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Département de l’Aisne





MONOGRAPHIE de BICHANCOURT
(Revue, corrigée et augmentée)


Par


Jules DEJENTE



Instituteur à Fresnes sous Coucy



(vers 1900)




Hameaux de Bichancourt :
Marizelle

Le Bac d’Arblincourt

Bazin

Source
(Cahier manuscrit déposé aux A.D. 02)


INDEX

BICHANCOURT
MARIZELLE
BAZIN
LE BAC D’ARBLINCOURT
Les Rentiers
Propriétaires
Population
Lieux-dits anciens
Notes sur les seigneuries
Evénements locaux
Doléances de la communauté de Bichancourt en 1789
Incendies - Choléra
Maladrerie de Bichancourt
La Petite Rivière 
Territoire, productions, etc...
    - Valeur des terres
 Industrie, travaux des habitants.
    - Habitations
Vie de famille
Vie de société
    - Divertissements et jeux de la jeunesse et des hommes 
Caractère général des habitants
Eglise
L’ancien cimetière
Histoire de l’ancien orgue
Presbytère
Institutrices religieuses
Agriculture
    - Méthodes d’exploitation, outillage, progrès, etc...
    - Culture de la betterave
        Rendement pour 1 hectare
    - La culture du blé
        Dépenses pour 1 hectare
        Rendement pour 1 hectare
    - Autres cultures
Développement économique
Vue Générale - CONCLUSION



BICHANCOURT


La commune de Bichancourt, qui faisait autrefois partie de la terre de Mège (Mégium) dépendant du Pagus Laudunensis (pays laonnois), est située dans la partie occidentale du Département de l’Aisne. Elle s’étend, du N. au S., entre 49°34 et 49°36 de latitude et entre 0°51 et 0°54 de longitude à l’est du méridien de Paris. Elle fait partie du Canton de Coucy-le Château, de l’arrondissement de Laon et se trouve à 40 kilomètres de cette dernière ville. Elle est située entre Chauny et Abbécourt, au Nord ; Autreville et Pierremande à l’Est ; St-Paul -aux-Bois au Sud et Manicamp à l’Ouest.

Bichancourt compte, outre le centre de la commune, trois hameaux : Marizelle, Le Bac, Bazin.

Il est à noter que le Bac d’Arblincourt n’a pas toujours fait partie de la Commune de Bichancourt. Il formait autrefois une seigneurie : comprise dans le territoire de St-Paul-aux-Bois qui ressortissait du bailliage de Coucy-le-Château et faisait partie du doyenné de Blérancourt.

D’après d’anciens documents consultés, il résulte que la seigneurie du Bac vers 1230, faisait partie de Bichancourt pour ce qui était de la partie du Bac située au nord de la rivière des Lêtes (aujourd’hui Ailette) et du terroir de St-Paul en ce qui concernait la partie du Bac située à gauche ou au sud de cette rivière. C’est vers 1450 que cette seigneurie fit définitivement partie de la commune de Bichancourt.

Ce n’est que depuis 1618 que l’on trouve dans les archives : BICHANCOURT. En 1089, dans la charte d’Elinand II, évêque de Laon, on trouve Becencurte(1) en 1209 Bechencourt (Cartulaire de St-Eloi-Fontaine). La Chronique de Nogent par Cotron porte : In Enlesiâ St-Martini de Becheincurte, donne Bessencourt ou Becencourt. En 1290, l’accord entre Jeanne d’Arblincourt et l’abbé de St-Eloi-Fontaine porte Bechencourt. En 1349, on écrivait indistinctement Bechencourt ou Becheincourt (Cart. de St-Eloi-Fontaine). Ensuite on a écrit Bichencourt et enfin Bichancourt en 1618.

Bichancourt possède la mairie, les écoles, l’église, le presbytère, constructions situées à l’extrémité ouest. C’est la partie principale de la commune quoiqu’elle ne soit pas la plus forte en population.

Les rues de Bichancourt forment un rectangle.

Le chemin de grande communication n°49 va de Marizelle à Vézaponin (canton de Vic/Aisne) ; il se dirige du N au S, passe devant le portail de l’église et devant les écoles. Douze habitations se trouvent sur cette route allant vers le Bac d’Arblincourt.

La 2è, suivant la même direction, fait suite au Chemin Vert venant de Chauny et passe devant le Calvaire. Elle est bordée d’une dizaine d’habitations. On y remarque, à droite, après la croix, la Cense ou l’ancienne ferme de l’abbaye de Nogent(2) dont les constructions forment l’enceinte d’une grande cour : cette ferme appartient actuellement à Monsieur Cugnet. Cette rue, au sortir du village, devient le chemin qui conduit à Pierremande et plus directement à Champs et Nogent. C’est le chemin que suivaient les religieux pour venir à Bichancourt et à Chauny.

La 3è rue se dirige de l’ouest à l’est. Elle commence à la route n°49, devant la mairie et aboutit à la précédente au Calvaire : elle se continue vers Autreville dont elle est un chemin vicinal. Depuis l’église jusqu’au Calvaire, elle est bordée de deux rangées non interrompues de maisons : c’est la rue principale.

Au sud de la précédente est une 4è rue qui lui est parallèle : elle prend aussi à la route n°49, passe derrière les jardins et aboutit à la rue de Pierremande : elle portait le nom de Tour de Ville.

Le rectangle formé par ces quatre rues est traversé du N au S par une petite ruelle appelée autrefois ruelle Cuisinette, aujourd’hui : la Culinette, donnant sortie sur le pré Ballet.

Le village n’a point de place. L’emplacement de l’ancien cimetière qui se trouve au sud de l’église donnerait une belle place avec la route n°49 et la 3è rue, si sa destination première ne le faisait respecter. Il était entouré de barrières, mais elles ont disparu en partie.


MARIZELLE


Marizelle (marais de l’Oise) est la section la plus importante : elle compte environ pour moitié dans la population générale de la commune. Elle est située sur la route de Chauny à Blérancourt dont elle occupe une étendue de près de deux kilomètres. C’est surtout depuis 1825, époque où l’administration de Saint-Gobain vint établir à Chauny son poli des glaces et ensuite la Soudière, que Marizelle, par son voisinage de ces établissements industriels a pris de l’accroissement.

Avant 1789, ce hameau ne représentait qu’une rangée d’habitations, à gauche ou au sud de la route ; l’autre côté était en prairies, propriété communale ou usages : on n’y voyait que quelques maisons disséminées.

Pendant les douze années de tourmente révolutionnaire, des habitants ont trouvé aussi commode qu’économique de s’y choisir un emplacement pour bâtir et d’entourer leur maison d’une cour et d’un jardin pris sur ces usages. Enhardis par l’exemple, d’autres les ont imités. Un terrain concédé dans de telles conditions ne pouvait manquer de trouver des amateurs ; aussi ; en quelques années le côté droit du chemin fut-il garni d’habitations, Le bon marché fit passer les inconvénients du voisinage de l’Oise, qui, dans ses débordements venait se promener dans les jardins et trop souvent envahissait les maisons. Aujourd’hui une digue, se trouvant entre Marizelle et l’Oise et allant du chemin de Chauny à Blérancourt à la digue du canal, remédie à ces inconvénients. Cette digue fut construite en 1882 par l’administration du canal de l’Oise à l’Aisne.

On voit, par l’exemple cité plus haut que la municipalité d’alors n’était pas très vigilante pour la conservation des biens communaux. Cependant elle a imposé dans la suite, un modique surcens annuel, proportionné à la quantité de terrain à tous ceux qui s’en étaient emparés. Et en 1830, époque de la prescription trentenaire, depuis la promulgation du Code Civil, les envahisseurs du bien communal ont été taxés pour une somme qui fut considérée comme prix d’acquisition et comme remboursement du surcens. Personne ne s’est plaint de la dureté des conditions.

Mais Marizelle était impraticable pendant la saison d’hiver : un terrain marécageux, un sol plat qui ne pouvait favoriser l’écoulement des eaux, donnaient un triste aspect à ce hameau et le rendaient inabordable ; de là ces chemins derrière les maisons de droite et de gauche sur lesquels on se jetait successivement lorsque celui du centre était envahi par l’inondation.

En voyant de nos jours des routes nombreuses, des chemins vicinaux si bien entretenus, sillonner nos terrains, traverser nos communes, on se demande comment pouvaient se faire autrefois les transports pour la culture et le commerce. Convenons-en, un heureux progrès nous a bien favorisés sur ce point.

Marizelle a eu sa large part dans ce progrès. Vers 1840, l’administration départementale fit établir une route pour communiquer de Chauny à Blérancourt. Cette route, qui traverse le hameau dans toute sa longueur, lui donne un nouvel aspect, surtout depuis que des caniveaux ont été construits en 1893, de chaque côté de la route, en même temps qu’elle rend la circulation facile en toute saison.

Aussi Marizelle est devenue la plus belle partie de la commune. A cet avantage d’une route départementale, ajoutons l’aisance que répandent dans cette localité les établissements industriels de Chauny (Soudière et Glacerie), aisance qui permet aux habitants de remplacer de vieilles chaumières construites en terre, par les constructions plus saines et plus élégantes qui embellissent ce hameau. Encore quelques années et l’on n’y verra plus de vieilles constructions.

L’extrémité de Marizelle, vers Manicamp porte deux dénominations particulières et qui figurent sur la carte de Cassini : Grand-Court et Preet (on prononce prayette). Grand-Court comprend la route qui descend de l’arsilière ou l’argilière à la route et les habitations que l’on rencontre à droite et à gauche en suivant la route. Le groupe de maisons reculées, à gauche de la route et celles qui suivent portent le nom de Prayette.

On voit aussi, derrière ce groupe de maisons reculées, l’ancien chemin qui conduisait à Manicamp avant la construction de la route ; il prenait sa direction à l’entrée du chemin des Vaches, dans la prairie, à droite et joignait celui qui existe encore sur le terroir de Manicamp : on entrait dans cette commune par le moulin. Mais pendant l’hiver, les communications étaient souvent impossibles : on passait alors par le Bac. Si les relations sont assurées par les routes avec les communes avoisinantes, les relations par eau n’en sont pas moins faciles par le canal de l’Oise à l’Aisne qui traverse Marizelle à l’Ouest permet aux bateaux d’atterrir au pont de Marizelle.


BAZIN


Ce hameau, composé d’une douzaine d’habitations, est situé à l’ouest et à trois cents mètres environ de Bichancourt. Avant la construction du canal de l’Oise à l’Aisne, il bordait la prairie.

Bazin s’étend d’un bout vers la Prayette et de l’autre vers le pont de Liègemont. Un chemin qui prend à la route de Chauny à Blérancourt aux dernières maisons de la Prayette, traverse ce hameau : il est appelé chemin des Vaches parce qu’il sert de passage aux vaches des propriétaires de Bichancourt et du Bac. Ces vaches vont à la pâture communale du mois de juillet au mois de décembre : cette circulation journalière du troupeau, par tous les temps, n’améliore pas le chemin et ne contribue pas, par conséquent, à l’embellissement du hameau.

Bazin n’offre rien de remarquable et rien ne porte à espérer qu’il puisse avec le temps, prendre de l’accroissement, à moins que grâce à la proximité du canal, l’on ne vienne plus tard à construire un établissement industriel : une sucrerie, par exemple, la commune en étant dépourvue et les cultivateurs obligés d’expédier la plus grande partie de leurs betteraves par le canal.


LE BAC D’ARBLINCOURT


Le nom de ce hameau vient du mode de passage avant l’établissement d’un pont sur la rivière. Son site est agréable longeant la colline qui forme la rive droite de l’Ailette, il domine la rivière et la prairie. Les chaumières, pour la plupart pittoresquement alignées sur le versant sud de la colline, semblent heureuses d’en être abritées des vents froids. De la rue, la vue se promène agréablement sur la plaine qui s’étend jusqu’à Saint-Paul-aux- Bois et sur les bois qui la limitent à droite et à gauche.

 Il existait autrefois une maison seigneuriale appelée le château d’Arblincourt ; de là le nom de Bac-Arblincourt donné à ce hameau (la Seigneurie d’Arblincourt était en 1533 un fief de François 1er). Une notice de M. Marville de Trosly, membre de la société archéologique de Noyon donne sur la seigneurie d’Arblincourt des renseignements que j’ai été heureux de trouver et dont je m’empresse de profiter :

Le château d’Arblincourt avait, dit-il, une chapelle en dehors de son enceinte : on l’appelait Chapelle Elie ou Chapelle en l’Isle, parce qu’elle était située sur une petite isle formée par la rivière et un bras qui s’en détachait plus haut pour s’y rejeter en dessous. Cette chapelle était sous le vocable de Saints Côme et Damien.

Une fondation en assurait le desservice à perpétuité. Voici les conditions de cette fondation :

10 Avril 1190, du consentement de Raoul, sire de Coucy, Adam et Raoul d’Arblincourt, pour l’entretien de deux moines dans cette chapelle qu’ils fondèrent, donnèrent à perpétuité 10 Frs de rentes à condition que si cette rente venait à faire défaut, les moines laboureraient le terrain nécessaire pour leur procurer ce revenu ; Adam et Raoul d’Arblincourt concédèrent de plus en faveur de cette donation vingt sous du guyonnage de Folia (folia droit payé par les marchands pour la circulation de leurs marchandises : moyennant ce droit, les seigneurs garantissaient les marchands contre tout vol commis sur leurs terres), vingt sous sur les cens d’Arblincourt, un muid de froment sur le moulin de ce village et un muid sur la dîme des F.... et un troisième sur le courti de Focarnïs, plus des vinages, etc...

