neuf
Si gros de vertus, comme boeuf
Boviers, vaques, kévals et ânes
Bien wardez d'interrompre s'ame
D'un prologue d'Arnould Rogier, intitulé Tout-Le-Monde
le Vacher Iégendaire de Chauny, récité par M. Delahaye
le 23 mai 1868, à l'ouverture du nouveau. théâtre
de Chauny (détruit en 1917 et non reconstruit), nous extrayons
le passage suivant :
J'étais (1)1 ... le
sais-je bien ? Dans la riche vallée
Par les soleils brûlants, par la blanche gelée,
Sans autre vêtement qu'un lourd sayon de peaux
Solitaire et rêveur, je gardais vos troupeaux
J'étais un peu sorcier : de vingt lieues à la ronde
On venait consulter le Vacher Tout-le-Monde.
Casernes
(rue - des) ; commençait à la rue du Pont-Royal, contournait
la place du Marché Couvert pour aboutir à la Chaussée,
derrière l'église Notre-Dame. Elle devait sa dénomination
aux casernes édifiées de 1746 à 1755 sur l'emplacement
de la place du Marché Couvert.
Anciennement la rue des Casernes était la continuation de
la rue de la Chaussée qui contournait à cet endroit la demi-lune
établie devant la porte du Pont-Royal.
Jadis les passages incessants de troupes ruinaient les habitants
de Chauny. Aussi la ville envoyait-elle à Paris et à Versailles
députation sur députation avec mission de solliciter la décharge
de la moitié de la garnison. N'obtenant pas satisfaction, il fut
décidé au cours d'une délibération municipale
que l'on construirait des casernes (1732), mais la première pierre
ne fut posée que le 9 août 1746 sur un terrain occupé
autrefois en partie par la demi-lune de la porte du Pont-Royal.
A l'occasion de la pose de la première pierre des casernes,
il fut placé entre cette pierre qui se trouvait au pied droit de
la porte du milieu, du côté de la grande cour, en entrant
à droite, et la seconde, une lame de plomb sur laquelle était
gravé ce qui suit :
« Du règne de Louis XV »
« Charles-Blaise Méliand, chevalier, seigneur châtelain
de Thoisy, La Chapelle-Vendômoise et autres lieux, conseiller du
roy en ses Conseils, Maistre des Requêtes ordinaire de son hostel,
Intendant de Justice, Police et Finances de la Généralité
de Soissons, a posé la première pierre de ce bâtiment
élevé par ses ordres pour loger les chevaux d'une brigade
de Gardes du Corps du Roy en ceste ville de Chauny, le 9 août 1746,
en présence des maires et jurés de la dite ville »
Ces casernes ont été démolies en 1879 ; la
rue de ce nom nous en avait conservé le souvenir.
Depuis 1928 une partie de la rue des Casernes fait corps avec la
place du Marché Couvert et l'autre est appelée
rue Juliette-Lamber,
écrivain de grand talent, d'une famille qui vivait à
Chauny au commencement du XIX
e siècle. Sa mère
naquit rue de Noyon (act. rue de Paris) en face d'une pension dirigée
par M. Blangy, et son père y fut professeur de philosophie, puis
étudia la médecine.
Juliette naquit inopinément à Verberie (Oise), mais
sa grand'mère l'amena peu après à Chauny où
elle fut ensuite mise en pension à l'institution André soeurs.
Là, elle scandalisa ses maîtresses en organisant des manifestations
à propos d'événements politiques.
L'influence de cette grande Française sur la politique de
notre pays et les belles-lettres lui a assuré une des meilleures
places parmi les écrivains du siècle dernier.
Juliette Lamber décéda en 1936 dans sa centième
année.
Chastelain
(rue du) ; cette rue connue au XIII
e siècle sous la
dénomination de
rue Royaumont, du nom de cette abbaye qui
possédait des biens à Chauny, puis
rue du Chastelain, est
l'ancienne
vieille rue des Casernes qui conduisait de la Chaussée
à la place du Marché-Couvert côté est. Cette
voie conduisait au
chef-lieu de la Chatellenie, assez vaste terrain
traversé actuellement par la rue Anatole-France.
Cette rue du Chastelain nous conservait le souvenir des anciens
châtelains de Chauny.
La châtellenie de Chauny avait appartenu aux comtes de Vermandois
; elle était une des plus anciennes et des plus nobles de la province.
Le dernier châtelain fut Louis-Marie-Guy, duc d'Aumont, seigneur
de Guiscard et de Chauny.
Louis-Marie-Guy, duc d'Aumont, était l'arrière-petit
fils de Louis de Guiscard. Il avait épousé en premières
noces la duchesse de Mazarin. Au 14 juillet 1789 il commandait en chef
la 6
e division de la garde nationale parisienne dont il remit
le commandement à l,a Fayette ; il fut ensuite gouverneur de la place
de Lille jusqu'en 1792. Ce quatrième et dernier marquis de Guiscard
décéda au château de cette localité le 20 octobre
1799, emportant l'estime de tous les habitants. En juillet 1801 son cercueil
fut déposé dans le caveau seigneurial des marquis de Guiscard,
construit en 1720 sous le choeur de l'église.
Jadis le marché au lin se tenait à l'angle de la
rue du Chastelain et de la Chaussée.
Chaussée
(rue de la) ; formée du chemin antique qui venait de Soissons
par Coucy, cette rue est la plus ancienne et pendant longtemps fut l'unique
rue de Chauny elle traverse le faubourg de Soissons, l'Oise, le canal, et
aboutit à l'entrée du Pont-Royal. A la hauteur de l'église
Notre-Dame elle tournait à droite, suivait le tracé de la
Vieille rue des Casernes et celui de la rue des Casernes pour finir au Pont-Royal.
En 1715 elle fut continuée en droite ligne depuis la rue Notre-Dame
jusqu'au Pont-Royal dont la demi-lune fut aplanie et nivelée.
Après la guerre son tracé fut quelque peu déplacé
et un tronçon qui subsiste de l'ancienne rue a reçu le nom
de
rue Eugène-Descambres, ancien maire de Chauny
Citadelle
(rue de la) ; On a donné ce nom à la partie de l'ancienne
rue du faubourg de Soissons comprise entre le pont du canal de Saint-Quentin
et le pont de la rivière d'Oise dit pont Rouge. Un vieux plan de
cette partie de Chauny est marqué du nom de
Citadelle à
cet endroit de l'ancien faubourg.
La dénomination de cette rue se rattache aux premiers travaux
entrepris sous Louis XIII pour l'exécution du canal. Les habitants
du quartier se plaignirent alors de ces travaux ils dirent que le canal
séparait la ville en deux parties et que l'une d'elles, celle où
se trouvait la rue précitée, deviendrait « en temps
de guerre comme une
citadelle contre les habitants qui seroient aisément
affamez, et en temps de paix facilement volez, détroussez et massacrez
par les premiers spartaques ou mauvais garnements qui pouroient s'emparer
de la dite péninsule et en faire leur fort. »
Avant la construction du canal de Manicamp, le canal Crozat, qui
fut terminé en 1738, s'arrêtait à Chauny. Précédemment
au XVIII
e siècle, la navigation de l'Oise ne dépassait
pas cette ville. Chauny était alors un port très actif,
un des plus riches et des plus marchands de la rivière d'Oise qui
commençait en ce lieu à porter les grands bateaux allant
à Paris. Chauny servait d'entrepôt aux objets manufacturés
du pays comme à toutes ses productions naturelles. Les céréales,
les légumes, la paille, les foins, les lins, les vins, les produits
des fabriques de Saint Quentin, déjà florissantes sous Louis
XV et ceux de la manufacture de Saint-Gobain alors à son berceau
affluaient dans son port et y étaient embarqués pour y descendre
l'Oise, dans la Seine et ses affluents.
Le port était appelé « Camp Mainard »
-- un lieudit de ce nom existe encore -- et fut fondé vraisemblablement
au XIII
e Siècle. Il était si commode que l'emplacement
des transbordements pouvait contenir 200 bateaux ; il possédait
un grand dépôt de charbons de terre de Mons.
Clèves
(rue de) ; par erreur
rue des Clercs sur le plan cadastral ;
cette petite rue conduit de la place de l'Hôtel de Ville à
la rue de la Paix ; elle fut percée vers le milieu du XV
e
siècle sur un emplacement de la baille du château-fort et conserve
le souvenir de Marie de Clèves, épouse de Charles d'Orléans
et mère de Louis XII, morte à Chauny en 1487.
