LA RECONSTRUCTION DE BICHANCOURT-MARIZELLE
APRES 1918
La grosse commune de Bichancourt, voisine de la ville de Chauny, se répartit en deux quartiers : le premier, qui formait l'ancienne commune, comprend une population composée en majeure partie d'agriculteurs et d'ouvriers agricoles ; le second, situé à 800 mètres du premier, sur la route de Chauny à Coucy-le-Château par Blérancourt, possède une population plus importante, constituée principalement par des ouvriers et des retraités d'usine. C'est le quartier nouveau, appelé Marizelle. Située dans le canton de Coucy-le-Château, Bichancourt-Marizelle comptait, avant la guerre, 994 habitants ; cette commune n'en a plus que 773. Le départ de la Glacerie de Saint-Gobain, transportée à Thourotte (Oise), n'est pas étranger à ce fléchissement de la population. Ce bourg a été presque totalement détruit par les Allemands. Trente-neuf de ses fils sont tombés au champ d'honneur et onze civils sont morts en captivité pour la France. Bichancourt tint à honorer leur mémoire en leur élevant un monument qui a été inauguré le 18 avril 1926 en même temps que la mairie et les deux écoles, dont une nouvelle construite à Marizelle. Dès le début de la reconstitution, une seule Coopérative a été fondée, le 17 juin 1919, dans la commune ; elle se composait de 137 adhérents. Cette Société ayant été violemment critiquée par un habitant, qui nourrissait une rancune personnelle contre le Conseil d'administration, un certain nombre d'adhérents, émus par ces attaques, crurent devoir saisir l'occasion que leur offrait la refonte de la Société, lors de l'application de la loi du 15 août 1920, pour reprendre leur liberté. Toutefois, 87 adhérents demeurèrent fidèles à leurs engagements et la Société fut reconstituée. Un petit nombre de démissionnaires se groupèrent en une seconde Coopérative, qui prit le nom de : « les Petits de Bichancourt », par opposition avec l'autre Société composée d'un plus grand nombre d'adhérents. Cette seconde Société fut présidée par M. Cosson, qui devait être élu maire quelques années plus tard. Ce dernier d'ailleurs adhérait également à la première Société. Aussi, pour éviter toute arrière-pensée de concurrence déloyale et injustifiée dans la répartition des ressources de l'Etat entre les deux Sociétés, le Consortium prit la sage initiative de faire élire trésorier de la première Société le président de la seconde Coopérative, M. Cosson. Ayant la signature des chèques, il pouvait ainsi contrôler les ressources des deux Sociétés. Malheureusement dans cette aventure, quelques sinistrés, incapables de se tirer seuls d'affaires, et mal ou insuffisamment conseillés, ne se préoccupèrent pas de leurs dossiers de dommages de guerre, dont ils avaient retiré la délégation à la première Société. Ils perdirent, de ce fait, tout droit à indemnisé sur dommages de guerre et furent ruinés. La première Société coopérative, fondée le 17 juin 1919 , fut présidée, dès sa création, par M Nestor Rémont, maire de Bichancourt. Il devait reprendre la présidence de la Société reconstituée et la conduire, jusqu'à sa liquidation, avec une énergie, une ténacité et un dévouement d'autant plus dignes d'éloges qu'il fut âprement attaqué. Au cours de la reconstruction, la Société perdit, le 15 octobre 1926, son secrétaire, M. Leclerc, médaillé du travail, ancien retraité d'usine, conseiller municipal et secrétaire de la mairie. Il été la bonne cheville ouvrière de la Société depuis le début, ne ménageant jamais sa peine. Il fut très regretté. Puis, M. Labruyère, vice-président, ancien conseiller municipal, succomba, le 29 mars 1928, après une existence de labeur et de dévouement. Le Conseil d'administration, qui conduisit à bonne fin la reconstruction assignée à la Coopérative et sut mériter la confiance des associés adhérents, par le renouvellement, chaque année, de leur mandat, se composait des administrateurs ci-après :
La comptabilité a été tenue par le Consortium. Après sa reconstitution, la Société groupa 87 adhérents pour un montant total de dommages délégués s'élevant à la somme de 10.935.361 fr. 73. Les travaux ont été dirigés par les architectes du Consortium : MM. Bigot, Guidetti frères et Portier, avec, comme délégué local, M. Marcello, architecte adjoint, demeurant à Quierzy, siège de son bureau. Les entrepreneurs généraux qui se sont succédés sont : M. Chouard, du 1 er septembre 1920 au 1 er mai 1921 ; Loiseau, Moulinet et Cie, du 1 er mai au 1 er juillet 1925 ; Mescle Victor, du 1 er juillet 1925 à la dissolution de la Société. Avant l'arrivée de M. Mescle, dont les travaux ne donnèrent jamais lieu à la moindre observation, les autres entrepreneurs, desservis par des contremaîtres et des gérants insuffisants, avaient dû se retirer. Les entrepreneurs ont consenti à la Société une ristourne de 6 % pour lui permettre l'achat de dommages de guerre en vue de faire face aux frais d'emprunt. La Société s'est affiliée, dès sa fondation, au Consortium du Bas-Canton de Coucy-le-Château.