Les seigneurs d’Arblincourt paraissent avoir occupé un rang distingué parmi ceux de la contrée. Ainsi au mois d’octobre 1235, le sire de Coucy, Enguerrand III concéda des chartes de commune aux habitants de Juvigny, Selens, Saint-Aubin, auxquelles chartes furent appelés à signer les S.S. Jean d’Eblancourt (Arblincourt), Eustache de Miaute (Méautre, sur Trosly) etc..

M. Marville, dans sa notice, distingue avec raison deux parties dans le hameau du Bac, celle à droite et celle à gauche de la rivière des Lètes (Ailette), car cette rivière était la limite rigoureuse qui séparait les anciens Diocèses de Laon et de Soissons, depuis Chevregny, Chavignon jusqu’à sa chute dans l’Oise à Manicamp.

Laon, localité peu connue vers les premiers siècles, malgré son origine gauloise, posséda un évêque lorsque Saint-Rémi jugea nécessaire, vers 497, de démembrer son trop vaste Diocèse de Reims. C’est après la tourmente révolutionnaire, en 1802, que le siège épiscopal de Laon, fut réuni à celui de Soissons.

Le registre paroissial de Bichancourt dit à ce sujet : A cette époque, l’intrus qui porta le nom d’évêque de l’Aisne fut Marol, curé de l’église St-Jean de St-Quentin : il mourut misérablement jeté et comme abandonné dans l’escalier du grand séminaire de Soissons.

Le Concordat de 1817 rétablit l’évêché de Laon mais l’acte n’a pas reçu d’exécution.

Le moulin du Bac, bâti par quelque seigneur d’Arblincourt sur son domaine, quoique très ancien, ne remonte pas cependant à la fondation du diocèse de Laon, à l’époque où fut réglée sa circonscription. Pour établir ce moulin, il a fallu exhausser ce niveau d’eau, détourner le cours de la rivière, lui creuser un nouveau lit pour former un bief d’une écluse et ménager une chute d’eau pour le moulin. En considérant la rivière au-dessus du moulin, ce cours d’eau si bien dressé, cette digue qui forme la rive gauche et qui retient les eaux au-dessus de la prairie, n’est-il pas évident que des travaux ont été exécutés pour changer le cours de la rivière ? Si l’on remonte jusqu’au point où ont commencé ces travaux, on remarque sur la rive gauche, immédiatement au dessus de la vanne du canal, les traces du lit primitif qui suivait la pente du terrain et dont le bassin a pris la direction du canal jusqu’à la route. Mais après la route, la rivière revenait sur la droite en formant une courbe et continuait son cours en formant la fosse du moulin.

Or le château d’Arblincourt était situé au sud, à trente mètres environ du pont du moulin, rive gauche du lit actuel. Son emplacement est aujourd’hui un jardin à gauche de la route, dont le sol est un peu plus élevé que les terrains d’alentour. Arblincourt était donc originairement situé sur la rive droite de la rivière et par conséquent sur le terroir de Bichancourt.

Mais la Chapelle-en-Isle était sur le territoire et de la paroisse de St-Paul-aux-Bois, parce qu’elle était sur la rive gauche de la rivière. Aussi, dans les derniers temps, elle était desservie par le prieur de St-Paul qui venait y célébrer la fête patronale, les secondes fêtes de Pâques, de la Pentecôte et de la Noël. Elle fut démolie après la révolution, à la fin du siècle dernier.

L’Isle était formée par un ruisseau qui se détachait du cours principal, au-dessous du pont du canal. La rivière traçant à cet endroit une courbe assez raccourcie, laissait échapper, en la tournant, une partie de ses eaux qui alimentaient ce ruisseau. Celui-ci se dirigeait à droite, tournait derrière la chapelle et rentrait dans la rivière par la prairie. Vers le milieu de la distance qui sépare le moulin du pont, sur le chemin de Manicamp, ce ruisseau, desséché par le changement du cours de la rivière, a été rempli dans ces derniers temps, seulement dans le voisinage de l’emplacement de la chapelle parce que le terrain est cultivé. Ailleurs, il laisse encore des traces qui font connaître quel était son cours.

Ces renseignements viennent de vieillards dont les pères ont vu le château, ont entendu la messe dans la chapelle : on voit encore l’ancien lit de la rivière, l’emplacement du château et à cent mètres environ, celui de la chapelle. Les fondations du château existent encore en partie.

La question de savoir sur lequel des deux territoires de St-Paul ou de Bichancourt est donc toute résolue. Le doute de M. Marville vient de ce qu’il n’a envisagé que l’état actuel des lieux et non l’état primitif. C’est l’ancien lit de la rivière, et non le nouveau qui a toujours été et qui est encore la limite des deux territoires. Mais l’île et les habitations qui se trouvent sur la rive gauche font partie du territoire de St-Paul.

Le Bac est baigné par l’Ailette, dont le cours est de 65 km. Cette rivière naît d’une forte source à Ailles, à 6 km environ à l’ouest de Craonne. Elle porte ce nom sans doute à cause du village où elle prend sa source.


LES RENTIERS


C’est le nom que portent les bois situés près du Bac. Une tradition toujours existante dans la commune porte que ces bois ont été donnés par Jeanne d’Arblincourt, comme secours aux femmes veuves du Bac pour les indemniser de la perte de leurs maris, morts en combattant pour le seigneur. Dans l’acte de donation il n’est pas fait mention du titre de récompense.

J’ai signalé tout ce qui m’a paru le plus important concernant Bichancourt et ses hameaux. A mon point de vue, Bichancourt et le Bac ont peu d’avenir et resteront probablement longtemps stationnaires. Il n’en est pas de même de Marizelle : sa proximité de Chauny semble lui promettre un accroissement de population qui lui donnera de l’importance ;

Une commune ainsi divisée a cependant des relations nécessaires et journalières avec son centre pour la mairie, les écoles, l’église, le presbytère. Il y a aussi les relations de famille : le mauvais état des chemins (avant 1840) dont on ne se fait pas aisément une idée, rendait les communications extrêmement difficiles. L’intérieur de Bichancourt et des hameaux, comme les chemins ruraux, était impraticable. On raconte que les enfants perdaient leurs chaussures dans la boue ; que les chevaux montant au Liègemont s’enfonçaient jusqu’à mi-jambes dans la terre glaise et n’arrachaient leurs pieds qu’en y laissant leurs fers. C’est par de tels chemins que les générations précédentes ont passé, et ils n’étaient point, dit-on, des obstacles qui les empêchassent d’aller aux offices religieux ; les enfants aussi fréquentaient assidûment l’école.

En 1840, le conseil municipal commença à suivre l’impulsion donnée par le gouvernement de 1830 et l’exemple des autres communes : on construisit successivement, et par parties, les chemins dans chaque section, puis ceux qui y conduisent. Dans l’espace de six ans, la commune fut dotée de bons chemins : la dépense s’élèva à trente mille francs.

Belle et utile dépense qui contribua à la salubrité comme à la propreté de la commune, qui rendit la circulation facile en toute saison et apporta de grands avantages à la culture en diminuant ses frais et en facilitant l’exploitation.


PROPRIETAIRES


Les principaux propriétaires avant la Révolution étaient :

1) Le seigneur de Genlis, qui était aussi seigneur de Bichancourt - Arblincourt et Marizelle depuis 1579 jusqu’en 1706, époque où il vendit ses terres à Gaspard Fayard, seigneur de Sinceny : cette seigneurie en demeura propriétaire jusqu’à la Révolution.

2) L’abbaye de Nogent

3) L’abbaye de St-Eloi-Fontaine qui avaient toutes deux de nombreuses propriétés sur le territoire de Bichancourt.

4) L’Hôtel-Dieu de Chauny qui figure aussi dans les archives comme propriétaire de biens provenant probablement de la Charité chrétienne avec fondation de lits pour les pauvres malades de la commune.

5) Les chapitres de Soissons et de St-Quentin qui avaient quelques portions de terre.

Mais à l’exception des biens de l’Hôtel-Dieu de Chauny, toutes ces propriétés de seigneuries et de chapitres furent déclarées propriétés nationales et vendues en 1792.

Les propriétaires actuels sont :

1) M. de Louvencourt qui habite le château de Muret, canton d’Oulchy-le-Château

2) M. Hannonet de Noyon

3) M. le baron de Theïs, originaire d’une ancienne famille du Dauphiné. Il entra jeune au Ministère des Affaires Etrangères et débuta à l’extérieur comme élève consul en 1831. Nommé successivement à Leipzig, à Gênes, à Venise, à Varsovie ; consul général à Tunis, à Anvers, à Venise, il vint mourir à 70 ans, en son château de l’Aventure qui borde le territoire de Bichancourt. Son neveu, le Comte de St-Cricq, vient de vendre à M. Caura.

4) M. de Sars de Laon

5) M. Hébert, député et questeur au corps législatif et maire de Chauny.

6) M. Courboin, propriétaire du moulin du Bac et d’un petit lot de terres et de prés y attenant. Il y a quelques années, M. Chapat, banquier à Noyon en fut acquéreur, et M. Molin, cultivateur à Bichancourt, en est le propriétaire actuel.

Environ quarante cultivateurs, habitant les différentes sections de la commune, se partagent à titre de location, les terres de ces propriétaires ; ils ajoutent ainsi à leurs propriétés particulières pour se procurer une culture qui puisse fournir un travail annuel. On voit, par le nombre de cultivateurs que la culture ne s’exerce pas en grand, la plupart d’entre eux n’ont pas recours aux domestiques. L’épouse et les enfants partagent avec le père tous les travaux de moisson, la récolte des betteraves et le battage des récoltes pendant l’hiver. Cinq cultivateurs ont des troupeaux.

Il ne faut pas chercher le luxe, ni même le confortable dans le mobilier de culture, dans l’habitation, dans l’ameublement, ni sur la table : c’est en tout , la simplicité quoiqu’ils soient généralement riches car ils sont actifs et laborieux.

Parmi eux, il en est quelques uns qui, en cultivant leurs terres, ont pour grande occupation de charrier ce que les carrières de Vassens et les bois fournissent de chargements pour le transport.

Il n’est pas étonnant qu’avec ce nombre relativement élevé de cultivateurs dans une même localité et qui tous sont avides de terre, celles-ci soient très recherchées et les prix de location et de vente fort élevés.

POPULATION


En 1760, Bichancourt comptait 500 habitants.

Nous avons aujourd’hui la copie d’un Etat de population du Canton de Chauny (Bichancourt était alors du Canton de Chauny) au 1er Nivôse, an VIII de la République Française (22 décembre 1799).

Bichancourt comptait :

165 hommes mariés ou veufs ; 177 femmes mariées ou veuves, 254 garçons de tous âges, 231 filles de tous âges, 33 défenseurs de la Patrie vivants, soit un total de 860.

En 1836, la population est de 960 habitants.

En 1856, elle est de 1110 habitants.

En 1865. on compte 1186 habitants.

Malgré l’accroissement de la population, de 1820 à 1870, chaque période de dix années présente une diminution dans les naissances. Cet accroissement est la conséquence de l’arrivée, chaque année, d’étrangers qu’attirent les établissements industriels de Chauny et qui viennent se fixer à Marizelle.

En 1872, le recensement donne 1114 habitants.

En 1881, 1104 habitants.

En 1886, 1096 habitants.

En 1891, 1047 habitants.

En 1896, 1039 habitants.

En 1896, j’écrivais :

Nous n’avons aucun document qui nous fasse connaître la population de Bichancourt, antérieurement au siècle présent. On peut croire qu’elle était de beaucoup inférieure à celle de notre temps : les hameaux et surtout celui de Marizelle n’avaient pas, il y a deux siècles, l’importance qu’ils ont aujourd’hui. Bichancourt qui a toujours été la partie principale, était probablement aussi la plus forte population.

Le premier recensement que nous trouvons date du commencement du siècle actuel : il donne une population de 880 habitants.

Pendant les dix premières années du siècle, la moyenne est de 34 naissances par an.

De 1810 à 1820 la moyenne est la même, mais le maximum est monté à 46 en 1813 par l’appréhension du service militaire.

En 1836, la population est de 960 habitants ;

En 1856, elle est de 1110 hab ;

En 1865, on compte 1186 hab.

Malgré l’accroissement de la population de 1820 à 1870, chaque période de dix années présente une diminution dans les naissances. Cet accroissement est la conséquence de l’arrivée, chque année, d’étrangers qu’attirent les établissements industriels de Chauny et qui viennent se fixer à Marizelle.

En 1872, le recensement donne 1114 habitants.

En 1881, 1104 hab.

En 1886, 1096 h.

En 1891, 1047 h.

En 1896, 1039.


LIEUX-DITS ANCIENS


Je les transcris, non pas selon l’ordre du cadastre, mais comme ils ont été recueillis dans les archives ; plusieurs d’entre eux ne figurent pas sur le cadastre.