Elle habitait la « maison d Orléans » édifiée
entre la rue de Clèves, la rue de la Paix, la place de l'Hôtel
de Ville. Du balcon donnant sur la place du Marché, la duchesse
assistait aux défilés des processions religieuses ou corporatives
et aux réjouissances qui se donnaient sur la place publique.
Chauny avait été réuni à la couronne
à la mort, survenue le 7 février 1392, de Blanche de France,
duchesse d'Orléans, comtesse de Valois et de Beaumont, dame de
Chauny depuis 1390, femme de Philippe, duc d'Orléans, seigneur
de Chauny en 1354, qu'il avait reçu, en échange d'autres
terres, de son neveu Humbert, dauphin du Viennois, fils de- Jean II le
Bon.
Charles VI céda à son frère Louis le duché
d'Orléans en 1391 et lui donna Chauny en 1403. Charles d'Orléans,
fils de ce dernier, seigneur de Chauny de 1407 à 1465, célèbre
comme chef des Armagnacs et surtout comme poète, se remaria en
1441 à Marie de Clèves ; de ce mariage naquit Louis II,
seigneur de Chauny, devenu roi de France sous le nom de Louis XII, et
surnommé « le Père du Peuple ».
Cordiers
(rue des) ; une pièce de l'an 1422 fait mention d'une rue des
Cordiers conduisant de la rue Hamoise (actuellement rue de la Liberté)
aux murs et fossés ; elle a depuis longtemps disparu. Peut-être
n'était-elle que la rue Victimée (rue de la Paix) qui a changé
de nom plusieurs fois. Elle devait son nom à une famille Le Cordier
qui y était établie au XVe siècle, ainsi qu'une porte,
laquelle existait au XIVe siècle sur l'emplacement du Palais de
Justice actuel. Reliée par une muraille aux murs du château-fort,
un pont-levis et deux tours protégeaient cette porte des Cordiers
abattue en 1372 par permission du duc d'Orléans, seigneur de Chauny.
Ses matériaux furent employés à fermer la ville de
murs de pierres. C'est à partir de cette époque que Chauny
eut sa ceinture continue de murailles qu'elle a conservé jusque vers
la fin du XVIII
e siècle.
Cornet
(rue du) ; cette rue a disparu au commencement du XIX
e siècle.
Elle s'ouvrait sur la rue du Pont-Royal au point où, en 1914 s'élevait
la maison N° 19 et elle finissait aux remparts face au bastion d'Aumale.
En 1400 on la nommait
ruelle de Moy, du nom d'une famille Moy ou
Mouy qui y résidait. Au seizième siècle, elle perdit
cette dénomination pour prendre celle de
rue du Cornet, d'une
enseigne qui servait à reconnaître la maison et la boutique
d'un marchand drapier du nom de
Cornet (1524) habitant cette rue.
Jadis « le marchiet aux frommages » se tenait une fois
par semaine à l'angle de cette rue et de la rue du Pont-Royal.
Fossés
(vieille rue des) ; c'est l'ancienne rue du Cimetière, devenue
rue Eugène Levaslot. Commençant rue Pasteur pour finir
à la rue Charles-Brunette, elle faisait autrefois partie de la
voie dénommée
rue du Tour de Ville, et plus anciennement
du
Grand Chemin de Saint-Quentin. C'est qu'en effet, anciennement
lorsqu'on voulait gagner la route de Ham et de Saint-Quentin avec des
voitures, on était dans l'obligation de franchir la porte du Pissot,
de contourner le ravelin qui en défendait l'accès, et côtoyer
les fossés de la place.
Cette rue dominait la
fontaine du sabot et la partie profonde
des fossés où est établi le Jeu de Paume en bordure
de l'ancien bastion Sainte-Croix.
Le jeu de paume est un des plus anciens jeux d'exercice, mentionnés
en France. Le peuple se passionna tellement pour ce jeu qu'une ordonnance
de 1394 le prohiba comme ruineux pour les familles. On joue depuis longtemps
à la paume à Chauny. Les frères Collard et Ferry
de Mailly, tous deux gouverneurs de Chauny en 1431, allaient tous les jours
jouer à la paume.
Le 12 juillet 1624 défense était faite aux habitants,
aux jeunes gens de la ville et des faubourgs, de s'exercer au jeu de la
longue-paume, ni autres, que les jours de fêtes, sous peine d'amende
et de bannissement la troisième fois. Lé 7 avril 1680 était
faite acquisition d'un jardin pour y établir un jeu de longue-paume
pour l'exercice de la jeunesse.
Un beau jeu de paume se voyait en 1710 dans le jardin de l'Arquebuse
établi depuis 1654 entre la rue Aristide-Briand et la rue Drouot
actuelles. Il disparut en 1825. En avril 1789 il y eut un projet d'établissement
d'un nouveau jeu de paume.
Fossés
du château (rue des) ; on a donné cette
dénomination à la partie de l'ancienne rue Hamoise (rue de
la Liberté) comprise entre la place de l'Hôtel de Ville et
la rue de la Paix actuelle. Elle devait son nom de ce qu'elle bordait l'emplacement
des anciens fossés du château-fort qui fermaient la place
de ce côté, fossés comblés au milieu du XV
e
siècle.
Four
à la Claye (rue du) ; petite rue étroite
très ancienne, conduisant de la rue de Paris à la rue Aristide
Briand. Elle conserve encore par son nom le souvenir de l'un des anciens
fours banaux. Celui de cette rue appartenait par indivis aux religieux
de Prémontré et à Jehan, seigneur du Moulin-Chevreux
à Ognes (XIV
e siècle).
Un autre four banal, nommé
four Bourguel, se trouvait
dans le faubourg Saint-Martin, et un autre dans la rue Folette, à
la Chaussée, que l'on appelait aussi
rue du Four.
Ganton
(rue) ; l'ancienne
rue ou
ruelle Ganton conduisait de
la rue Hamoise à la place Bouzier. Elle tire son nom d'un ruisseau,
le ru Ganton, qui descend des hauteurs de Selaine et se déverse
dans la rivière du Brouage derrière l'Institution Saint-Charles
; il alimentait jadis les fossés des fortifications.
Dés 1374 on installa dans cette rue une maison de femmes
de mauvaise vie. En 1404 un sergent d'épée, Jehan Maton,
acheta cette maison et chassa ses bruyantes locataires. Sans logis, elles
continuèrent leur honteux commerce dans les champs, notamment dans
celui des Ribauds, en bordure nord de la place Saint-Momble actuelle. Gâtant
les récoltes, les propriétaires se plaignirent. C'est alors
que la Mairie intervint, et fit l'acquisition d'une autre maison de cette
rue pour loger les folles femmes « repairants à Chauny ».
Il existe dans le Cartulaire de la ville et dans les Archives communales
de Chauny des lettres et une ordonnance du duc Louis d'Orléans relatives
à cette affaire.
Au XVII
e siècle cette rue fut appelée
des Minimes ;
lorsque ces religieux vinrent installer, en
1618, leur couvent dans un assez vaste terrain compris entre la rue Victimée
(partie de la rue de la Paix) et le bastion du Roi qui fut dès lors
dénommé bastion des Minimes. Le bâtiment principal de
ce couvent était encore occupé par la gendarmerie en 1914.
A cette époque cette petite voie était dénommée
rue de la Prison, de la maison d'arrêt de la gendarmerie qui
y était édifiée. Elle a été supprimée
après la guerre, mais un tronçon est encore existant.
Godelen
(rue) ; conduisait de la place du Brouage au pont des Vaches. Jusqu'à
la fin du XVI
e siècle elle était bornée à
l'est par le cimetière de l'église Saint-Martin primitivement
établie dans le voisinage. Le cours d'eau du Brouage qui passe au
pont des Vaches -- ainsi nommé parce qu'il servait de passage aux
bestiaux que l'on menait paître dans les prairies du Bailly -- servait,
aux XV
e et XVI
e siècles, à porter par
bateau le blé aux moulins, et les matériaux de construction
destinés aux réparations de l'église Saint-Martin. Ce
pont, rompu en 1650, fut provisoirement reconstruit un peu plus loin. Cette
rue qui portait le nom de la famille de Godelent, y habitant déjà
au XIII
e siècle, fut dénommée aussi
rue
du Tambourin, puis
rue Des forges de Vassens.
Desforges de Vassens était une famille anoblie en
1661 pour la part brillante qu'elle avait prise à la défense
de Guise assiégée par les Espagnols. Plusieurs de ses membres
furent seigneurs de Beaumé et de Vassens au XVIII
e
siècle et quelques-uns habitèrent Chauny, rue Hamoise,
dans la maison qui portait encore en 1914 sur son pignon la date de 1671.