COMPTES DE LA RECONSTRUCTION
RecettesLes fonds reçus de l'Etat et des particuliers se répartissent de la façon suivante :
EmpruntsLes fonds provenant des emprunts, auxquels participa la Société coopérative, ont donné lieu à des réductions pour frais d'émission qui varièrent selon l'état du marché des valeurs. Ces frais étaient à la charge des sinistrés. Ils ont été couverts grâce à des achats de dommages de guerre effectués par le Consortium qui a pu ainsi reconstituer intégralement les biens détruits des sinistrés adhérents sans qu'ils aient eu à supporter une charge quelconque. Les frais de ces opérations se répartissent ainsi que suit :
DépensesLes sommes encaissées ont été affectées aux paiements ci-après :
Immeubles reconstruitsLes dépenses ainsi effectuées ont permis de réaliser la reconstruction de 407 immeubles divers sur un total de 725 bâtiments existant avant la guerre. Les travaux se répartissent de la manière suivante :
Avant la guerre, la commune de Bichancourt ne possédait qu'une école. Devant la destruction totale de celle-ci, la commune, aidée par la Coopérative et par le Consortium, fit édifier deux écoles, l'une à Bichancourt, l'autre à Marizelle, afin d'éviter aux enfants de ce dernier quartier, quatre fois par jour, le long trajet de Marizelle à Bichancourt et vice-versa. Cette seconde construction n'a rien coûté à la commune. Ces écoles et la mairie ont été inaugurées, solennellement, le 18 avril 1926 . Ces bâtiments communaux avaient été mis en service le 1er octobre 1925 . Les indemnités de l'église avaient été également déléguées à la Société coopérative. En raison des facilités de paiement que l'on pouvait trouver auprès de la Coopérative diocésaine des églises dévastées, la Coopérative consentit au transfert à cette dernière Société du dommage de l'église. Des difficultés de toutes sortes, néanmoins, ne tardèrent pas à surgir, risquant de compromettre cette reconstruction. Il en est fait mention dans le chapitre consacré à la reconstitution du domaine cultuel. Frais d'administration et liquidationLes frais d'administration, qui se sont élevés à la somme de 88.200 francs, ont été couverts par les subventions versées par l'Etat pour 74.741 fr. 91 et pour le surplus, s'élevant à13.458 fr. 09, par le compte «Intérêts et Agios». Ils ont été entièrement justifiés. Par ailleurs, les frais nécessités par les emprunts, s'élevant à la somme de 491.628 fr. 20, ont été amortis par des achats de dommages de guerre effectués par le Consortium au compte des entrepreneurs, conformément à leur contrat. En tenant compte de ce fait et de ce que la cotisation statutaire, prévue par les statuts, n'a pas été perçue, c'est une économie de 550.000 francs que les sinistrés adhérents à la Société coopérative de Bichancourt ont réalisé. Le Consortium s'est, ensuite, entremis avec succès pour aider la commune et la Société Coopérative à réaliser l'agrandissement des bâtiments scolaires, — comme il est dit plus haut, — l'achat du mobilier Communal et cultuel, et divers aménagements communaux, sans grever, en quoi que ce soit, le budget communal. L'excédent en caisse, s'élevant à la somme de 16.492 francs 84, a été versé à la caisse commune du Consortium pour faire face aux frais de liquidation des coopératives affiliées et du Consortium et le surplus être affecté à l'hospice d'orphelins de Blérancourt, conformément à la délibération prise en Assemblée générale le 17 février 1929 . En dehors du petit conflit du début, l'existence de la Société s'est écoulée sans événement. La Société a été liquidée le 19 décembre 1931 et les archives ont été versées aux Archives départementales le 16 avril 1933 .
Source :
Gaston HERICAULT Terres Assassinées Devant les dévastations (1914 - 1933) (Pages 207 - 214) Remerciements à Jean HALLADE et à Jean-Luc MARTIN.
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