Prés Ballet

Le Maupas

La Voyerie

Les Isaiges (usages)

Le Ventault

Les Aulnois

Le Camp de pierre

Les battis

le pré Haton

Le Camp Ménard

Cloz de larri fosse (clos Larifosse)

le chemin vert

Le Vineloys de la petite rivière

La joncquière

le bois l’Abbé

le franc-bois

Jardin Cauvin

le Pierge

le Noylletz

la fontaine du Noyer

Jardin Cauquet

le bocquet de Nogent (bosquet)

la bruyerre (la bruyère)

Jardin Paquette

Ruelle Cauquet

La sablonnière

Le Merlier

La fontaine du Merlier

La fontaine du Maupas

le camp de Soissons

les fossés des terres du Chapitre de St-Quentin

le vivier de la rivière des Lètes (Ailette)

Le Liègemont

le vivier du Liègemont

le pré Alard

Rubécourt

Maroquière

le Riez Gillacourt

le Camp des Tournelles

le Roselet

le Camp St-Martin

le Camp de l’Hénonne

le jardin Blanchette

la Pasturelle

Tour de ville de Bichancourt

Ruelle cuisinette (culinette)

le riez des vallées

la fosse aux bœufs

Ruelle Dervot

Fossés Miclet

camp Hainault

Bois de Favières

la Roselière

le chemin des Vallées

Camp Gillot

Les Essards

Le Glanard

L’Argilière

le pré St-Martin

La fontaine du Merlier que nous avons signalée se trouve entre Bichancourt et Marizelle, sur le versant nord du monticule sur lequel se trouve Bichancourt. C’est une source minérale qui jaillit verticalement de dessous terre au milieu d’un bassin de 1 m de diamètre.

Chemin du Rû qui conduit à Pierremande.

Chemin Blanc qui conduit à Chauny par la lisière ouest du parc du château de l’Aventure.

Chemin vert qui conduit à Chauny par la lisière est de ce parc.

Chemin vert qui prend au cimetière passe au bas du pré Haton et à l’Arzilière. Il en est fait mention dans la désignation suivante qui présente assez d’intérêt pour être rapportée ici :

Une maison séante à Bichancourt, devant le presbytère, tenant de lizière sur la rue, d’aultre aux religieux de Nongent, de bout au chemin vert, d’aultre au champ des cloitiers (1593). Explication au chapitre Presbytère.

Chemin de la Banière, au Château d’Arblincourt.


NOTES SUR LES SEIGNEURIES
Du Bac-Arblincourt, de Bichancourt, de Marizelle :


Avant 1100:

Guy d’Erblincourt qui aida St Gérard à fonder l’abbaye de la Sauve-Majeure, près de Bordeaux.

1102 : Hercelin ou Hescelin d’Erblincourt, sénéchal de Marle ; il eut pour enfants Guy et Robert.

1133 : Guy d’Erblincourt, chevalier ; il fut présent en 1163 lorsque, Gérard, fils d’Alard de la Porte, sur le point d’aller à Jérusalem, et Jean son frère, donnèrent le bois de forest à l’abbaye de St-Eloi-Fontaine.

En 1134, Guy de Herblencourt (Bac-Arblincourt) fut témoin à l’acte par lequel Enguerrand consentait à ce que ses casés (casati) puissent céder librement au prieuré de Fargniers les terres qu’ils avaient à Fargniers ou qu’ils tenaient de lui.

Guy de Herblencourt donne quatre manses (mansos) de terres sises à Fargniers, du consentement de son épouse, de qui ces quatre manses étaient tenues de Godefroy et de Gipuin de Marle, ses frères. Témoins : Ado de Guny et ses frères Itier et Ubard, Fulnerius de Chalnay (Chauny). (Archives Départementales H 391)

Adam d’Erblincourt. Vers 1150, il donna aux chanoines réguliers de St-Eloi-Fontaine, une terre située à Bichencourt, devant la porte de la cense de la même abbaye (P. Labbé)

1160 : Gérard de Marizelle, chevalier ; il donna du bien à l’abbaye de St-Eloi-Fontaine, dont il se fit chanoine. Ce don fut confirmé en 1165 par Philippe d’Alsace, comte de Flandre et de Vermandois et seigneur de Chauny.

1163 : Gui 1er d’Erblincourt .

Adam et Raoul d’Erblincourt, qui fondèrent la Chapelle Elie au Bac.(Voir art.:Bac)

1188-1195 : Robert de Coucy, seigneur d’Erblincourt, chevalier. Il fut témoin en 1189 de l’accord fait entre Pierre de Liez, chevalier et les religieux de St-Eloi-Fontaine, pour le moulin de Liez.

Guy d’Erblincourt, chevalier, surnommé le jeune, frère du précédent.

Il s’opposa à tous les bienfaits qu’Adam et Guy d’Erblincourt, le premier son oncle, le second son père, avaient faits en faveur des églises. Plus tard en 1210, il alla en Terre Sainte pour pénitence et confirma les dons faits aux abbayes de St-Eloi-Fontaine et de St-Barthélémy de Noyon, comme en font foi sa charte et sa lettre qui sont rapportées au troisième livre de l’histoire de Chauny.

Bichancourt eut aussi une part aux bonnes oeuvres que lui inspira sa pénitence.

1235 : Jean d’Erblincourt, fils du précédent.. Au mois d’octobre 1235, le sire de Coucy, Enguerrand III, concéda des chartes de commune aux habitants de Juvigny, Selens, St-Aubin, etc... auxquelles chartes furent appelés à signer les S.S. Jean d’Erblancourt (d’Arblincourt) châtelain de Mons, Eustache de Miaute (Méaute, sur Trosly Jean de Prisces et Pierre Judas (La Société Académique de Laon a ces pièces)(3).

Jeanne d’Erblincourt, veuve d’Arnoul de Clermont. Voir l’accord entre cette dame et le Prieur de St-Paul, au sujet du Bois des Rentiers.

Voici un autre accord entre cette dame et les religieux de St-Eloi-Fontaine pour la justice des chemins de Bichancourt en 1290 :

Je Jehanne, dame d’Erblincourt, faict scavoir à tous chiaux que ces présentes lettres voirront et oirront que comme descors fust entre moy, d’une part et hommes religieux, l’abbé et le couvent de St-Eloi-Fontaine de l’Eveschiet de Noyon, d’autre part sur ce que je disais en demandant que à moy appartenant de mon droit toute li justice et li signourie des chemins appartenant à la ville de Bechencourt espécialement es chemins tenant à leurs manoirs et à leurs terres et li abbé et li couvent devant dit si opposassent au contraire en demandant la justice et la signourie es chemins tenans à leurs manoirs et à leurs terres en le pardefin par le conseil de bonnes gens ; nous sommes accordés en la manière que cy dessous s’ensuit :

C’est à savoir que j’en auray et seuray à toujours et perpétuellement toute la justice et la signourie haulte et basse es chemins de Béchencourt et des appartenances espécialement en chemins tenans à leur manois de Bechancourt et à leurs terres appartenant à celui manois excepté le chemin qui est devant leur maison de Bechencourt au lez pardevant l’entrée entre leur terre et leur manois et quel chemin li abbé et couvent devant dit aueront et teuront à tousiours perpétuellement toute la justice et la signourie haulte et basse tout si comme leur manois le porte à chillez. C’est à scavoir entre les quatre bornes qui sont mises pour le diviser et appartient à gans de leur droit et a savoir que les deux bornes au lez par devers Bechencourt répondent li un à l’autre : et les deux bornes au lez par devers Autteville (Autreville) répondent li une à l’autre ; et rien n’y puis ni m’y hoirs ni m’y successeurs réclamer dor en avant et dit chemin dedans les quatre bornes deseurdites et est à scavoir que je ne puis ne doit herbégier ne estréchier les chemins devant dits ou li justice et li signourie appartient à moy ausy comme il est deseurdit. Et à toutes ces choses deseurdites fermement tenir oblège je moy et mes hoirs et mes successeurs et tous mes biens présent et à venir. En tésmoignage de laquelle chose je ay ces présentes lettres scellées de mon scel, qui furent faites et données en l’an de l’incarnation de Notre Seigneur mil deux cent quatre vingt et dix al mois de Julle (copie exacte de l’accord cartulaire de St-Eloi-Fontaine).

Ivelot, chevalier, seigneur de Marizel, d’Oulche, châtelain de Chauny. Il fut tué à la bataille de Courtray en 1302. Il avait engagé sa terre de Marizelle aux religieux de St-Eloi-Fontaine.

Jean, chevalier, seigneur de Marizel. En 1303, il vendit la terre de Marizelle aux religieux de St-Eloi-Fontaine pour le prix de mille livres parisis.(Cartulaire de St-Eloi-Fontaine)

Depuis les terres de Marizelle et du Bac sont passées : 1°) celles de Marizelle dans la maison de Hangest de Noyon, 2°) celles du Bac dans celle de Brulard de Genlys, le 20 août 1579. Gaspard Fayard, escuyer, seigneur de Sinchenny (Sinceny) les acheta en 1706 à Henri, duc d’Harcourt, maréchal de France et à Dame Marie Anne Claude de Brulard, dame des dits lieux (Notes extraites de l’histoire de Chauny et des archives départementales).

On voit que la terre de Bichancourt paraît n’avoir eu originairement d’autres seigneurs que ceux du Bac et de Marizelle.

C’est en 1579 que commence à paraître M. Brulart comme seigneur de Bichancourt. Les formalités suivantes l’indiquent :

La fabrique demande un avis à Jean Parmentier de Chauny, probablement homme d’affaires pour savoir si elle devait faire déclaration de biens et l’envoyer à Paris. L’avis est affirmatif et la fabrique fait dresser cette affirmation par un notaire ; elle est envoyée par Jean Molin, sergent à Chauny à un procureur de Paris, avec procuration de la fabrique pour la présenter au Duc d’Orléans. Les honoraires du notaire pour déclaration et procuration sont portés à X s. et pour l’avis donné par J. Parmentier à IIII s.

La fabrique voulut aussi avoir son advis pour scavoir s’il estoit licite de baillir homme vivant et mourant pour Monseigneur Brulart, pour ce V s.

En 1587, le compte de fabrique porte : Payé à Messire Pierre Brulart, seigneur de Bichancourt pour cinq années d’arrérages, de cens, rentes, et chapons que lui doit l’église de Bichancourt, VIII s - IIII d.

En 1608 : Gilles Brulart, fils du précédent

En 1645 : Florimond Brulart, fils du précédent

En 1663 : Claude Brulart

En 1686 : Pierre Brulart

Le 8 mai 1533, Jean de Hangest, évêque de Noyon fait aveu de foi et hommage à François 1er pour ses fiefs, terres et seigneuries de Bichancourt et Erblincourt (Mémoire de la Société des Antiquaires de Picardie).

Pendant que plusieurs seigneurs se partageaient les terres de Bichancourt, du Bac et de Marizelle, ou qu’un seul les réunissait à son domaine, nous voyons les deux abbayes célèbres de Nogent et St-Eloi-Fontaine en possession de bois et de terres sur le territoire de Bichancourt. Cette dernière abbaye dut engager ses biens, car aux archives, figure une autorisation donnée aux religieux de St-Eloi-Fontaine de Chauny par Blanchart, abbé de Ste-Geneviève de Paris, supérieur général de la congrégation des chanoines réguliers de l’ordre de St-Augustin de France, d’emprunter jusqu’à 10.000 livres pour le rachat des biens engagés et notamment des domaines de Bichancourt et Marizelle (13 septembre 1645).

Le 13 juillet 1652, les Espagnols sous les ordres du prince de la Ligue et du comte de Fuensaldagnes, vinrent assiéger Chauny dont ils s’emparèrent le mercredi suivant. Un détachement nombreux de ces ennemis vint le dimanche 14 s’emparer des châteaux de Blérancourt et de Camelin qu’ils saccagèrent. Bientôt chassés de Chauny par M. de La Ferté, les Espagnols se retirèrent à Coucy qu’ils évacuèrent presque aussitôt n’étant pas maîtres du château. Je suis heureux de produire ces circonstances historiques attendu que pour guerroyer sur Camelin et Blérancourt, il faut fouler le village de Bichancourt et son territoire.

En 1670, les terres de Bichancourt, Marizelle et le Bac furent saisies par Charles Bruslart, abbé de Joyenval sur Florimond Bruslart (archives)

En 1700, les seigneureries furent unies au marquisat de Genlis, ce fait est certain car dans la légende d’une cloche bénie en 1701 figurent encore les noms de Messire Henri, duc de Harcourt, et de Marie Anne Claudine Bruslard de Genlis,seigneur et dame du lieu.

En 1706, comme je l’ai déjà dit, les seigneuries de Bichancourt - Marizelle - Bac durent vendues à M. Gaspard Fayard, seigneur de Sinceny. Il fut le dernier seigneur de Bichancourt.

Rien d’intéressant ne se passe pendant quelques années.


EVENEMENTS LOCAUX


En 1720, le curé de Bichancourt est condamné à 10 livres d’amende pour irrégularités dans la tenue des registres de l’Etat-Civil.

Copie d’une lettre de cachet ordonnant à Michel Lefèvre, curé de Bichancourt de sortir de sa cure.

DE PAR LE ROY

Il est ordonné au sieur Michel Lefèvre, curé de la paroisse de Bichancourt, Diocèse de Laon, d’en sortir incessamment et de s’éloigner du dit lieu et du dit Diocèse, avec deffense d’en aprocher plus près jusqu’à nouvel ordre sous peine de désobéissance de dix lieues. L’intention de sa Majesté estant qu’il luy soit payé pour sa subsistance la somme de cent livres par an et sans aucune retenue ny diminution, qui sera prise sur les revenus de la cure à la desserte de la quelle il sera pourvu par les Evêques de Laon.