Le 7 mai 1741 eut lieu à Chauny le mariage d'Hippolyte Thimothée
Desforges, seigneur de Beaumé, fils de feu Charles François
Desforges, lieutenant civil et criminel au bailliage de Ribemont, seigneur
en partie de Lavaqueresse, et de Madeleine de Langellerie, avec Marie-Marguerite-Gabrielle
Souaille de Chamoreau, qui décéda le 8 juin 1786.
Aimé-Cyr-Marcellin Desforges de Vassens, né le 11
janvier 1787, entra au service des armées à 15 ans, assista
à la bataille d'Austerlitz ; deux fois cité à l'ordre
du jour de l'armée, il fut décoré le 12 octobre 1812
à Moscou par Napoléon I
er. Blessé à
Koenisberg, fait prisonnier par les Russes, rentré en France, il
fut à Waterloo ; il défendit La Fère en 1814 ; capitaine
d'artillerie et commandant le fort de Ham en 1830, il prenait sa retraite
six ans après. Adjoint, puis maire de Chauny, il mourut le 9 août
1875.
Grand-Marais-Goyau
ou
Goyer-Marais ou
du Berger (ruelle du) ; vieux
chemin, qui n'est plus qu'un sentier conduisant du faubourg du Pissot à
la fontaine du Bouillon, rue des Oeuvres de Chine. Cette fontaine passait
autrefois pour marquer l'abondance ou la disette du blé, par l'augmentation
ou la diminution de ses eaux, présage qui doit remonter aux temps
les plus reculés.
Le Goyer-Marais était un arrière-fief possédé
en 1609 par Madeleine Grouchet, veuve de Jean du Jay. En 1659 une sentence
valida la saisie de ce fief.
Jean du Jay fut élu maire en 1580, 1582, 1584, 1586 et 1589
; son amour pour la patrie et sa sagesse le rendant nécessaire
à l'Etat, il fut continué par ordre du roi de 1590 à
1593 ; il fut aussi secrétaire du roi.
Hamoise
(rue) ; connue de toute ancienneté, cette rue conduisait de la
place de l'Hôtel de Ville à l'avenue de Selaine ; elle était
autrefois fermée par les remparts ; une simple poterne, praticable
seulement pour les piétons donnait accès sur la route de
Ham et de Saint-Quentin, après avoir contourné le bastion
de Genlis
Devant la poterne était érigé un calvaire,
et près de là un moulin à huile tournant à
vent (XV
e siècle).
Aux XV
e et XVI
e siècles cette rue
était habitée par la plupart des familles riches de Chauny.
Elle avait encore en partie conservé ce privilège jusqu'en
1914. C'est la
rue de la Liberté actuelle.
En 1914 on y remarquait encore quelques habitations du XVII
e
siècle ayant appartenu à la famille Souaille qui a donné
plusieurs magistrats à la ville. L'une d'elles portait sur son pignon
la date de 1676 et un singe (emblème et surnom des Chaunois) sculpté
sur une de ses cheminées ; une autre située à l'intersection
des rues Hamoise et Charles Brunette ne fut abattue qu'au commencement
de l'année 1925. Ainsi disparaissait le dernier des curieux spécimens
de l'architecture civile de la moitié du XVII
e siècle
que nous possédions encore à Chauny.
Hangest
(rue d') ; du nom des de Hangest, seigneurs de Genlis, dont l'un, François
de Hangest, fut gouverneur de Chauny en 1560. Cette rue conduit de la
rue de Paris à là rue Aristide-Briand. Au croisement de cette
rue avec celle dénommée Vieille du Brouage, s'élevait
la porte d'Hangest, de Noyon ou de Saint-Martin.
Construite vers la moitié du XIV
e siècle
par ordre de Philippe de France, duc d'Orléans, seigneur de Chauny,
la porte de Hangest, surmontée d'un pavillon servant de logement,
renfermait dans sa partie intérieure une pièce destinée
au gardien et aux bourgeois chargés à tour de rôle
de sa surveillance. Cette porte a disparu à la suite des travaux
entrepris vers l'année 1761, pour la création d'une promenade
dite de
l'Esplanade qui, agrandie considérablement, est devenue
la place Bouzier.
Un bail fut consenti par jean de Hangest, seigneur de « Genli
et de Maigny » (Genlis et Guiscard) aux maire et jurés de
Chauny de « la demeure de la porte de ladicte ville de Chauny au lez
devers Saint-Martin, nommée la porte de Hangest » qui dépendait
du « chastel et terre de Genli ».
Juifs
(rue des) ; c'était une des plus anciennes et importantes rues
de Chauny. Elle s'ouvrait sur la rue du Pont-Royal et était fermée
vers l'ouest par les remparts Saint-Martin. Cette rue fut prolongée
par le percement des remparts au commencement du XVIII
e siècle.
La rue des Juifs nous conserve le souvenir des familles de race juive qui
habitèrent Chauny au moyen âge. Cette voie leur avait été
assignée comme lieu d'habitat, pour vivre isolées du reste
de la population. Il ne pouvait s'y trouver plus de quatre familles israélites.
Ce nombre ayant été surpassé, le roi Philippe le Hardi
ordonna d'expulser les familles qui se trouvaient en surplus (1275).
A Chauny, comme partout ailleurs à cette époque,
les Juifs furent l'objet de mesures arbitraires et violentes ; de nombreuses
ordonnances les concernant s'échelonnent depuis Philippe Auguste
jusqu'à Jean le Bon.
On voyait dans cette rue plusieurs maisons ou hôtels ayant
des enseignes particulières En 1914 on y remarquait encore quelques
habitations anciennes dont une portait la date de 1575.
Lorsque le couvent de Sainte-Claire ou des Cordelières autrefois
dans le faubourg Saint-Martin fut transporté dans la rue des Juifs,
cette rue prit alors le nom de
rue des Religieuses dénomination
qu'elle conserva jusqu'à la Révolution, appelée
alors
rue de la Vérité, puis
rue de Noyon ,
depuis 1928 elle est devenue
rue de Paris.
Marché
(place du) ; la
place du Marché ou
Grande place occupait
à peu près le centre de l'ancienne ville ; elle a été
agrandie à différentes époques pour devenir ce qu'elle
est aujourd'hui, une place de grandes dimensions dénommée
place de l'Hôtel de Ville. On la nommait le
Marché,
« le Marchiet de Chauny emprès l'ostel-dieu » en 1403,
« le marquiet ». Malgré sa dénomination de
Grande
Place, c'était alors une place de dimensions bien restreintes,
située entre le refuge de la place actuelle et la rue de la République.
Au commencement du XV
e siècle cette place était
comprise entre la rue du Blocq, ancienne partie de la rue du Pont-Royal
-- près de l'Hôtel-Dieu, lequel servit plus tard de maison
commune et fut démoli vers 1879 --, les fossés du château-fort
qui s'avançaient jusqu'au milieu de la place actuelle. A l'est, à
l'emplacement du Palais de Justice actuel, se trouvait le pont-levis des
Cordiers, devant sa dénomination à une famille Le Cordier.
De ce côté se tenaient des échopes proches une croix
édifiée sur la place près des fossés, et quelques
maisons d'habitation.
Du côté ouest s'élevaient aussi quelques maisons
dont une en 1450, faisant le coin du marché, appartenait à
Jean Courdel. Cette maison avoisinait un puits creusé devant la maison
de
l'essequié (l'Echiquier) existante encore sous ce nom
en 1563 ; elle appartenait alors, ainsi qu'un terrain voisin, à
M. Louis de Moy de Gomeron, gouverneur de Ham de 1585 à 1598. Ce
fut sur ce terrain que fut commencée en 1570 la construction de
l'église Saint-Martin, détruite en 1917.
En septembre 1414, à I'occasion de la reconstruction des
fortifications de la ville, une fête fut donnée sur la place
du Marché
; en présence de M. de Guyenne et du duc Charles
d'Orléans, un bateleur chaunois du nom de Mathieu, dit
L'Ecureuil,
et ses trois enfants, exécutèrent des tours d'adresse.
C'est en effet sur cette place que les célèbres bateleurs
chaunois et les frères de la Passion donnaient des spectacles.
C'est encore en cet endroit de la ville qu'on allumait les feux appelés
Brandons, autour desquels on dansait, et que des réjouissances
publiques étaient données à l'occasion de l'élection
du mayeur et des échevins qui avait lieu chaque année le
jour de la Saint-Jean. Aussitôt l'élection terminée,
le nouveau mayeur se transportait sur la place, précédé
de la musique et des valets de ville, portant des torches allumées,
suivi des jurés et des échevins qui lui formaient cortège.
La foule garnissait cette place, au centre de laquelle s'élevait
un immense bûcher. Là, le nouveau mayeur prononçait
le serment, puis la cérémonie se terminait par le feu de joie
auquel on donnait le nom de feu de la Saint-Jean.
C'est en 1431 que se passa, aux abords de la place du Marché,
le fait le plus curieux et le plus émouvant de l'histoire de Chauny
: la prise et la destruction du château-fort par les Chaunois (voir
rue de la Basse cour du Château).
Après cette destruction, le côté nord
de la place commença à être bâti, des nouvelles
voies, dont la rue de Clèves, furent percées ; on employa
les débris du château à construire des maisons d'habitation.
En bordure de la rue de Clèves et de la place du Marché
était édifiée la « Maison d'Orléans »
et dans laquelle habita quelques années, Marie de Clèves (voir
rue de Clèves). Le 10 novembre 1480,
vers le milieu de l'après-midi, Marie de Clèves, de son
balcon regardait défiler sur la place du Marché un brillant
cortège accompagnant le prévôt de la confrérie
de Saint-Martin, nouvellement élu. Celui-ci se rendait place du
Brouage recevoir l'investiture dans l'église de son patron.
Le séjour de Chauny plaisait beaucoup à cette princesse
qui mourut dans cette maison en 1487. A en juger par un inventaire fait
à Chauny au mois de juillet de cette année et qui se trouve
à la Bibliothèque Nationale, l'ameublement de la « Maison
d'Orléans » était des plus riches.
Marie de Clèves, pour favoriser l'établissement à
Chauny des religieux de Sainte-Croix, leur fît don de cette maison,
le 26 Juillet 1485.
La place du Marché était aussi le lieu des exécutions
publiques. En 1485, plusieurs femmes accusées de sorcellerie y
furent fustigées et flétries d'une fleur de lys aux deux
joues. L'année suivante, trois brigands de grands chemins y étaient
décapités.
Vers cette époque Charles VIII visitait Chauny ; ayant pénétré
par la porte Hamoise, le roi traversa la place du Marché et parcourut
la ville jusqu'à l'église Notre-Dame, acclamé par
tout le peuple.
Un siècle après la destruction du château-fort,
des débris de celui-ci servirent encore à la construction
de l'Auditoire Royal, comprenant une salle où se rendaient la Justice
et la Chambre du Conseil, une pièce pour garder les titres du domaine,
une autre réservée aux notaires, un grenier pour resserrer
les blés du roi et une prison. Construit en 1534 avec la permission
de François 1
er, brûlé en partie en 1552
par la reine de Hongrie, Marie d'Autriche, il fut entièrement détruit
par les Espagnols en 1557. Rebâti en 1566, il existait encore au
XVIII
e siècle, à l'emplacement de la partie gauche
de la façade de l'Hôtel de Ville actuel.
C'est le lundi 5 octobre 1609 qu'eut lieu en l'Auditoire Royal
la rédaction et réformation de la coutume de Chauny en présence
d'un grand nombre de seigneurs, d'ecclésiastiques, de magistrats,
de manants et d'habitants venus de tous les lieux ressortissant au bailliage
de Chauny.
Au cours du fameux siège de Chauny en juillet 1652 par les
Espagnols, 2 à 3.000 de ceux-ci ayant réussi à pénétrer
dans la ville par les casemates et les bastions du Roi et de Genlis,
ravagèrent les couvents de Sainte-Croix et des Minimes et les
maisons voisines de la place du Marché.
Sous la Révolution la place du Marché prit le nom
de
place de la Liberté. Le 20 décembre 1793 on y planta
un arbre de la Liberté, ce qui donna lieu à de grandes réjouissances
publiques.
Moulins
(rue des) ; ainsi appelée parce qu'elle conduisait aux moulins
du Brouage, cette rue s'ouvre près de l'Institution Saint-Charles
et conduit vers la fontaine du Réculy et les prairies d'Ognes. Cette
voie était connue au XVIII
e siècle sous le nom
de
Chemin de Chauny à Ognes. Ces moulins, appelés
vieux moulins pour les distinguer de ceux nommés
moulins
neufs ou moulins de Saint-Lazare, furent créés au-delà
du XII
e siècle.
En 1170, Philippe d'Alsace, comte de Flandre, seigneur de Chauny,
les donna aux chanoines de Saint-Eloi-Fontaine, qui les ont conservés
jusqu'à la Révolution. Ils avaient dans leur dépendance
une certaine étendue de territoire appelée ban ; dans les
limites de cette circonscription, nul ne pouvait établir un moulin
sans une permission des propriétaires des Vieux Moulins.
Les hommes qui habitaient dans le ban ne pouvaient se dispenser
d'aller moudre leur blé à ces moulins. Cependant, d'après
une charte de 1213, les habitants de Chauny pouvaient moudre et cuire
où bon leur semblait.
Ces moulins furent ruinés par les guerres du XIV
e
siècle, par les Espagnols en 1557, qui eurent en vue non point de
fortifier cette ville pour attendre le canon, dit de Rabutin, mais pour
y avoir une fort grande aisance des meilleurs moulins qui étaient
sur la rivière. Ravagés par les troupes du prince d'Orange en
1569, ces moulins sont incendiés dans la nuit du 18 mai 1654. A cette
dernière époque, Chauny et ses environs servirent pendant plusieurs
années de campement aux armées de Louis XIV ; les commissaires
des vivres s emparaient des moulins et y faisaient moudre « les bleds
sans payer aucune récompense et empêchaient les habitants d'y
moudre les leurs ».
Les Vieux Moulins, réputés et fort vantés
dans le pays, disent les enquêtes d'alors, rapportaient plus de
profit en temps de guerre qu'en temps de paix : « Il n'y avait aucun
meunier qui en fût sortie gueux ».
La rue des Moulins est devenue
rue Camille-Desmoulins, depuis
1928.
Navoirs
prolongée (rue des) ; cette rue, latérale
à la voie du chemin de fer, était le prolongement de la
rue
des Navoirs, appelée jadis du
Navoir ou
Navoy, et
qui s'ouvrait autrefois dans la rue de la Chaussée entre les maisons
portant les numéros 119-121.
Les
navoirs, de
navis, autrefois divisés en
Petits et
Grands Navoirs, s'étendaient de l'emplacement
de la gare près de laquelle existait une
rue des Marais devenue
rue Desmarest, jusqu'au promontoire sur lequel est bâti Sinceny
Ce sont des prairies marécageuses baignées par l'Oise et
situées sur les deux rives de cette rivière. Il en existe
encore une grande partie. Elles défendaient de ce côté
l'approche du Chauny primitif.
Les Navoirs ont été donnés à la ville
par Philippe le Bel, au mois de juillet 1290, à la charge de réparer
et d'entretenir les routes et les ponts. En novembre 1595, le roi Henri
IV donnait aux habitants de Chauny une portion de prairie dans les Navoirs,
provenant du redressement du cours de 1'Oise. En 1766 ces prairies contenaient
environ 100 arpents et étaient louées 3.700 livres.
La rue des Navoirs existe encore sous ce nom, celle des Navoirs
prolongée est, depuis 1928, dénommée
rue Géo-Lufbéry.
Notre-Dame
(rue) ; commence à la Chaussée pour aboutir à la
rue Jean de La Fontaine, et passe au midi de l'église Notre-Dame.
Au X
e siècle, époque à laquelle
Chauny apparaît dans l'Histoire, existait déjà une
église Notre-Dame dont la fondation est restée inconnue.
Elle était édifiée sur l'emplacement même ou
dans le voisinage immédiat de celle reconstruite après la
guerre, là où fut le berceau de notre cité.
Cent ans plus tard, l'église Notre-Dame ou Sainte-Marie,
était une collégiale de chanoines réguliers ; elle.devint
abbatiale vers l'an 1120. L'abbaye de Chauny fut transférée
en 1139 à Saint-Eloi-Fontaine (Commenchon) ; Notre-Dame devint alors
prieurale et elle resta dans cet état jusqu'au XIV
e siècle.
Vers l'an 1367, l'église Notre-Dame fut fortifiée
; ruinée en 1476, on ne la reconstruisit qu'en 1525 ; mais les habitants
assistèrent trois fois à sa destruction dans l'espace de
60 ans, en 1552, 1557, 1575 ; elle fut autant de fois reconstruite. Au
commencement du XVII
e siècle, grâce aux libéralités
de quelques notables de la ville et aux aumônes recueillies à
Noyon, à Reims et même à Paris, on put, une fois de
plus, commencer la reconstruction de Notre-Dame. La seule partie qui subsistait
de l'ancien édifice était une tour en grès bâtie
en 1210, qui servit de beffroi à la commune naissante de Chauny ;
en effet en juin 1210, Simon, abbé de Notre-Dame, reconnaissait que
la cloche qui se trouve dans la tour neuve de cette église était
celle de la commune, et permettait de l'employer pour tous usages, à
condition que la sonnerie ne troublera pas l'office divin ; un clocher
en bois, construit en 1602, le surmontait ; il fut abattu en 1794. Le clocher
qui remplaça cette tour était moderne, il datait de 1859.