Fait à Marly, le 21 Novembre 1730

Signé : Louis

En 1771, Perception de la dîme des agneaux par le curé de Bichancourt.

(p.v. aux archives)


DOLEANCES DE LA COMMUNAUTE DE BICHANCOURT EN 1789

Procès verbal d’Assemblée des villes, bourgs, villages ou communautés pour la nomination des députés.

Commune de Bichancourt

Aujourd’hui quatre mars mil sept cent quatre-vingt neuf, en assemblée convoquée au son de la cloche, en la manière accoutumée, sont comparus en l’auditoire de la justice de Bichancourt et dépendances ; au dit lieu de Bichancourt, par devant nous Pierre Louis Bourgeois, procureur au bailliage de Chauny, B... en exercice dans la dite ville, bailli pour Jacques, Louis Fayard de Sinceny, Sert de Sinceny, assisté de M. Louis Bourgeois, procureur au bailliage de Chauny, commis greffier en l’absence du greffier ordinaire, Simon Parcheminier, syndic ; Adrien Hérot, laboureur ; Pierre Molin, laboureur ; Etienne Descarsin, laboureur ; Louis Duménil, chanvrier ; Lambert Hallade, chanvrier ; Philippe Parcheminier, tous nés français ou naturalisés...........

Et de suite les dits habitants, après avoir mûrement délibéré sur le choix des députés qu’ils sont tenus de nommer en conformité des Lettres du Roi et Règlement y annexé, et les voix ayant été par Nous recueillies, en la manière accoutumée, la pluralité des suffrages s’est réunie en faveur de Simon Parcheminier, syndic, d’Adrien Charles Hérot, laboureur, qui ont accepté la dite commission et promis de s’en acquitter fidèlement.

La dite nomination des députés ainsi faite, les dits habitants ont, en notre présence remis aux dits Parcheminier et Hérot, leurs députés, le cahier afin de le porter à l’Assemblée qui sera tenue le vendredi six du présent mois, à huit heures du matin, devant M. le Lieutenant-Général audit Bailliage de Chauny et leur ont donné tous pouvoirs requis et nécessaires.............

(imprimé adressé aux communes)

Cahier de Doléances

Les dits habitants supplient sa Majesté de statuer :

1°) Qu’à l’avenir les impôts de quelques espèces qu’ils soient, seront respectés et supportés par tous les sujets de l’Etat : ecclésiastique, noble ou roturier, sans distinction et en raison de leurs facultés.

2°) Que les gabelles et aydes seront supprimées : le seul impôt qui sera établi devra suffire aux charges et aux besoins de l’Etat.

3°) Que l’accessoire de la taille établi pour subvenir aux dépenses des casernes de Chauny, La Fère, Laon et de l’intendance de Soissons sera aussi supprimé, au moyen de ce que les dépenses de ces différents établissements sont acquittées depuis longtemps.

4°) Que les formes de l’administration de la justice seront changées ; il convient d’une part d’augmenter le nombre des sièges dans chaque siège royaux ; d’autre part, d’étendre le pouvoir de ces juges à la connaissance, en dernier ressort, d’une somme au-dessus de celle de quarante livres ; de simplifier les formes de la procédure et enfin d’en abréger les détails ;

5°) Que chaque paroisse des villes, bourgs et villages soient tenus de nourrir ses pauvres.

6°) Que les droits de péages et autres charges qui gênent et mettent des entraves à la liberté du commerce soient supprimées et qu’aussi l’on prenne des précautions pour prévenir les banqueroutes.

7°) Que l’on prenne des précautions pour que les chemins soient réparés et entretenus pour la libre circulation du commerce et l’exploitation des denrées.

8°) Au surplus les dits habitants prévenus que ceux de la ville de Chauny ont pour le plus grand soin de développer tout ce qui est abbus dans l’Etat et tout ce qui peut lui être utile, qu’ils en réfèrent à ce qu’ils ont arrêté à cet égard parce que, comme eux, leurs vues ne tendront jamais qu’au plus grand bien des sujets du royaume et à la gloire du souverain.

9°) Observons au surplus qu’il est important de rappeler les manufactures qui environnent la ville de Chauny et particulièrement la paroisse de Bichancourt, à l’observation des Règlements qui leur prescrivent de n’acheter et de ne consommer dans leurs manufactures que les bois propres à leur usage.

Tandis que malgré ces règlements, tous les jours ils se rendent adjudicataires des bois qui s’adjugent dans les forêts des Princes et des particuliers, consomment strictement ce qu’ils jugent à propos et rançonnent le Public pour le pourvoir de ce qui leur reste de manière à leur faire éprouver la disette ou à leur faire payer au double ce qui convient à leur consommation.

Fait et arrêté à Bichancourt en présence de Nous Pierre Louis Bourgeois dénommé au procès-verbal énoncé, assisté de Louis Sert, notre greffier et ont les habitants signé avec Nous le quatre mars mil sept cent quatre-vingt neuf.

(Suivent les signatures) `

(Archives de l’Aisne B 1801)

INCENDIES - CHOLÉRA

En 1795, Louis Hallade est incendié : perte 10.000 Frs.

1832 : il y eut cette année 67 décès, dont la plupart causés par le choléra. Pendant le mois de mai, 23 décès furent enregistrés, dont 7 le 27 de ce mois.

1847 : Pendant le cours de cette année, le feu a éclaté huit fois et vingt maisons plus quelques bâtiments ont été consumés par les flammes :

1°) Février : Les maisons de M. Duménil-Guilbert et de Mme Vve Guilbert-Caudron (Agnès-long-cou) à la Prayette ont été incendiées.

2°) Mars : Lundi de Carême; en plein jour, la maison de M. Montier Gueulette à Marizelle fut brûlée. Le feu du four pénétra dans le grenier.

3°) Le mercredi suivant, pendant le salut, le feu prit à la maison de Nicolas Benoit, cultivateur à Bazin, maison habitée à cette époque par Donat Guilbert, son gendre et Catherine Benoit, sa fille. La maison, l’écurie les bâtiments et les vivres furent la proie des flammes.

4°) Le vendredi de la même semaine, nouvel incendie : six maisons sont incendiées depuis la croix du chemin Lambert jusqu’à la maison de Sert-Rozain.

5°) Au commencement de juillet, le feu prit pendant la nuit à la maison de Marc Guilbert, vieux garçon qui logeait dans cette maison avec Melle Agnès, sa soeur et Angélique Guilbert, sa tante.

6°) Le 13 octobre, nouvel incendie à la Prayette. Il a paru provenir d’un coup de fusil tiré imprudemment trop près d’un toit de paille le lendemain du mariage Caudron-Labruyère. Cinq maisons sont brûlées.

7°) Le 16 novembre : feu par imprudence des M.M. Jean et Ambroise Béguin. Le fils de ce dernier en allant tirer à boire avec une lampe, approcha celle-ci trop près d’un tas de chanvre qui flamba et communiqua le feu à la maison.

8°) Au commencement de décembre, au Bac, le feu prit à une maison que Carbon venait d’acheter à sa future belle-mère, la veuve Denis Auguste. Il fut soupçonné d’être d’auteur de cet incendie, enlevé par la gendarmerie et retenu pendant quelques semaines à la prison de Laon.

L’année 1848 ne vit pas d’incendie dans la commune.

Le 6 janvier 1849, le feu éclate vers deux heures de l’après-midi, à Marizelle, chez M. Descarsin-Duménil. On chauffait le four pour faire le pain et l’on n’avait pas remarqué, à la voûte, un petit trou par où la flamme pénétrant, alla atteindre du chanvre et du bois, consuma le tout avec la maison et celle de la Veuve Descarsin-Leduc.

C’est le seul accident de cette espèce que l’on eut à déplorer dans le cours de l’année 1849, année aussi mémorable que 1832 par la malheureuse épidémie de choléra.

1849. Le choléra fait invasion dans la commune au mois de juillet.

On a pu remarquer que l’épidémie, dans sa marche, suivait de préférence les membres d’une même famille : bien des circonstances l’ont prouvé.

Il y eut 42 victimes du choléra qui enleva 23 personnes dans le seul mois d’août.

1846. J’omettais de dire que l’année 1846 fut une année stérile entre toutes : on ne récolta aucun fruit, presque pas de blé à cause de la trop grande sécheresse de l’été, pas de pommes de terre qui furent complètement gâtées dans la terre. A un été très sec succéda un automne très pluvieux : l’Oise n’était depuis longtemps restée une si grande durée étendue hors de son lit sur la prairie et les champs.

1850. Le mois d’août de cette année fut remarquable à cause d’une inondation comme on n’en avait vu depuis le déluge : elle fut extraordinaire et au-delà de l’imagination. Le mois de juillet avait été humide ; du 1er au 15 août, il a plu continuellement. Le jour de l’Assomption la pluie qui avait cessé la matinée reprit de plus belle depuis midi jusqu’au soir et continua à tomber quelque temps. L’eau couvrit dans la prairie toute la route depuis la dernière maison de Bichancourt jusqu’au grand pont du fossé de décharge de Manicamp. Le blé en gerbes était tiré avec des crocs et amené en barques sur la hauteur.

1871 : Variole.

1894. On mit le feu à une meule de blé appartenant à M. Duménil, cultivateur à Marizelle.

En octobre, le feu prit à la maison de Mme Vve Caille, allumé par son jeune enfant âgé de 6 ans. La maison fut entièrement détruite. Grâce au concours actif des habitants et des pompes des environs, deux maisons touchant celle enflammée furent préservées.

1896. Le 1er dimanche de septembre, la maison de M. Virbel au Bac, fut complètement détruite.


MALADRERIE DE BICHANCOURT


La maladrerie de Chauny était établie à l’endroit où se trouve la tonnellerie de l’établissement de la Soudière (tonnellerie de St-Lazare) sur un petit bras de l’Oise. Elle était commune à la ville de Chauny et au village de Sinceny.

Bichancourt avait aussi sa maladrerie, comme le fait connaître une tradition existante dans la commune, et comme je l’ai vu sur les comptes de la fabrique dès l’année 1570, dans la désignation des biens de l’église. Celui de 1583 (et les suivants) porte :

Reçu de Noël Follet un septier de terre séant à la maladrerie de Bichancourt, tenant de lizière au seigneur, d’autre aux religieux de Nongent, de bout aux religieux de St-Eloi-Fontaine, d’autre au chemin de la dite maladrerie.

Le compte de 1610 dit : d’aultre au chemin vert ( la somme de XXVIII sols).

D’après les renseignements recueillis, il est absolument certain que la maladrerie de Bichancourt était entre le clos de l’Aventure et le bois de St-Antoine, vers l’endroit où commence la pente qui descend à la route de Marizelle. Ce lieu-dit est du territoire d’Autreville.

Je ne sais pas si la maladrerie de Bichancourt qui était à peu de distance de celle de Chauny, en était une dépendance ou succursale ou si elle était une oeuvre de charité fondée par les abbayes de Nogent ou de St-Eloi-Fontaine, pour les malades de Bichancourt.


LA PETITE RIVIERE


Avant l’établissement de la Soudière et de la Glacerie, et par conséquent, avant le détournement qu’ont subi les divers bras de l’Oise dans Chauny, pour se plier aux exigences de l’industrie qui demandait à l’eau le mouvement de son mécanisme, on ne voyait pas ce large et profond canal que l’on rencontre à l’entrée de la ville de Chauny, vis à vis St-Lazare ou la tonnellerie.Il a été creusé comme décharge pour les abondances d’eau les courants étant barrés pour distribuer l’eau à toutes les machines de l’établissement. Le moulin de St-Lazare ou St-Ladre était mis en mouvement par ce même cours d’eau qui fait mouvoir maintenant le mécanisme de la tonnellerie. Ce cours, en sortant du moulin, descendait vers Chauny, environ 150 m plus loin que le pont du canal ; puis formant coude, coupait la route et passait dans les jardins à gauche de cette route.

La petite rivière suivait le lit actuel du canal jusqu’au point où elle s’en écarte, pour se diriger vers Marizelle et aller se jeter dans l’Oise au dessus de Manicamp.

Mais le creusement de ce canal, à partir de St-Lazare, mit à sec la petite rivière de Marizelle. Les habitants, à qui ce cours d’eau était nécessaire pour le rouissage de leur chanvre, réclamèrent auprès des administrateurs de la Soudière ; le conseil municipal fit valoir leurs droits et appuya leurs réclamations : l’administration s’engagea à alimenter à perpétuité la rivière de Marizelle.

Pour cela, elle établit un aqueduc qui reçoit l’eau au-dessus de la roue de la tonnellerie, passe sous la route et vient déboucher sur la rive gauche du canal vis à vis la première rangée de maisons de la Cité ouvrière. Ce ruisseau suit la rive du canal jusqu’à ce qu’il rencontre son lit naturel dans lequel il rentre en face le château de l’Aventure.