Notre-Dame conserva pendant longtemps les ossements de saint Momble,
qui furent l'objet de la vénération du peuple. Un inventaire,
dressé en 1576, fait encore mention de l'existence du chef de ce
saint, second patron de l'église Notre-Dame et patron de Chauny.
En 1672 un
Te Deum fut chanté dans cette église à
l'occasion de la victoire navale remportée par Duquesne sur les flottes
espagnole et hollandaise.
Cette église fut supprimée sous la Révolution
et servit de salpêtrière ; rendue au culte en 1803, la fabrique
en était supprimée en 1808. Ce fut seulement le 14 décembre
1828, qu'en vertu d'une ordonnance royale, Notre-Dame fut érigée
en succursale.
Obélisque
(rue de l') ; ouverte en 1761 sur l'emplacement des anciens remparts
Saint-Martin qui fermaient la ville à l'ouest, cette voie fait maintenant
partie de la rue Aristide Briand ; elle conduisait de la rue de Noyon
à la rue de l'Arquebuse, à l'endroit appelé jadis
place
de l'Obélisque. Son nom lui avait été donné
à la suite de l'érection, en 1790, d'un pyramide ou obélisque,
de cinq mètres de hauteur ; cet obélisque fut remplacé
en 1825 par un autre, élevé en mémoire du sacre du
roi de France ; ce deuxième obélisque a été
démoli en 1854.
Le premier obélisque fut érigé en signe de
remerciements aux patriotes chaunois pour l'accueil enthousiaste fait à
l'Assemblée électorale qui se tint en mai 1790 dans l'église
Saint-Martin pour le choix du chef-lieu du département de l'Aisne,
C'est dans cette assemblée où il y eut tumultes, cabales
et intrigues, que Saint-Just, qui devait devenir célèbre comme
Conventionnel, fit ses débuts politiques.
Voici quelques extraits d'une lettre qu'il adressa le 3 juin 1790,
à Camille Desmoulins et dans laquelle il relatait son premier succès
politique obtenu à Chauny :
« Si vous étiez moins occupé, j'entrerais dans
quelques détails sur l'assemblée de Chauny où se
sont trouvés des hommes de toutes trempes et de tous calibres.
Malgré ma minorité, j'ai été reçu...
; je suis parti chargé de compliments comme l'âne de reliques,
ayant cependant confiance qu'à la prochaine législature,
je pourrai être des vôtres à l'Assemblée Nationale
».
A la dernière séance de cette assemblée (20
mai) il fut procédé au scrutin. Le résultat, pour
450 votants (sur 645 assistants) donna 411 voix à Laon, contre
37 à Soissons, plus un bulletin blanc et un autre pour l'alternat.
Ce résultat fut annoncé aux habitants de Chauny,
au son des cloches et au bruit du canon, mêlés aux bruyantes
démonstrations de joie des électeurs.
Après la démarcation des districts et des cantons,
c'est à Chauny que se termina l'organisation administrative du
département de l'Aisne.
C'est une belle page de l'histoire de Chauny
Ajoutons que la soeur aînée du Conventionnel Saint-Just,
Louise-Marie, épousa, à 22 ans, Emmanuel-François
Decaisne, notaire, originaire de Saint-Quentin, et qui avait installé
son étude à Blérancourt. En 1829, le notaire décéda
et sa veuve se retira à Chauny, chez l'un de ses fils où elle
s'éteignit, à l'âge de 89 ans, en 1857.
Orléans
(rue d') ; la rue d'Orléans était le prolongement de la
rue des Cailloux vers les anciens remparts du Pissot, à l'Est. Avec
la rue des Cailloux elle était dénommée rue Charles-Brunette
jusqu'en 1928 ; elle prit ensuite le nom de rue de la Paix. Elle s'étendait
de la rue de Clèves aux escaliers des Promenades.
Son nom comme celui de la rue de Clèves consacrait le souvenir
des ducs d'Orléans, seigneurs de Chauny. Nous parlons de ces ducs
à la rubrique rue de Clèves ; nous dirons ici encore quelques
mots du duc Charles d'Orléans et de son épouse Marie de Clèves,
mère de Louis XII, roi de France.
Charles, duc d'Orléans, pour venger la mort de son père
Louis 1
er, assassiné en 1407 par ordre du duc de Bourgogne,
provoqua la sanglante querelle des Armagnacs et des Bourguignons. Puis
il combattit valeureusement à Azincourt, où il fut fait prisonnier.
Emmené en Angleterre, il y resta vingt-cinq ans captif. Pendant
sa captivité, le duc d'Orléans souffrait de ne pouvoir prendre
part ni à la mauvaise, ni à la bonne fortune de sa patrie,
il se consolait en faisant des vers touchants et des complaintes nationales.
Les poésies du duc Charles d'Orléans sont le monument
le plus précieux de notre langue au XV
e siècle,
et cependant elles sont restées longtemps ensevelies dans l'oubli.
L'abbé Sallier est le premier qui ait appelé l'attention sur
ce poète, dans un mémoire lu à l'Académie en
1734.
Ces poésies n'ont été publiées d'une
manière complète qu'en 1842, par M. Aimé Champollion-Figeac.
« Ce qui distingue particulièrement ces poésies, dit
M. Champollion dans l'excellente notice qui précède son
recueil, c'est la délicatesse dans le sentiment, la grâce
dans la pensée, le bon goût dans l'expression, la recherche
dans le style, la variété dans le tour des vers. ».
Nous allons en citer quelques fragments, qu'on ne lira pas sans
intérêt
.
COMPLAINTE, DE FRANCE
1er Couplet.
France, jadis on te soulait nommer
En tout païs, le trésor de noblesse ;
Car un chacun pouvoit en loy trouver
Bonté, honneur, loyauté, gentillesse,
Clergie, sens, courtoisie, proesse :
Tous estrangiers amoient te suir (te suivre, t'imiter).
Et maintenant, voy, dont j'ay desplaisance,
Qu'il te convient maint grief mal soutenir,
Très crestien, franc royaume de France.
BALLADE
1er Couplet.
En regardant vers le païs de France
Ung jour m'avint, à Dovre sur la mer
Qu'il me souvint de la doulce plaisance
Que souloye oùdit païs trouver.
Si commençay de cueur à souspirer,
Combien certes que grant bien me faisait
De voir France, que mon cueur amer (aimer) doit.
AUTRE BALLADE
1er Couplet.
Je fu en fleur, ou (au) temps passé d'enfance,
Et puis après devins fruit en jeunesse ;
Lors m'abaty de l'arbre de Plaisance
Vert et non meur (mûr), Folie, ma maîtresse
:
Et pour ce, la Raison, qui tout redresse
A son plaisir, sans tort et méprison (erreur)
M'a à bon droit, par sa très-grant sagesse,
Mis pour meurir où feurre (1)2
de prison.
Nous terminons ces quelques citations par un fragment d'un rondeau
intitulé : le Renouveau (le printemps), petite pièce
charmante, et dont la grâce moderne ne saurait approcher.
Le temps, a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s'est vestu de broderye
De soleil rayant, cler et beau
Il n'y a beste ne oyseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluye.
Pour payer sa rançon, le duc d'Orléans,
en 1440 vendit Chauny, Condren, Frières et leurs appartenances
au duc de Bourgogne, mais peu après son retour en France rachetait
son domaine. Les deux familles restées ennemies depuis l'assassinat
du premier duc d'Orléans se réconcilièrent. La paix
fut cimentée par le mariage de Charles d'Orléans avec Marie
de Clèves, alors âgée de 15 ans, fille du duc de Bourgogne.
En 1664
3 , à Tours,
le duc Charles d'Orléans voulant justifier le duc de Bretagne qui
venait d'accuser le roi Louis XI, celui-ci répondit à Charles
d'Orléans avec tant de dureté, l'accusant d'intentions criminelles,
que ce prince, alors âgé de soixante-quatorze ans, se retira
tout troublé, tomba malade d'émotion, et mourut le 4 Janvier
1465.