Outre le bras de L’Ailette qui formait l’île sur laquelle s’élevait la chapelle d’Arblincourt, il en existait un second qui se détachait de la droite de l’Ailette, vers les dernières habitations du Bac et qui traversait la prairie du midi au nord. Le lit n’existe plus, mais on en voit encore les traces. Il est probable que l’Oise, descendant de l’Est vers l’Ouest, coupait ce ruisseau dans ce débordement et, le prenant de travers, y aurait déposé des alluvions qui l’auraient rempli à la longue. Ce ruisseau passait à la route, près du second pont que l’on rencontre après le chemin des Vaches et prenait la direction vers le point de jonction de la petite rivière pour tomber dans l’Oise vis à vis les pâtis d’Abbécourt. C’est à ce point de jonction que s’élevait sur le territoire de Bichancourt, la borne des 3 diocèses.

Il était et est encore la limite des territoires de Bichancourt et de Manicamp depuis sa sortie de l’Ailette jusqu’à sa chute dans l’Oise.


TERRITOIRE, PRODUCTIONS, etc...


Jusqu’au commencement du siècle actuel, chaque section avait son territoire. Depuis l’organisation des communes sous le 1er Empire, le cadastre a tout réuni pour ne former qu’un seul territoire.

Le sol, à l’exception de la partie autrefois boisée, peut être considéré comme de première qualité, mais de culture difficile. Toute la partie à l’est, depuis le chemin de Pierremande venant à la Croisette et au pont du Ru, de là montant vers le nord, traversant le chemin d’Autreville, allant au chemin vert jusqu’à la route de Marizelle, était une continuation de la forêt basse. Le bois de St-Antoine, celui des Logettes, et quelques autres petits buissons ou bosquets de chênes, sont des restes de l’antique forêt. Le défrichement n’en a été terminé que vers 1825. L’emplacement de ces bois est clairement marqué par la différence de terre, par les charbonnières dont on voit toujours les traces et par l’absence de pommiers : les terres qui avoisinaient le bois à l’ouest sont plantées d’antiques pommiers.

Avant l’établissement des fabriques de sucre, vers 1840, la culture du chanvre était, après celle des céréales ordinaires, la production la plus répandue sur le territoire. L’industrie sucrière a fait remplacer le chanvre par la betterave qui, bien souvent, assure aux cultivateurs un meilleur revenu : cependant on n’a pas entièrement renoncé au chanvre pour lequel le sol semble avoir une propriété toute particulière.

On cultive aussi le haricot de Noyon.

Les productions de toute nature sont abondantes.

Des plantations de pommiers couvrent le terroir mais, bien ménagées, elles ne portent qu’un faible préjudice aux récoltes, préjudice qui est bien compensé par les fruits que rapportent ces arbres et que les ouvriers achètent chaque année à des prix élevés.

Les prairies forment une partie assez importante du territoire et ce n’est pas la moins riche. Elle s’étend depuis Marizelle, les bords de l’Oise, jusqu’au Bac. Elle donne avec abondance un foin de première qualité et qui est très recherché. L’Oise, par ses inondations,lui assure chaque année la fertilité. Les cultivateurs estiment leurs prés autant que leurs terres. Après la fenaison, la prairie devient pâture communale et la bonne qualité des herbes produit un excellent laitage avec lequel on fabrique des fromages renommés (fromages de Manicamp). Manicamp et Bichancourt ont la même prairie.

VALEUR DES TERRES

Si le prix élevé des terres, dans une localité, est la marque certaine de l’aisance des habitants, on peut dire que la commune de Bichancourt est riche. Le setier est toujours la mesure agraire connue dans les habitudes du pays : il contient 52 verges ou 26 ares, mesure légale. Il se vend depuis 1500 jusqu’à 3000 Frs, et cette même quantité a été vendue, en 1867, 4000 Frs. Ce terrain, il est vrai, est proche des habitations.

Les locations s’élèvent naturellement en proportion de la vente. Les petites parcelles pour jardinage sont louées 1 Frs et 1.25 Frs la verge et les propriétaires louent 30 Frs et même 40 Frs aux cultivateurs. Il faut que, par l’industrie, le sol soit devenu bien productif pour rendre aux cultivateurs, le revenu du prix d’acquisition, le prix de location, les frais de matériel de culture et la rémunération du travail.


INDUSTRIE, TRAVAUX DES HABITANTS.
LEUR POSITION DE FORTUNE .


Si l’établissement des fabriques de sucre dans la contrée a introduit sur notre territoire la culture de la betterave au préjudice de celle du chanvre, celui de la Glacerie et de la Soudière n’a pas moins contribué à ce changement. En attirant toute la partie ouvrière de la population,c’était arracher les bras à l’industrie chanvrière, c’était la détruire.

Elle était depuis des siècles l’industrie de la majorité des habitants de Bichancourt, de Marizelle et du Bac. Broyer, échanvrer, apprêter le chanvre pour le rendre propre à la corderie ou au tissage ; le filer et le tisser en toiles de ménage ou en treillis : c’était pour les familles une occupation de toute l’année. Chaque semaine, on portait au marché de Chauny, soit du chanvre tout façonné, soit du fil, soit du treillis et ce marché était ordinairement fort bien approvisionné.

Chanvrier ou tisseur sont les deux professions qui désignent, dans les actes religieux ou civils, la plupart des habitants. Ces professions ne promettaient pas fortune à ceux qui l’exerçaient, mais exempts d’ambition, ils y vivaient contents. On peut dire que c’est à ces modestes professions que Bichancourt était redevable de cette simplicité de moeurs et de vie qu’il a longtemps conservé. Ce genre de travail tenait les enfants en famille, sous la surveillance immédiate du père et de la mère, et les dispensait d’aller chercher ailleurs du travail, avec le danger de respirer un air tout autre que celui de la famille et de perdre, dès le jeune âge, les bonnes moeurs. Vers 1830, l’établissement de Chauny commença à prendre de l’extension et elle ne fit qu’augmenter d’année en année ; il fallait des ouvriers : on en demanda à toutes les localités voisines. On vint offrir à nos chanvriers et chanvrières un travail assuré pour tous les jours de l’année, un travail proportionné à l’âge et aux forces de chacun, enfin un travail bien rémunéré. Tous ne répondirent pas d’abord à cet appel : on voulut attendre l’expérience des autres ; mais en quelques années, hommes, femmes, garçons, filles abandonnèrent successivement le chanvre, le filage et le tissage pour aller chercher du travail à la Soudière. Et à l’époque actuelle, tous les hommes et jeunes gens qui ne sont pas cultivateurs ou qui n’exercent pas une profession sont ouvriers de la Soudière ou de la Glacerie.

Les hommes et les jeunes gens gagnent depuis 80 Frs jusqu’à 130 Frs par mois. Les garçons de 16 et 17 ans gagnent de 50 à 70 frs. Les femmes et les filles gagnent de 1.50 Frs à 2.50 Frs par jour, mais leur travail, et par conséquent leur gain n’est pas régulier comme celui des hommes. Il est certain qu’une famille bien administrée qui compte avec le père, un ou plusieurs enfants employés à l’usine, peut, à la fin de l’année, réaliser quelques économies.

Et si l’on ajoute à cette rémunération de travail les avantages offerts depuis une trentaine d’années par les établissements à tous les ouvriers : l’instruction donnée gratuitement à leurs enfants ; aux garçons par des frères de la Doctrine Chrétienne ; aux filles par les religieuses de St-Vincent-de-Paul ; un économat ou familistère où ils trouvent, avec réduction de prix, toutes les marchandises nécessaires à la vie et au vêtement, une retraite accordée aux ouvriers qui ont trente ans au moins de services, on comprend tout le bien être que ces établissements procurent à la plupart des familles de la commune de Bichancourt. Aussi les places d’ouvriers sont recherchées : c’est la meilleure position que les parents croient pouvoir donner à un fils. Et pour le mariage, une fille préfère un bon ouvrier au fils d’un petit propriétaire qui vit du revenu de son bien en le cultivant lui-même, parce qu’avec celui-ci il faut travailler, tandis que l’ouvrier gagne la vie de sa femme.

C’est donc à ces grands établissements de Chauny que Bichancourt et ses hameaux sont redevables de l’aisance qu’on y voit régner. Si quelques ouvriers, par intempérance, absorbent tout leur gain, d’autres, et c’est le grand nombre, économisent, placent à la Caisse d’Epargne, achètent de temps à autre quelques parcelles de terre, établissent convenablement leurs enfants et s’épargnent une petite retraite pour la vieillesse.

Voilà matériellement le côté bon et louable des établissements industriels de Chauny.

Mais d’un autre côté, ils sont pour les pauvres ouvriers la ruine des moeurs et de la santé du corps. Cette agglomération de deux mille ouvriers composée d’hommes de tous pays, d’habitudes de vie et de moeurs différentes n’est-ce pas un ensemble de causes de démoralisation pour les ouvriers et pour les jeunes gens surtout.

Le travail de nuit, les voyages par tous les temps, les vapeurs méphitiques qui se font sentir à une distance de plus de deux kilomètres et au milieu desquelles il faut rester enfermé pendant douze heures, la chaleur brûlante des fours, les acides les plus corrosifs, le mercure, etc... sont autant d’éléments meurtriers qui minent et détruisent les autres, sans parler des morts accidentelles qui ne sont que trop fréquentes et des accidents de toutes sortes.

Les avantages matériels que procurent les fabriques peuvent-ils compenser de si graves inconvénients ? assurément non.

HABITATIONS

Les anciennes habitations étaient très simples et très pauvres. Il en reste encore quelques-unes et avant qu’elles disparaissent entièrement, il m’a semblé que l’on pouvait en laisser une courte description.

Déjà on se demande comment des familles aisées ont pu habiter de pareils réduits : l’étonnement ne fera qu’augmenter avec le temps. Voici donc la matière et la forme de ces habitations :

Des fondations en pierres qui ne sont ni taillées ni cimentées s’élèvent un peu au-dessus du sol ; elles sont recouvertes d’une pièce de bois c’est la base de l’habitation. Sur cette base s’élèvent des potelures destinées à consolider le mur et à régler sa hauteur ; elles sont assujetties par une traverse de bois qui forme l’entablement. Des lattes ou des bâtons cloués aux potelures les lient entre elles et en garnissent les intervalles. Le tout est flanqué de terre forte pétrie avec du foin : voilà la maçonnerie.

La charpente se compose de perches non écorcées, plus ou moins fortes selon la place qu’elles doivent occuper. Elle supporte une couverture en paille, descendant de chaque côté pour abriter le mur dans les pluies abondantes. La porte est basse et un homme ne peut passer, sans se baisser, d’abord sous la bordure du toit et ensuite sous le linteau de la porte. La hauteur du plafond est réglée sur la taille d’un homme ordinaire, couvert de son chapeau. Le carrelage n’est pas commun dans ces habitations ; c’est la terre plus ou moins aplanie, mais toujours humide. La place d’entrée est la cuisine ; on y voit un foyer et un four ; une seule petite fenêtre donne le jour et il est souvent intercepté en partie par la bordure du toit. C’est là que reste la famille. A côté se trouve une autre place dans laquelle on voit deux ou trois lits : c’est le dortoir commun. Cette pièce est à peine éclairée. Il en est même qui n’ont d’autre ouverture qu’un petit trou pratiqué par le mur de terre et qu’on ferme la nuit avec un bouchon de paille. Quand ce dortoir a plus d’étendue que l’exige le nombre de lits, on y voit des tonneaux de cidre, des fûts vides, du bois, de la paille, etc... pour remplir l’espace qui n’est pas occupé par les lits. Point d’ameublement : les vêtements sont suspendus au plafond.

On se demande comment les anciens pouvaient habiter des maisons qui présentaient de si mauvaises conditions hygiéniques, privées d’air, de jour, de salubrité et comment ils pouvaient jouir d’une santé robuste : la tempérance, les plaisirs sains, la modération dans les désirs atténuaient sans doute les funestes influences que de telles habitations pouvaient exercer sur leurs constitutions.

Plus tard, on bâtit dans de moins mauvaises conditions ; on remplaça la terre par la brique mais en laissant toujours le bois. De nos jours, les constructions sont plus solides et plus élégantes, bâties en pierres et en briques et couvertes en ardoises ; les planchers sont suffisamment élevés ; des ouvertures plus grandes et mieux disposées donnent le jour et l’air et par conséquent, la salubrité : il y a donc progrès sous ce rapport. Mais il est toujours à regretter que les nouvelles constructions soient basses et écrasées pour la plupart et le pavé au niveau du sol : ce qui ôte de la grâce à une construction d’ailleurs bien faite et donne dans l’intérieur, à cause de la nature du sol, une humidité qui n’existerait pas si l’on donnait un peu plus d’élévation.


VIE DE FAMILLE


J’appelle vie de famille pour les habitants de la campagne ces petits moments qui se présentent plusieurs fois par jour où le père et la mère prenant leurs repas, et se reposant de leurs travaux, se trouvent réunis avec leurs enfants, engageant de petites conversations douces et agréables pour les parents, utiles et amusantes pour les enfants. Ce sont d’heureux moments pour la famille ; c’est la plus douce jouissance d’un père et d’une mère ; c’est le développement de d’affection et du respect des enfants pour leurs parents ; c’est la vie de coeur pour tous les membres de la famille.

Mais la vie de famille, ainsi définie, n’est presque plus du temps actuel. Elle n’est plus pour ainsi dire, qu’une petite société naturelle, mais il y a pour notre localité cette différence qu’elle est presque toujours sans chef.

Si le père est un ouvrier des usines de Chauny, son travail est toujours de 12 heures ; de six heures du matin à six heures du soir et réciproquement. Les enfants de Bichancourt, Marizelle et le Bac vont à l’école à Bichancourt de 7 h ou 7h.30 à 4 H.30 du soir. Le père ne peut voir son enfant le matin car il part à 5 heures ou revient à 7 h. ou 7 h.30. Il y a le soir. Mais ce pauvre père revenant d’un pénible travail est épuisé de fatigue et de faim ; il a besoin de repos et de nourriture ; d’ailleurs abasourdi toute une journée par le bruit des machines et par les cris des ouvriers, est-il capable d’avoir avec son épouse et ses enfants ces petits entretiens de famille ? Comprend-il même qu’il y trouverait un doux et agréable repos ? Non . C’est une machine qui a fonctionné pendant une longue journée et qui ne demande qu’à réparer les pertes causées par l’exercice d’un pénible travail. Le père ne peut donc voir ses enfants qu’un moment et comme en passant.

Les enfants sont laissés à la direction et à la surveillance d’une mère ordinairement trop faible. Les unes donneront un bon conseil, de petites recommandations pour la journée ; les autres donneront les provisions du jour et les enverront à l’école en disant : me voilà bien débarrassée. Voilà où en est à peu près la vie de famille chez ces ouvriers.

Mais chez les cultivateurs, dira-t-on, elle se trouve dans de meilleures conditions ? Ordinairement non. Le père fait par lui même tous les travaux de culture et de cour. En été, il est dans les champs et alors ses heures de travail ne sont pas réglées, ni par conséquent ses repas. Quand les jours sont plus courts, il ne rentre pas à la maison à midi (ou ne fait, dit-on, qu’une attelée) ; généralement, il ne voit ses enfants que le soir pendant le souper. Mais tout entier à ses intérêts, à ses affaires il est pensif et rêveur ; il prend son repas à la hâte et en silence, son esprit et peut-être son coeur sont à ses biens bien plus qu’à sa famille. Chez la plupart de nos habitants, il n’y a donc pas de vie de famille : on ne la trouve que dans un petit nombre de maisons et il s’ensuit que l’intelligence des enfants n’est pas mise en jeu de bonne heure par de petites causeries à leur portée ; aussi est-elle généralement lourde. Ils comprennent difficilement ce qu’on leur dit, ne répondent presque jamais à une question. M. Vernier dit d’eux : `` En traversant Marizelle, souriez aux enfants qui vous regardent de tous leurs grands yeux, la bouche ouverte avec cette expression de félicité que Teniers savait si bien peindre et dont il aurait pu trouver ici plus d’un type. ’’

Ils vont à l’école, dira-t-on, mais là tout est grave et sévère, pour eux ; elle ne peut remplacer pour des jeunes la douceur, la facilité, le laisser-aller des entretiens de famille.

Disons toutefois que ce défaut d’intelligence ne se remarque que chez les garçons ; les filles, à quelques exceptions près, montrent de l’intelligence. Quelle est la cause de cette différence ? Ne serait-ce point parce que la petite fille est souvent en rapport avec sa mère et que les paroles de celle-ci vont plus directement à son coeur, tandis que les absences journalières du père, isolent pour ainsi dire, ce pauvre petit pour lequel les paroles d’une mère n’ont ni le même attrait, ni les mêmes sympathies que pour une fille.

Enfin, dans beaucoup trop de familles, les enfants ne connaissent pas cette religieuse habitude de saluer leurs père et mère matin et soir, pratique si exactement observée partout. N’est-ce point encore à l’absence du père qu’on peut attribuer cette omission ?


VIE DE SOCIETE


En considérant les deux classes d’hommes : cultivateurs et ouvriers de fabrique qui composent la commune, on comprend que les mêmes causes, qui nuisent à la vie de famille, nuisent à la vie de société. Mais à ces causes qui sont particulières à notre localité : il faut ajouter celles qui sont générales : l’égoïsme, cette grande plaie de la société actuelle, la jalousie entre parents et chez les cultivateurs entre eux ; la défiance des uns à l’égard des autres ; de nombreuses divisions pour cause d’intérêt ; enfin une certaine prudence chez quelques-uns, qui pour ne rien entendre sur la conduite et les affaires des autres et pour n’être point exposés à dire des paroles qui pourraient être reportées, se privent de toute société. Autant de causes qui empêchent les réunions de frères, d’amis, de voisins.

Il faut dire à la louange des pères de famille, que généralement ils ne connaissent pas ces fréquentations de cabaret trop en usage le dimanche dans beaucoup de communes. Est-ce par tempérance ? N’est-ce pas plutôt par économie et par éloignement du monde ? Quels que soient les motifs, le résultat et toujours un bien.

DIVERTISSEMENTS ET JEUX DE LA JEUNESSE ET DES HOMMES

Les danses ont toujours été et seront toujours probablement le divertissement favori de la jeunesse, quoique les jeunes gens montrant pour elles beaucoup moins d’ardeur que les filles. Autrefois, elles se tenaient sur la place et commençaient , en été, aussitôt les vêpres pour jusqu’au coucher du soleil. Une jeune fille qui serait rentrée plus tard à la maison paternelle aurait été fort mal accueillie. A ces danses publiques, les mères étaient présentes, les spectateurs nombreux ; tout, du moins extérieurement s’y passait aussi décemment que possible. En hiver, elles se tenaient en salle, mais à la chute du jour toute la jeunesse sortait.

Depuis environ cinquante ans, il s’est produit un retard dans l’ouverture et la sortie des danses. Quelques années après elles eurent lieu en salle en toute saison : les sorties s’effectuent à 10 heures en tout temps, même à 11 heures et 12 heures parfois, car l’autorité accorde des permissions les jours de fête.

Cependant, peut-on ne pas blâmer la faiblesse des mères qui vantent sans cesse la sagesse de leur temps et qui tolèrent et encouragent même des plaisirs et des abus si compromettants pour l’honneur et la vertu des filles. Ces sorties nocturnes qui sont toujours dangereuses même dans les communes agglomérées, le sont bien plus dans une commune dispersée comme celle-ci.

Un maire avait interdit les danses renfermées en 1862 et 1863. La jeunesse dansait sur la place, mais n’y trouvant probablement plus le plaisir d’antan, elle cessa de s’y rendre. Les cabaretiers, dont les intérêts étaient lésés par la cessation des danses, se plaignirent au préfet qui taxa le maire d’abus d’autorité et lui enjoignit de laisser la jeunesse se divertir à son gré. Dès lors, deux salles de danses s’ouvrirent : l’une à Bichancourt, l’autre à Marizelle.

La fête patronale de la commune a lieu le dimanche qui suit le 4 juillet , jour où se célébrait, sous l’ancienne liturgie laonnoise, la translation des reliques de St Martin, patron de la paroisse. Voici l’ordre de cette fête :

Le Dimanche ou premier jour est donné à Bichancourt : le lundi matin, on démonte les tentes, les estrades, les lampions ; tout déménage pour aller s’installer à Marizelle où la fête continue deux jours. Là, la fête est belle ; la foule y est grande à cause du voisinage de Chauny.

Le Bac voulut aussi avoir sa fête ; les cabaretiers l’ont fixé au dernier dimanche de septembre, la faisant concourir avec la fête de saints Côme et Damien, patrons de l’ancienne chapelle en l’isle.

Les jeux de balles et de tamis étaient autrefois fort en vogue ; les hommes et quelques jeunes gens s’y livraient tous les dimanches. Ces jeux intéressaient : les spectateurs étaient nombreux ; l’habileté ou la maladresse des joueurs, faisaient retentir les rues de cris, d’applaudissements ou d’éclats de rires. C’est ainsi que nos pères faisaient participer toujours le public à leurs jeux.

Dans quelques communes voisines, il existe des compagnies de jeu d’arc. Ce jeu paraît n’avoir jamais été connu à Bichancourt. Le genre de travail et le caractère des habitants portent à présumer qu’il ne s’introduirait que difficilement dans leurs goûts et leurs habitudes.

Le billard qui était naguère le jeu des grands et qu’on ne voyait que dans les châteaux et les villes, est maintenant descendu dans quelques cabarets de nos villages. Il plaît à nos jeunes gens et surtout à ceux qui font leur entrée dans le cabaret ; mais je doute que les mains habituées à manier la charrue et d’autres instruments non moins rudes, aient jamais l’aptitude pour ce jeu. Ils jouent assez rarement aux cartes.

En résumé, on peut dire que la jeunesse n’a pas de jeu : elle préfère une courte apparition à la danse où souvent elle ne danse plus, mais se promène, et une longue séance à la table d’un cabaret, une cigarette ou un cigare à la bouche, et le verre à la main.


CARACTERE GENERAL DES HABITANTS


On peut dire que chaque section de la commune a son caractère particulier. A Bichancourt, les esprits sont calmes, sérieux et positifs ; à Marizelle, on remarque plus d’entrain et les esprits sont plus exaltés ; ils ont des dispositions pour les querelles, les cabales, les procès. Le Bac se rapprocherait du caractère de Bichancourt.

La simplicité des habitants est depuis longtemps proverbiale. Dans les pays voisins, on dit encore qu’ils sont en retard d’un siècle et on se plaît à raconter certaines anecdotes ridicules sur leur compte. Mais cette simplicité est toute dans l’extérieur et nullement dans le coeur.

Cependant il reste encore quelques types de cette bonne antique simplicité qu’on trouve difficilement ailleurs. Ils manquent de dignité dans leurs manières d’être en famille dans leurs procédés, dans leurs rapports entres eux. Ils sont opiniâtres dans leurs idées, se butent lorsqu’on veut les éclairer pour les faire sortir d’une idée fausse et injuste, et, par fierté, ils n’acceptent pas un avis, une remontrance quelque juste qu’elle soit, quelque modérée qu’en soit la forme. Ce défaut qui vient de l’orgueil se trouve partout mais à cause de notre simplicité apparente, il se montre mieux à découvert. Ils sont très sensibles à une visite et aiment les honneurs et les distinctions.

L’égoïsme, qui est un vice général de notre temps, est dissimulé ailleurs par une apparence quelconque de vie sociale ; visites reçues et rendues, réunions de parents et d’amis, etc... Ici, c’est l’égoïsme sans déguisement, tout pour soi, tout chez soi.

Je m’empresse de dire que cette appréciation du caractère des habitants ne s’applique pas à tout : il y a des exceptions. On peut compter un certain nombre de familles dans lesquelles se rencontrent une réelle bienséance et une certaine dignité.

Les mariages entre parents sont ici fort nombreux à tel point que l’on en voit qui se sont succédés jusqu’à trois fois dans la même famille. Chez les riches, c’est pour éviter le morcellement de la propriété, et dans la classe d’ouvriers, pour ne pas aller chercher dans une commune voisine un parti, s’allier à une famille qu’on ne connaît pas assez bien.

Mais une remarque sensible qui ne peut échapper à l’oeil tant soit peu observateur, c’est que les fruits de ces mariages sont presque toujours entachés d’un défaut ou dans l’intelligence, ou dans la constitution : chez les uns c’est de l’idiotisme plus ou moins caractérisé ; chez les autres, une constitution malingre, lymphatique, rachitique. Il est rare de ne pas reconnaître à quelques uns de ces signes les enfants issus de mariages entre parents, et l’âge ne guérit pas de ces infirmités de la naissance.

C’est par la suite de ce défaut dans l’intelligence que nous comptons habituellement une douzaine de vieux garçons qui manquent d’ouverture et d’entrain, qui semblent avoir peur du monde et du mariage. On les voit rarement aux cabarets.

Les habitants de Bichancourt tiennent au sol natal : les ouvriers parce qu’ils trouvent dans les fabriques un travail assuré et de tous salaires ; les propriétaires parce qu’ils veulent transmettre à leurs enfants leurs propriétés et leur maison. Aussi ne mettent-ils pas leurs enfants en pension quoiqu’ils le pourraient, dans la crainte qu’ils ne prennent des goûts opposés à leurs intentions et ils disent qu’avec l’instruction de l’école, leurs enfants en sauront assez pour être cultivateurs comme eux.

On ne montre point d’émigration ; les pères de famille, pleins de défiance pour certaines positions hasardeuses après lesquelles courent tant de jeunes gens, et dans lesquelles ils ne trouvent trop souvent que déception, regardent avec raison la culture comme la meilleure position qu’ils puissent donner à leurs enfants.


EGLISE
EPOQUE DE SA CONSTRUCTION
PRINCIPAUX TRAVAUX EXECUTES


Pour établir l’époque de la construction de l’église de Bichancourt, je ne puis puiser à des sources plus authentiques que celles des archives de la paroisse.

Les archéologues disent tous qu’elle date du seizième siècle, mais les comptes de fabrique, qu’on a le rare et précieux avantage de conserver depuis 1570, font connaître l’année où chaque partie de l’église a été construite. Aussi, je crois n’avoir rien de mieux à faire que de recueillir sur chaque compte, année par année, les articles qui ont rapport à la construction. Ce travail aura l’avantage de réunir dans un seul cadre des renseignements disséminés dans de volumineuses archives, de renouveler par une écriture moderne en conservant toutefois l’orthographe des titres pleins d’intérêt par leur antiquité et dont la lecture peut, bientôt peut-être, devenir impossible ; afin de transmettre à la postérité de nombreux exemples de désintéressement et de zèle des habitants pour la construction de l’église.