Il avait eu de Marie de Clèves, sa troisième épouse
: 1° Louis duc d'Orléans, devenu roi de France, sous le nom
de Louis XII ; 2° Marie d'Orléans, qui épousa Jean de
Foix, vicomte de Narbonne ; et 3° Anne d'Orléans, qui prit
le voile à quatorze ans et devint abbesse de Fontevrault.
Le goût de la poésie était partagé par
la compagne du duc d'Orléans, Marie de Clèves, mère,
nous le répétons, du roi Louis XII. Ce fut elle sans doute
qui inspira ce goût à son fils, trop jeune quand il perdit
son père, pour pouvoir en recevoir des leçons. Aucun des
biographes de Louis XII n'a fait mention de cette circonstance de sa vie,
qui serait restée encore longtemps ignorée, si M. Champion
n'eût découvert, à la fin d'un manuscrit latin appartenant
à l'ancienne bibliothèque des ducs d'Orléans, à
Blois, un petit poème, composé par le duc Louis d'Orléans,
à l'âge de 10 ans. Sa vie plus agitée et plus sérieusement
occupée que celle de son père, ne lui permit pas sans doute
de cultiver un talent qui, si l'on en juge par l'élégance
d'un fragment que nous citons ci-après, était loin de dégénérer.
LE LIVRE CONTRE TOUT PÉCHÉ, PAR LOUIS XII
(Fragment)
Qui veult à grant honneur venir
Il doit l'amour Dieu acquérir
Car sans icelle moiennent
Nul ne peut faire bonnement
Aucune morale ëuvre
Pour ce pri à la Trinité
Et la dame d'umilité
Qu'ilz me veuillent tel sens donner
Qu'un livre puisse composer
Qui soit d'aucune utilité,
Pourfitant à humanité,
Et l'honneur de Dieu, et prouffit
De celui qui ce livre fit,
Lequel livre est appelé,
Le livre contre tout péché.
Comme nous l'avons déjà mentionné,
Louis XII fut seigneur de Chauny et sa mère, Marie de Clèves,
mourut dans notre ville.
Pissot
(rue du faubourg du) ; Jadis la voie menant de la porte du Pissot, abattue
en 1772, jusqu'à la limite de Viry, portait le nom de rue du Pissot.
Plus tard, à partir de la rue de la Brasserie (rue d'Eure-et-Loir)
et vers la direction de Tergnier, elle prit le nom de rue du faubourg
du Pissot ; c'est un tronçon de la route nationale N° 38
de Chauny à La Fère, construite sous le règne de Louis
XIV.
Le faubourg du Pissot traversé par cette voie doit son nom
à l'abondance de ses eaux, dit le P. Labbé dans son Histoire
de Chaulny. On y voit en effet sur le versant sud du Mont du Calvaire
des sources très abondantes qui grossissent la rivière
du Hélot ou ruisseau de Viry, plus connu à Chauny sous le
nom de « la Rive ».
Ce faubourg appelé Pissot-lez-Chauny en 1422 et Puisseau
sur un plan ancien conservé à la Bibliothèque
Nationale, était autrefois une seigneurie unie à celle de
Senicourt au XVIIe siècle, qui fut possédée
par la maison d'Oignies, maison illustre figurant honorablement dans l'Histoire,
pour passer ensuite dans les mains d'un sieur de Fricamp, puis dans celles
des seigneurs de Genlis.
On avait donné le nom de remparts du Pissot à
ceux qui fermaient la ville, entre la Porte du Pissot, située alors
à l'angle du Palais de Justice actuel du côté du commissariat
de police, et le bastion Sainte-Croix encore existant dans les Promenades
et dont la pointe s'avance vers le jeu de Paume.
Sous la Révolution, une maison Dochez, au Pissot, fut transformée
en prison.
La partie de l'ancienne rue du Pissot comprise entre Viry et la
rue de Senicourt, au Fond Bigand, porte maintenant le nom de rue de
La Fère ; du Fond-Bigand au boulevard Gambetta rue Pasteur.
Pont-Royal
(rue du) ; c'est une des plus anciennes rues de Chauny ; son nom s'appliquait
jusqu'alors à toute la voie comprise entre la place de l'Hôtel
de Ville et le pont sur la rivière du Hélot ou ruisseau de
Viry, d'où son nom de « royal », de « ru »,
à son débouché sur la rue de la Chaussée. Sous
cette dénomination de Pont-Royal, elle se terminait anciennement
aux Boucheries, c'est-à-dire au point où commence la rue
de la Poste ; elle était alors fermée par une porte, celle
de la Chaussée, appelée du Pont-Royal dès 1408, et qui
fut démolie en 1766.
La partie comprise entre la rue Hébert (rue de la Poste)
et la place de l'Hôtel de Ville portait autrefois le nom de «
Blocq » ou « Blocque » parce qu'elle aboutissait aux
fossés du château et qu'à son extrémité
finissait l'enceinte de la ville. Le tronçon porta successivement
les dénominations suivantes : Grande-Rue au XVIe
siècle, rue des Marchands au XVIIe siècle,
et de nouveau en 1872 ; encore rue du Blocq en 1780, rue de
la Réunion en 1793, puis fit partie de la rue du Pont-Royal.
Cette rue, dont le tracé remonte vraisemblablement au XIIe
siècle, lors de la construction du château-fort, est actuellement
dénommée rue de la République.
A l'angle de la rue du Pont-Royal et de la place du Marché
s'élevait l'Hôtel-Dieu bâti au XVIe siècle.
Après les guerres de religion, cet édifice ayant été
épargné, le maire et les jurés en firent la maison commune.
Cet Hôtel de Ville ne fut abattu qu'en 1879 ; c'était un bâtiment
construit en briques et en pierres. Il renfermait des salles voûtées
en ogive, des chapiteaux et des pendentifs intéressants ; il était
surmonté d'un petit dôme en bois dans lequel se trouvaient
cinq cloches dont une était une des plus anciennes de France. Un
cadran solaire avait été posé sur la façade
de cet édifice en 1754 par Louis Minard « fabricateur de quadrans
» qui, pour la construction de cet instrument, avait reçu 8
livres.
Autrefois, parmi les habitations de la rue du Pont-Royal, on remarquait
plusieurs hôtels particuliers parmi lesquels nous citerons : l'Hôtel
au Heaume (1407) ; l'Hôtel au Paon (1402) ; près
des boucheries, l'Hôtel Vrevin, où Louis XIV coucha
la nuit du 28 février 1677 alors qu'il se rendait en Flandre faire
les sièges de Valenciennes et de Cambrai ; sa réception coûta
452 livres à la ville. Louis XIV avait déjà visité
Chauny en 1668.
La maison qui, en 1914, portait le N° 18, construite en bois,
datait de 1577 ; sa façade était couverte d'arabesques. C'était
la plus vieille maison de Chauny -- habitée au XVIe
siècle par la famille Gueullette -- avec celle de la rue de Noyon
(rue de Paris) laquelle portait, gravée dans la pierre, la date
de 1575. Elle fut détruite en février 1917.
Sainte-Croix
(impasse) ; cette impasse a été ouverte dans la deuxième
moitié du XVe siècle sur l'emplacement du château-fort
détruit par les Chaunois en février 1431. Elle doit sa dénomination
à un couvent de Sainte-Croix, occupé anciennement par les
religieux de ce nom. Primitivement établis à Condren (en
mai 1277), ces religieux avaient formé le projet de se retirer à
Chauny. Marie de Clèves, duchesse d'Orléans, dame de Chauny,
favorisa leur projet ; elle leur fit don d'une partie des dépendances
de l'ancien château, et de sa « Maison d'Orléans »
le 26 juillet 1485 ; Me Simon Héron leur donna une autre
maison proche du château et des fossés Sainte-Croix. C'est
donc dans ce lieu que les religieux bâtirent leur couvent et leur
église. Le pape Innocent VIII et l'évêque de Noyon avaient
donné leur consentement. Celui-ci consacra leur église en
l'honneur de Sainte-Croix et bénit le cimetière. Furent enterrés
dans cette église :
Louis 1er de Sorel, seigneur d'Ugny-le-Gay, inhumé
le 5 septembre 18544 ; Mme
de Sorel, femme du comte Louis de Saint-Simon, décédée
le 22 août 1685 ; Nicolas Vaillant, sieur d'Aizecourt, écuyer,
ancien capitaine au régiment de Normandie, connétable des
Arquebusiers de Chauny.