Cependant, certaines obscurités se présentent à cause des lacunes que nous trouvons dans la collection des comptes, par le peu d’éclaircissement qu’ils donnent dans l’énoncé des articles, sur la nature des travaux, sur la partie de l’édifice où ils ont été exécutés ; quelquefois la dépense figure sans en spécifier l’objet.

De plus, nous ne trouvons aucune des dépenses qui se rattachent à la construction du sanctuaire ou de la nef, ni de ses bas-côtés, parce qu’elles étaient à la charge du gros décimateur qui était l’abbé ou l’abbaye de Nogent, comme le prouve la charte d’Elinand II , de 1089 :

"Ego egitur Elinandus, Laudunensis Dei gratia præsul, notum esse volumus præsentibus et futuris, qualiter exclesiæ Sanctæ Mariæ, quæ sub monastica religione, apud Noviandum sita est, quatuor altaria de Petramanda videlicet et Chaum, et Becencurte (Bichancourt) et Folembraio ... contulimus" (Hre de Coucy)

Et cet extrait d’un dénombrement :

"Altare de Beshencurte, hospites atrii, terras, silvas, prata 1145 ( Cart. de Nogent)".

La construction de la nef et probablement du sanctuaire est antérieure à 1570, car on lit à la clef de la voûte de la nef les noms de deux marguilliers, sous l’exercice desquels cette voûte a été faite : Descarsin Daniel, m. - Guilbert Nicolas, m. -

Les recherches les plus minutieuses n’ont pu me faire découvrir leurs noms. Figuraient-ils sur un des registres qui manquent à la collection ? Non, car les marguilliers étaient choisis parmi les hommes recommandables de la paroisse, on trouverait leurs noms parmi les auditeurs de comptes ou parmi les locataires de biens : d’où je conclus que tous deux étaient morts et que par conséquent la construction de la nef remonterait peut-être à 1560 environ.

Consultons les archives :

Compte pour ung an commenchant le 1 jour de may mil cinq cent soixante et dix et finissant en pareil jour mil cinq cent soixante et onze : "Payez à Hubert Nictre et à Mathias Mahuche pour avoir porté de la terre en la dicte église et remplir les fosses pour ce VIII s.

C’est le nivellement du sol après la construction, l’église n’étant pas encore pavée.

Trois cloches neuves ont été suspendues pendant cet exercice(4) . Elles ont été payées en partie par la fabrique qui a fait un emprunt à Jacques Brochard, maire de Marizelle et en partie par les habitants. Le remboursement a commencé sous le présent exercice comme on le voit par les deux reçus qui suivent :

Reçu de trente cinq livres délivrés à Jacques Brochard à tamain des comptes par luy rendus ....de ce quy luy est deubs, 13 May 1571.

Reçu par moy Jacques Brochard en présence de .... pour reste de plugieurs sommes quy estaient deubs au dict Brochard pour plusgieurs sommes que Jacques Montain et Jacques Seury, naguère marguillers, doibvent au dict Brochard la somme de sept livres quatorze sous, six deniers.

Suivent les articles de détail pour accessoires de la nouvelle sonnerie.

Le remboursement dont je viens de parler se termine l’année suivante ainsi que l’atteste le reçu passé devant Pierre Jehan Testart, prêtre, vice-gérant de l’église Monseigneur Sainct Martin de Bichancourt ; Simon Mouret, Lieutenant ; Jacques Brochard, maire de Marizelle, Paul Benoît, procureur.

L’acquisition d’une nouvelle sonnerie a donc été faite en 1569. Jacques Brochard, maire, a fait à la fabrique une avance de fonds pour payer les cloches et ces fonds lui ont été remboursés sous les deux exercices suivants. Le compte ne donne pas la quotité de l’offrande des habitants.

Cette coïncidence de construction de l’église et de l’acquisition de cloches me porte tout naturellement à en rechercher les causes.

Dans le travail que j’adressais en 1895 à la Société Académique des arts et belles-lettres de Haute Picardie, j’avais écrit :

Serait-ce la foudre qui aurait frappé le clocher, incendié l’église et mis les cloches hors de service ? Nous voyons plus bas que la chapelle de la Sainte Vierge de l’ancienne église est restée pour faire partie de la nouvelle. Aurait-elle seule échappée à un désastre ? Rien qui nous renseigne.

En compulsant certains ouvrages d’histoire, j’ai vu que la reine de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas envoya une armée en Picardie pendant le siège de Metz (1552) avant que Henri II, roi de France, eût rassemblé la sienne. Cette armée, commandée par le comte de Roeux, y commit des cruautés horribles, brûla les villes de Noyon, Nesles, Chauny et, dit-on plus de sept cents villages aux environs. Par ordre exprès de cette princesse, et pour faire un affront personnel au roi, on renversa de fond en comble le beau château de Folembray, que François I avait fait bâtir.

Ces faits, avec la coïncidence de dates, ne permettent-ils pas de supposer que l’église de Bichancourt fut incendiée par ces barbares.

De 1573 à 1576, il n’y a aucun détail sur les travaux de construction.

Exercice 1576 - 1577. A la recette, on lit : Paié à Nicaise Hutin, couvreur en ardoise à Folembray, pour avoir couvert de son mestier les abavents d’icelle Eglise, que pour les plombs qu’il a livrés pour jectter les eaux dessus, les piliers et pour deux mille clous. XVIII livres.

Item qu’il a été paié par advance audit Hutin pour et en tamain de la somme de soixante livres pour recouvrir tout le dict clocher et qu’il est tenu faire et est obligé, la somme de VI livres.

Exercice 1580 - 1581 :

Paié à Michel Duhval et Henry Olyvier, massons à Chaulny, quatre livres seize sous pour repaver le choeur et refaire ung rouplage à ungue varyere de la chapelle St-Nicolas.

Aux mêmes, dix-neuf livres pour le premier marché à eulx faict pour faire les rouplages des varyeres et marche pied d’otelz. Ces rouplages me paraissent être les tympans ou la partie d’architecture qui couronne chaque fenêtre, qui est faite après et adaptée à l’ouverture.(5)

Exercice 1582 - 1583 :

Payé à la veufue Godard pour le boys de la tourelle du clocher : V livres.

Pour la fasson d’icelle baillée aux charpentiers la somme de LXXVI sous.

Exercice 1584 - 1585 :

Payé aux couvreurs sur et en témoing du marché que nous avons avec eux pour avoir recouvert le clocher XVII livres XII sous.

Quand il s’agit de couverture, c’est toujours le clocher, ce mot "CLOCHER" me parait être pris indistinctement pour toutes les parties de la couverture.

Exercice 1586 - 1587 :

Construction de la voûte du choeur.

Comptes à divers :

Après clôture des compte des comptes, on trouve cette note : Les habitants et manens du dict Bichancourt, ont ordonné aux susdits marguillers pour avoir fait plusgieurs voitures de pierre tant à Oudinicourt (Audignicourt) qu’à Folembray, la somme de IIII livres X sous, témoings nos seignes.

Or la clef de la voûte du choeur est gravée à cette date 1586, ce qui est parfaitement d’accord avec l’année de compte sur lequel la dépense est consignée.

En examinant les voûtes dans toutes les parties de l’église, on remarque que les moulures des nervures ne sont pas les mêmes, serait-ce à dessein de la part de l’ouvrier ? Ne serait-ce pas plutôt parce qu’ayant été faites quelques années d’intervalles, il y aurait eu changement d’ouvrier et, par suite, différence de moulures.

Aux voûtes des bas-côtés de la nef , les nervures sont les mêmes.

Exercice 1593 - 1594 :

réception des travaux.

Exercice 1598 - 1599 :

Marché pour une nouvelle sonnerie.

De nouvelles cloches ont été montées en 1569. Une ou plusieurs d’ entre elles ont sans doute été cassées pour nécessiter une refonte. On a profité de cette opération pour ajouter à la sonnerie une quatrième cloche : de là le remaniement du beffroi. Les quatre cloches furent montées à la veille de la Toussaint, le 31 octobre 1599.

Construction d’une chaire.

Exercice 1600 - 1601 :

Payez au fondeur de cloches Herry Ledin de Marle la somme de XIV livres.

Exercice 1601 - 1602 :

Verrières peintes dans les bas-côtés.

Exercice 1605 - 1606 :

Pavage de l’église en briques.

Exercice 1606 - 1607 :

Fermeture du choeur et des chapelles de l’église.

Exercice 1610 - 1611 :

Construction de la chapelle de la Sainte-Vierge.

Exercice 1612 - 1613 :

Fourniture de vitres pour la chapelle Notre-Dame.

Exercice 1636 - 1637 :

Travaux d’assainissement du pavé de l’église.

Exercice 1668 - 1669 :

Nouveau carrelage de l’église.

Exercice 1675 à 1677 :

Construction d’une nouvelle sacristie.

La sacristie paraît avoir été originairement au nord du sanctuaire ; on a conservé à l’intérieur la forme la porte et à l’extérieur, on voit encore les traces d’un apprentis placé entre deux contreforts.

Exercice 1685 - 1686 :

Peinture et dorure du Rétable et des lambris et construction des bancs de la nef.

Exercice 1689 - 1690 :

M. Duval, sculpteur de Coucy fait les statues du portail.

1701 : INCENDIE DU CLOCHER

Le 17 août 1701, il a fait un si violent orage que les plus anciens de ce temps n’en avaient jamais vu un pareil. Il a duré depuis dix heures du soir jusqu’à six heures du matin, entre le mercredi et le jeudi. Il a brûlé le clocher de Bichencourt, (extrait des registres de bâptèmes, mariages et sépultures de la paroisse de Manicamp).

On accommode ensuite des roseaux pour boucher le "cloché qui a été bruslé".

Exercice 1702 à 1706 :

Travaux au clocher. Raccommodage des bancs de l’église qui avaient été rompus quand le clocher a esté bruslé.

Dans ce désastre causé par la foudre, les cloches entraînées par la ruine et la chute de la charpente et du beffroy ont été brisées ou du moins mises hors de service : ce qui nécessite une refonte.

Jusqu’en 1715, on trouve des articles de menues dépenses qui se rattachent à la reconstruction du clocher, à la suspension des cloches, à la réparation des dégâts causés par l’incendie.

Jusqu’en 1745, on ne voit aucune dépense ni pour l’édifice ni pour l’ornementation.

Exercice 1745 :

On fait le portique de l’entrée du choeur.

Exercice 1760 :

Carrelage de la nef et du sanctuaire.

Exercice 1773 :

Travaux sur la sacristie et de la chapelle St-Sébastien.

Exercice 1787 :

Rallongement de la sacristie.

Je résume les détails que nous donnent les archives pendant une période de 220 ans.

L’abbé et les religieux de Nogent étant gros décimateurs, se trouvaient obligés de coopérer à la reconstruction de l’église. Les cultivateurs ont fait à la corvée les charrois de matériaux. La grosse construction était à peu près terminée en 1570 et il ne restait que certaines parties de détail.

Aussi, voyons-nous, en 1769, suspendre trois cloches neuves, orner les ouvertures de rosaces pour recevoir les verrières, puis les couvertures du clocher, de la nef, etc... et en 1586, la construction de la voûte du choeur, le pavage de l’église. Tout cet ensemble me paraît annoncer la fin des travaux de construction.

En effet, en 1593, voyons-nous la réception des travaux de maçonnerie et de charpente.

Le silence des archives pour les travaux de construction de l’église paraît également à la reconstruction du clocher en 1701. C’est grâce aux archives de Manicamp que nous connaissons la cause, le jour, l’année du sinistre dont il est parlé plus haut.

Vingt-cinq à trente ans se sont écoulés du commencement à la fin des travaux. On a complété l’édifice en construisant la chapelle de la Sainte-Vierge (1610) et une sacristie (1695).

En 131 ans, la sonnerie fut trois fois renouvelée : en 1569, en 1598 et en 1701. Pour cette dernière fois seulement la cause en est connue.

Pourquoi ce renouvellement de lambris, de bancs, de tableaux, de pavés ? C’est l’humidité. De tout cet ameublement, il ne reste que les stalles et les lambris du choeur.

Mais l’église, avec sa riche et élégante architecture qui réunit à la bonne exécution des travaux la solidité des matériaux, soutenue par la force de ses majestueux contreforts reste debout et traversera encore plusieurs siècles.

En 1792, sous la Terreur, les républicains égalitaires ont abattu le clocher et enlevé deux cloches. Pour couvrir cette partie de l’église, on fit continuer le toit de la nef en la terminant par une croupe sur le portail. C’est sous ce toit que fut suspendue la seule cloche laissée par le District de Chauny.

Cette cloche portait la légende suivante :

L’an 1701, j’ai été bénite par messire Quentin Sauvaige, curé de Bichancourt et nommée Marie-Louise par haut et puissant seigneur de Harcourt comte de Beuvron et haute et puissante demoiselle Mademoiselle Louise de Harcourt, fils et fille de très haut et très puissant seigneur, Messire Henri, Duc de Harcourt, Lieutenant Général des camps et armées du roi, et dans sa province de Normandie, gouverneur de Tournay, et son ambassadeur extraordinaire en Espagne, et de très haute et très puissante Dame Marie Anne Claudine Bruslart de Genlis son épouse, leurs père et mère, seigneur et dame de ce lieu.