A l'époque où l'on projetait la construction de casernes
à Chauny, l'Intendant de Soissons autorisait Mr de
Théis, son subdélégué à Chauny, à
notifier les ordres du roi approuvant le choix fait d'une maison annexée
au couvent Sainte-Croix pour bâtir le corps des casernes. L'acquisition
de cette maison fut faite par la mairie sans que pour cela le projet reçut
un commencement d'exécution. Bien plus, la ville ne voyant pas
venir le secours promis au nom du roi et dont on l'avait flattée,
abandonna la maison que l'on venait d'acquérir, la revendit et
s'opposa à la continuation d'un octroi sur les boissons qui ruinait
la localité sans profit (1736-1737). Cet octroi devait permettre à
la ville de supprimer une partie des frais de construction.
Le couvent fut supprimé à la Révolution ;
la commission administrative du district de Chauny s'y installa le 10
juin 1790.
En 1828, la communauté des Filles de la Croix acheta l'ancien
couvent de Sainte-Croix, et y transféra son pensionnat alors aux
Minimes. Dispersées après la Grande Guerre, les Filles de
la Croix sollicitèrent en 1924, un avis favorable du Conseil municipal
de Chauny pour la vente à la ville du terrain appartenant à
la communauté. Leur chapelle fut détruite en 1917 ; les murs
est et nord qui entouraient l'ancien couvent sont très anciens
; ils existent encore.
Saint-Eloi
(chemin) ; c'est un chemin qui traverse, au nord de la ville, route
de Noyon vers Viry, le lieudit Saint-Eloi, appelé aussi Arbre
de Saint-Eloi. Cette dénomination lui vient de ce que l'évêque
de Noyon saint Eloi (588-659), se reposait en ce lieu sous un arbre, lorsque,
de Commenchon où il aimait chercher le repos, il allait rendre visite
aux ermites de Condren. Cet arbre, alors situé près du chemin
de Rouez, était encore signalé en 1378, comme étant
de dimensions colossales.
Saint-Martin
(rue) ; anciennement ce nom fut donné à la
rue Victimée qui fait actuellement partie de la rue de la Paix,
entre la rue de la Liberté et la place Bouzier ; ce nom fut également
appliqué à un passage établi en 1657 entre la place
du Marché et l'église Saint-Martin, alors que la rue Saint-Martin
actuelle n'existait pas. Ce passage, disparu aujourd'hui, existait encore
en 1914 mais son accès n'était plus permis. La rue Saint-Martin
actuelle est moderne et conduit de la place de l'Hôtel de Ville à
la rue des Pierres et traverse l'emplacement de l'ancien cimetière
au milieu duquel se dressait un calvaire. L'évêque de Bayeux
et celui de Soissons bénirent ce cimetière en 1571.
Anciennement l'église Saint-Martin était bâtie
dans le faubourg auquel elle avait donné son nom et que l'on nomme
aujourd'hui le Brouage, sur les terrains compris entre les places Bouzier
et du Brouage, les anciennes rues Saint-Momble et de Noyon. Ruinée
plusieurs fois par les guerres civiles et religieuses, il fut décidé
vers l'an 1563 de la reconstruire dans l'intérieur du bourg, à
l'abri des remparts. A cet effet on choisit l'emplacement de la maison
de « I'Echiquier » appartenant à M. de Gomeron, et on
en commença la construction vers l'an 1570 ; les travaux durèrent
70 ans.
Cette église, qui subit au cours des siècles quelques
additions ou modifications est celle que nous connaissions avant 1917,
date de sa destruction. Le roi Louis XIV y entendit la messe le 1er
mars 1677, alors qu'il était de passage à Chauny où
il logea une nuit à l'hôtel de Vrevin, rue du Pont-Royal.
Ce que beaucoup de Chaunois ignorent, c'est que l'église
Saint-Martin servit de lieu de réunion électorale lors de
la première Assemblée représentative du département
de I'Aisne, alors en formation, du 17 au 26 mai 1790 ; plus de 600 électeurs
et députés, venus de tous les points du département,
participèrent à ses travaux (voir rue de l'Obélisque).
C'est donc dans l'église Saint-Martin que fut établie,
après plusieurs séances des plus orageuses, l'organisation
administrative de notre département, et que notamment fut décidé
du choix du chef-lieu que se disputaient Laon et Soissons.
En 1793, les orgues et tout le mobilier furent vendus par l'agent
national, puis l'église fut désaffectée. Rendue au
culte le 16 juin 1803, on lui réunit la paroisse de Notre-Dame.
Par décision épiscopale de 1808, Saint-Martin resta jusqu'en
1828 la seule église paroissiale avec Notre-Dame comme annexe.
Sur les murs de cette église on voyait encore des traces
du fameux siège de 1652 au cours duquel le curé Sagnier «
appointa » sur les Espagnols le canon alors installé sur la
tour de l'église.
La nouvelle église Saint-Martin a été reconstruite
sur l'emplacement de l'ancienne.
Saint-Momble
(rue) ; cette rue, qui conduisait de la place Bouzier à celle
du Brouage, a été ouverte après la démolition
de la première église Saint-Martin vers la fin du XVIe
siècle. On voyait encore en 1729 une croix dite la croix verte
érigée sur l'emplacement que cette église avait
occupé. Cette rue s'appela d'abord rue Tatin ; en 1873 elle
portait déjà le nom de Saint-Momble.
Saint-Momble est le patron de la ville de Chauny. Irlandais
de nationalité, moine de profession, disciple de Fursi, il vint
en France vers l'an 650. Reparti dans le pays des Anglo-Saxons, il revint
bientôt en France, rappelé par Clovis II. Prieur de Lagny qu'il
fuit peu après son arrivée, recherchant la solitude, il s'établit
à Condren où il bâtit un ermitage. Il y mourut en odeur
de sainteté, le 18 novembre 654, selon Coliette, et inhumé
dans le lieu qu'il avait bâti.
Au IXe siècle les évêques de Cambrai
et de Noyon transférèrent le corps du saint dans l'église
paroissiale dédiée à Saint Pierre. Peu de temps
après il fut apporté à Chauny dans l'église
Notre-Dame, en laquelle on lui rendit tant d'honneur que cette église
s'appela aussi église de Saint-Momble. Les saintes reliques, déposées
dans une châsse d'argent, restèrent là jusqu'en 1567
; ce sont les calvinistes qui les dispersèrent. Mais le chef du
saint ayant été retrouvé, dit-on, il fut mis dans
un vase d'argent.
Le martyrologe français de Du Soussay rapporte que le corps
de saint Momble fut porté dans le monastère de Lagny et
de là transporté plus tard à Chauny. Mabillon assure
que de son temps (XVIIe siècle), les reliques de ce
saint étaient conservées dans le couvent de Saint-Eloi-Fontaine
à Commenchon.
Ce serait vers le commencement du XIIe siècle
que le culte de Saint-Momble aurait été introduit à
Notre-Dame de Chauny. Il y avait procession par la ville le 29 août,
jour de sa seconde translation.
La rue Saint-Momble fait maintenant partie de la rue de la Paix,
et le nom du Saint a été donné à l'ancienne
place Verte.
Selaine
(avenue et faubourg de) ; c'est le nom d'un petit vallon situé
au nord de la ville dont les coteaux étaient encore très boisés
au début du Moyen Age ; les parties les moins accidentées
étaient alors incultes et appelées larris ou riez.
Jadis fief noble, c'était au Moyen Age un faubourg fort
grand et bien peuplé, avec une église placée sous
l'invocation de Saint-Hippolyte ; il fut ruiné complètement
pendant les guerres des XVe et XVIe siècles.
Il est traversé par l'ancienne route de Saint-Quentin, dénommée
aujourd'hui route nationale N° 37 de Château-Thierry
à Béthune, qui prit le nom de faubourg de Selaine, il n'y
a pas très longtemps, à partir de la rue Vieille route de
Noyon dans la direction de Genlis. L'avenue de Selaine qui la continuait
jusqu'à la rue Hamoise (rue de la Liberté), fut établie
en 1765 après la démolition de la porte Hamoise et du nivellement
du bastion de Genlis. C'est à cette date que furent créées
les Promenades après une délibération communale
du 21 mai 1765 ; un arrêt du Conseil du roi, rendu à Versailles
le 5 août 1766, homologua la délibération et autorisa
les travaux ; les Nouvelles Promenades, à gauche du commencement
de l'ancienne avenue de Selaine, datent de 1874 ; elles occupent l'emplacement
des anciens remparts, entre le bastion de Genlis et celui des Minimes ou
du Roi.
Le seigneurie de Selaine eut des seigneurs particuliers ; la plus
grande partie en fut donnée en 1212 à l'abbaye Saint-Eloi-Fontaine
; vendue le 15 janvier 1563 à François de Hangest, elle
revint aux religieux de Commenchon qui la cédèrent le 4
février 1577 à Antoinette de Sépoix, dame de Deuillet
et de Villette (Caumont) elle fut enfin restituée de nouveau à
Saint-Eloi-Fontaine par arrêt du Parlement de Paris du 15 mars 1642.
Actuellement l'avenue de Selaine est appelée avenue Victor-Hugo
et le faubourg, rue de Saint-Quentin.
Senicourt
(avenue de) ; Senicourt cité avant Chauny sous le nom de Seneri
curtis en 917, était un hameau qui dépendait autrefois
de la paroisse Saint-Martin de Chauny sous le vocable de Saint-Jean-Baptiste,
auquel le peuple donnait jadis le nom étrange de Saint-Alivergot,
mot qui, dit-on, est celtique et signifie un homme décapité,
allusion au saint Jean-Baptiste. Les religieux de Saint-Corneille de Compiègne,
l'église de Noyon l'abbaye de Saint-Eloi-Fontaine, les Prémontrés,
le roi Saint-Louis, la chapellenie de la Gésine de Noyon, y possédèrent
des biens.
Le faubourg de ce nom était autrefois formé en grande
partie de terrains marécageux ; c'était un fief noble qui
eut des seigneurs particuliers. Le roi Saint-Louis y fit quelques acquisitions
en 1266. Avec Viry-Noureuil il ne forma qu'un seul fief sous le nom de Le
Sart ; il fit partie du marquisat de Genlis en 1645.
L'avenue de Senicourt est moderne elle a reçu, en 1928,
la nouvelle dénomination de Jean-Jaurès.
Soissons
(rue du faubourg de) ; établie sur un ancien chemin gaulois,
devenu route nationale N° 37 de Château-Thierry à
Béthune, cette rue conduisait du canal à la limite de Sinceny-Autreville
; c'était une prolongation de la Chaussée. En son milieu, sur
la droite en direction de Coucy, et près du pont Saint-Claude, se
dressait jadis un calvaire, face à une pièce de terre appartenant
à la communauté de Sinceny-Autreville, pièce qui se
trouvait située au nord du fief Girandelle.
Près de cet endroit, à gauche de la route, fut édifiée
une chapelle dont la bénédiction eut lieu le 21 octobre
1865 par Mgr Jean Jules Dours, évêque de Soissons et Laon.
Cette chapelle, détruite en 1917, n'a pas été reconstruite.
Depuis la guerre, le tracé de cette rue dénommée
maintenant rue de Soissons, a été légèrement
reporté vers l'ouest.
C'est en bordure de cette voie que se dressent les immenses usines
de la Société de Saint-Gobain : la Soudière et
avant la guerre la Glacerie.
Dans la première moitié du XVIe siècle,
Marie de Luxembourg -- qui fut dame de Chauny -- établit à
Saint-Gobain une importante verrerie qui a donné naissance à
la Manufacture des Glaces de Saint-Gobain et de Chauny, d'une renommée
universelle et dont le formidable développement fit tant pour la
prospérité et le bien-être de la région, et en
particulier de la ville de Chauny.
Pour s'exonérer du tribut que la France payait à
Venise qui, protégée par la mode, avait pour ainsi dire
le monopole de la miroiterie, le ministre Colbert organisa une société
qui, placée sous les ordres de Nicolas Du Noyer, s'ouvrit en 1665 dans
le faubourg Saint-Antoine à Paris sous le titre de Manufacture
des glaces de miroirs par les ouvriers de Venise. Le mauvais vouloir
des ouvriers vénitiens obligea Colbert, à transporter une
partie de la fabrication à Tourlaville, près de Cherbourg,
dirigée par Richard Lucas de Néhou. Celui-ci mourut en 1675,
et son neveu Louis transporta en 1692 l'établissement de Paris à
Saint-Gobain. Là, il inventa le mode de coulage du verre qui permet
pour ainsi dire d'obtenir des glaces d'une grandeur indéterminée.
Par suite d'une rivalité survenue entre les établissements
de Saint-Gobain et de Tourlaville, il intervint en 1695 des lettres patentes
par lesquelles le roi Louis XIV « voulant conserver dans le royaume
une entreprise aussi importante et empêcher de s'établir
dans les états voisins arrêtait : qu'il n'y aurait plus en
France qu'une seule et unique manufacture de glaces, et que ce serait
celle de Saint-Gobain ».
La glacerie de Chauny était le complément de celle
de Saint-Gobain. Le 'point de départ de cet établissement
grandiose a été un simple magasin de dépôt de
glaces coulées à Saint-Gobain et amenées à
Chauny, à proximité de la rivière et du canal qui en
facilitaient le transport. Ce magasin existait avant l'an 1703, au lieu
encore appelé, en 1914, Square Saint-Médard.
D'abord polies à Paris, on pensa à faire exécuter
ce travail à Chauny. Ce fut pour donner suite à ce projet
que les premières machines hydrauliques à polir furent créées
à Chauny, en 1800, sur la chute d'un moulin, sur des terrains
achetés en 1796 -- et montées dans les ateliers qu'on nommait
encore en 1914, le Vieux Poli.
Détruite pendant la guerre, la Glacerie de Chauny a
été transférée à Thourotte, près
Compiègne.
En 1816 la Soudière de Saint-Gobain, pour ne plus être
tributaire des soudes d'Espagne, fonda une soudière dans l'ancienne
verrerie de Charlesfontaines située à trois kilomètres
de Saint-Gobain. Par ordonnance royale du 12 mars 1822, la Manufacture
des glaces de Saint-Gobain fut autorisée à transférer
son établissement de soude de Charlesfontaines à Chauny. Cette
soudière est devenue la première fabrique de produits chimiques
de France, au développement de laquelle les savants Gay-Lussac et
Pelouze ont concouru.
La Soudière était en 1914 une immense réunion
de bâtiments couvrant un espace de 44 hectares ; elle occupait
alors 1.500 ouvriers. Le tonnage annuel de sa production et sa qualité
lui assuraient une prééminence qu'aucune usine européenne,
même allemande, n'était en mesure de lui disputer.
En 1921 elle a été reconstruite sur une plus vaste
échelle et sur un plan nouveau.
Vieille
route de Noyon (rue) ; cette rue était ainsi
dénommée parce qu'elle fut autrefois la route qui conduisait
de Noyon vers La Fère ; elle commençait à la rue d'Ugny,
passait au nord de la ville au-dessus du Pissot et rejoignait la route
nationale N° 38 à la limite de Viry. Cette chaussée, très
ancienne, passait à Condren, Viry, au nord de Chauny où
elle se nommait chemin de Saint-Momble et un peu plus loin la voie
palée, de pal, pieu. De Chauny cette route rejoignait
le grand chemin de Chauny à Noyon, à l'Arbre à l'image
près de la fontaine du Réculi, passait au-dessus du Moulin-Chevreux
où l'on retrouve encore sa trace, forme au sud les limites de Neuflieux,
de Caillouël et de Crépigny et de là gagnait Baboeuf
et Salency pour aboutir à Noyon.
Elle porta le nom de route de Noyon à Guise et plus
anciennement callis regius au XIIe siècle, puis
cauchie de Chauny
Ce vieux chemin a été remplacé sous le
règne de Louis XIV par la route nationale N° 38, appelée
en 1788 route de Paris à Chauny
Du Pissot au boulevard Victor Hugo cette rue a reçu
depuis 1928 le nom d'Ernest Renan et de là jusqu'à
la rue d'Ugny, celui de Journel.
Lorsqu'en 1667, la reine Marie-Thérèse se rendant
à La Fère traversa Chauny par la Vieille route de Noyon, la
ville lui offrit des confitures sèches, des tartes glacées,
de l'hypocras, des limonades.
*
**
Là s'arrêtent nos investigations sur Chauny,
et nous terminons ainsi l'examen des souvenirs historiques qui lui sont
attribués. Nous pensons avoir fidèlement formé un
tableau remémoratif de ces souvenirs provenant de faits vécus
confirmés par les événements. Certes, comme nous
l'avons déjà exprimé, beaucoup d'autres faits nous
échappent, tant il en fut aussi qui furent anéantis par les
malheureuses et trop nombreuses circonstances guerrières. Hélas
! s'il faut évoquer les invasions dont la France du Nord-Est a été
le théâtre, au cours des siècles, cela nous met dans
l'obligation de rappeler que Laon a été assiégé
soixante fois, depuis l'époque de César ; Soissons, une quarantaine
de fois ; Chauny a été quatre-vingt-dix fois le théâtre
de batailles, de sièges, et fut dévasté par les Allemands
en 1917.
1 (1) Un vétéran.
2 (1) Paille ou foin sur lequel on met les fruits
pour les faire mûrir.
3 Sans doute : 1464 ?
4 Sans doute : 1654 ?