Un demi-siècle s’écoule avant que d’autres travaux soient exécutés.

Exercice 1835 :

On établit la grille du choeur.

Exercice 1843 :

Acquisition de la statue Saint-Nicolas.

Exercice 1846 :

Construction d’une voûte sous le clocher.

Exercice 1848 :

Etablissement d’une tribune pour recevoir un orgue.

Exercice 1849 :

Acquisition d’un orgue : 6600 Frs.

Exercice 1862 :

Enlèvement des terres de l’ancien cimetière et dépense de 1000 F pour l’ornementation de l’église.

Le Conseil municipal vote 15 000 F pour la reconstruction de clocher.

Exercice 1868 :

Achat de nouvelles cloches pour une dépense totale de 9 845 F, fournies par M. Cuvillier de Carrépuis.

Le poids total des cloches est de 2636 Kg ; la première pèse 1181 Kg, la deuxième 844 Kg, la troisième 611 Kg.

Une souscription procure 2 500 F.

Le Conseil municipal vote 5 000 F.

L’ancienne cloche vendue donne 1 929 F.

Ces trois cloches, qui forment une des plus belles et des plus fortes sonneries du canton de Coucy, portent toutes trois la mention suivante :

"L’an de grâce 1863, j’ai été bénite par Monseigneur Jean-Joseph Christophe, évêque de Soissons et Laon, en présence de M. Boileau, curé-doyen de Coucy-le-Château et de M. Parmentier, curé de la paroisse".

Sur la plus grosse, mesurant 1,26 m de diamètre et 1,04 m de hauteur, nommée Marie Euphrasine par Maître Joseph Nicolas Symphorien Cugnet et par Mme Marie Euphrasine Souaille, épouse de M. Louis-Ferdinand Gadiffert, maire de la commune, on lit :

"Laudate Dominum in cymbalis bene sonantibus".

Sur la moyenne, mesurant 1,13 m de diamètre sur 0,92 m de hauteur nommée Josèphe Mélanie Dutigny, épouse Boudoux, membre du conseil municipal, on voit :

"Laudate cum in cymbalis jubilationis."

Sur la petite, mesurant 1 m de diamètre sur 0.84 m de hauteur, nommée Martine Bathilde par M. Jean-Claude Benoît et Marie Bathilde Joséphine Leroy, épouse de M. Rémy Béguin, membre du Conseil de fabrique, on lit :

"Omnis spiritus landat dominum".

Monseigneur Christophe étant venu donner la confirmation à Bichancourt au mois d’avril précédant avait promis à M. le Curé de bénir les cloches, mais la mort l’en empêcha et ce fut M. Boileau, doyen de Coucy qui présida la cérémonie de bénédiction le 27 septembre 1863. Les inscriptions étant faites on les laissa telles.

Plus tard, on embellit le choeur de trois vitraux représentant la vie de Saint-Martin.

De 1873 à 1881, on renouvelle les fenêtres de la nef, on draine le pourtour nord de l’église et on construit le presbytère actuel.

De 1881 à 1889, on construit la chapelle St-Nicolas et on achète la verrière de cette chapelle.

De 1889 à 1896, l’église est ornée de douze lampes-appliques dues à la générosité d’une personne de Bichancourt. Le choeur, la grille de communion, les contreforts intérieurs sont restaurés et peints.


L’ANCIEN CIMETIERE


L’ancien cimetière se trouvait au sud de l’église et était limité à l’ouest pour la route de Marizelle à Vézaponin et au sud par le chemin de Bichancourt à Autreville.

Le 4 juin 1832, le conseil municipal délibéra pour l’établissement d’un nouveau cimetière. On acheta 12 ares 10 ca de terre au nord de l’église pour 830 Frs.

Jusqu’en 1849, on continue à inhumer dans l’ancien cimetière, mais le 10 février de cette année, M. Le Préfet commanda de faire immédiatement cesser toute inhumation dans ce cimetière.

On a vu plus haut que l’enlèvement des terres se fit en 1862. Les ossements recueillis furent placés dans cinq cercueils et enterrés dans le nouveau cimetière.

On entoure actuellement cet emplacement de nouvelles barricades.


HISTOIRE DE L’ANCIEN ORGUE


La commune de Bichancourt racheta en 1790, l’orgue de l’église Saint-Martin de Chauny.

La tribune pour le recevoir fut construite sous l’arcade comme celle d’aujourd’hui, mais elle était beaucoup plus avancée dans la nef.

L’ancien orgue et sa tribune ne restèrent dans l’église que jusqu’au commencement de 1793.

M. Philippoteaux, curé, dit à ce sujet :

"L’orgue alors, et la tribune disparurent, tout fut détruit par les agents de la tyrannie, c’est à cette époque à jamais lamentable que disparurent de notre belle église toutes les richesses, les statues, les sculptures, tous les ornements intérieurs et extérieurs et le superbe clocher".

On en parla plus d’orgue avant 1848. M. Bertaux, curé, fit une quête qui produisit plus de 5000F et l’année suivante, on fit l’acquisition d’un orgue de 6 600 F.


HISTOIRE CHRONOLOGIQUE DES PRETRES

J’ai pu trouver le nom des curés qui ont exercé à Bichancourt depuis 1526 jusqu’à nos jours.

- 1526 : Bailliet Gérard

- 1570 : Testart Jehan

- 1581 : Leclert Anthoine (frère)

- 1612 : Desiardins Jacques

- 1623 : Coeurderoy Pierre

- 1624 : Drassier

- 1625 : Darfon Michel Claude

- 1638 : Patte Charles Antoine

- 1665 : Boulanger Jacques

- 1672 : Boulanger Andrien (frère malade)

- 1677 : Deledde Jean Bernard (5 mois)

- 1677 : Sauvaige Quentin

- 1705 : Sauvaige Louis

- 1705 : Pottier René (meurt à Bichancourt)

- 1707 : Brion Nicolas

- 1721 : Lefèvre Michel Martial

- 1731 : Manceau J. Bte

- 1733 : Desains

- 1735 : Patez Joseph (2 mois 1/2)

- 1735 : Constant

- 1737 : Houan J.M.

- 1739 : Goubbaulth

- 1742 : Leclère

- 1742 : Gautier Pierre

- 1774 : Macqueret Pierre Louis Godefroy

Le registre dit que ce curé quitta Bichancourt le 25 septembre 1791 préférant s’exiler que d’exposer sa conscience par des serments illicites ! Le manuscrit de la mission laonnoise dit que M. Macqueret, curé déporté, est rentré avant le 18 fructidor, mais qu’alors il est reparti sans avoir rencontré personne dans sa paroisse... : "Le 28 8bre 1791 paraît le premier des intrus", ajoute le registre paroissial.

Ceci sans commentaires.

- 1791 : Lallemant (premier des intrus !!!) ordonné par Marolles

Il y a deux ou trois fidèles qui vont à Chauny :

Lochon

Leroy

Duriez

- 1792 : Roux

- 1795 : Maillet

Sauvage

Rolpot

- 1798 : Bourdon

Haury (prêtre et maître d’école)

- 1799 : Turban (prêtre et maître d’école)

Michaux

- 1801 : Rousselin

- 1802 : Demangeot

Duris Trinoque

Haury (déjà nommé)

- 1804 : Macqueret (déjà nommé)

- 1811 : Deullin Louis Jean-Marie

- 1824 : Bonjean François Timothée

Beugniatre

- 1825 : Lemaire

- 1826 : Tatinguet

- 1827 : Trouvelot

Tevenart Constant

- 1837 : Bertaux Prosper

- 1838 : Philippoteaux

- 1851 : Molin

- 1860 : Parmentier

- 1872 : Parent

- 1881 : Leroy

- 1890 : Lebée (curé actuel)


PRESBYTERE


L’emplacement même du presbytère fut donné par une demoiselle Nicole Lafavarette, retirée au couvent du Sauvoir-sous-Laon, le 10 octobre 1429.

Le presbytère fut vendu en 1793 comme bien national.

Les 15 mars et 15 mai de l’année 1826, le conseil municipal de Bichancourt adressa un projet d’acquisition de l’ancien presbytère vendu en 1793.

Une ordonnance royale du 8 octobre 1826 autorisa cette acquisition.

Ce presbytère fut démoli dans la suite et remplacé par une construction monumentale.


INSTITUTRICES RELIGIEUSES


L’année 1847 voit arriver à Bichancourt deux religieuses de la Sainte Famille d’Amiens pour diriger l’école des filles.

L’école était dirigée par deux laïques ; l’une d’elles qui exerçait depuis le 7 novembre 1832, mourut le 25 juin 1847. L’institutrice restante proposa à M. le curé d’avoir avec elle une religieuse.

Le comité local de Bichancourt composé de MM. Leroy, maire ; Philippoteaux, curé ; Lafontaine, percepteur ; Pierre Molin, cultivateur et Montier Thomas, chanvrier et choriste, délibéra et fit appeler l’institutrice pour connaître ses intentions.

Elle préféra de nouveau une religieuse.

Le comité fit la demande à la supérieure d’Amiens et lui exposa les conditions.

La supérieure répondit qu’elle ne pouvait accepter la direction de l’école des filles de Bichancourt, pour exercer ces fonctions conjointement avec une institutrice séculière, attendu que cela était contre leurs règles. Elle ajoutait que si la dame institutrice quittait le poste et si le comité voulait deux religieuses, la chose pourrait se faire facilement. Bref : elle exposait des conditions.

Le 31 décembre 1846, Melle Innérie Roux, institutrice, tomba malade et démissionna peu de temps après.

Le conseil municipal fit alors venir deux religieuses.


AGRICULTURE
MÉTHODES D’EXPLOITATION, OUTILLAGE, PROGRES, etc...


L’agriculture est restée longtemps stationnaire parce qu’elle fut entravée par la routine et elle n’est encore actuellement qu’un art dans l’enfance. Le morcellement des propriétés a contribué à former bon nombre de petits propriétaires qui n’ont pas les moyens d’exploitation nécessaires et qui sont réduits aux plus simples systèmes de culture.
Les méthodes et l’outillage agricoles ne sont en progrès que dans quatre exploitations.
La plupart des cultivateurs ne s’inquiètent pas suffisamment de la nature du sol qu’ils cultivent et l’observation la plus superficielle montre qu’il existe de profondes différences entre les terres qui font partie du territoire de Bichancourt : il faudrait dresser la carte chimique du territoire pour mieux raisonner l’emploi des engrais et modifier les assolements.
Les deux principales cultures sont, en premier lieu, celle de la betterave, puis celle du blé.

CULTURE DE LA BETTERAVE

Etat des dépenses pour 1 hectare :

- 2 labours 72 F

- 2 hersages 18 F

- 3 roulages 12 F

- Semences 30 F

- Façons d’ensemencement 8 F

- ratissages 80 F

- arrachages 40 F

- charriage 45 F

- impôt 8 F

- intérêt du capital à 3 %

intérêt pour l’outillage 120 F

- entretien 15 F

- fumier (pour 2 ou 3 ans) pour l’an 120 F

- charriage de l’engrais

engrais 60 F

Total 608 F

Tous les cultivateurs utilisent les engrais industriels et spécialement les superphosphates, mélanges de phosphates et de nodules rendus plus actifs par l’emploi de l’acide sulfurique et le nitrate de soude, d’un prix plus élevé, mais dont l’efficacité est aujourd’hui parfaitement démontrée.

Ces deux engrais sont associés.

Quant à la quantité employée par hectare, elle varie selon les cultivateurs et la bonne ou mauvaise composition du sol ensemencé.

Nous avons donc enregistré une dépense de 608 F qui s’élèverait de 640 F à 650 F pour les cultivateurs, peu nombreux toutefois, qui emploient les engrais dans de plus grandes proportions.

RENDEMENT POUR 1 HECTARE

Le rendement moyen varie entre 35000 et 40000 kg par hectare depuis les 6 dernières années. Il tend toujours à augmenter.

Comme la valeur de la betterave dépend de la densité du jus qu’elle fournit et que le temps a beaucoup d’influence sur la valeur saccharique de la betterave, nous inscrirons le rendement moyen minimum en raison des chances à courir.

36000 kg à 28 f les 1000 kg = 1008 F

Le bénéfice serait de : 1008 - 608 = 400 F

De plus les queues de betteraves et les fragments de racines servent parfois de nourriture aux bestiaux.

Mais généralement ces parties sont répandues sur la terre afin de servir en quelque sorte à la façon des engrais verts, car ils contiennent une notable proportion de potasse, d’azote et d’acide phosphorique.

Nous les considérerons pourtant comme étant de nulle valeur, parce que les betteraves, plus que n’importe quelle autre plante, font perdre à la terre une grande quantité de substances organiques et de principes minéraux.

Aussitôt que la terre est débarrassée des betteraves, elle est labourée et semée en blé.

LA CULTURE DU BLE

La culture de cette précieuse céréale réussit parfaitement sur le terroir.

On la sème généralement en automne dans les terres cultivées la même année en betteraves.

Dans les terrains bas qui bordent l’Oise, où les débordements sont à craindre, on laboure la terre à l’automne et on y sème le blé en mars. Ce blé croît rapidement et il lui faut autant que possible un vieux guéret car le froment, en général, ne vient que médiocrement sur des terres fraîchement labourées. Le rendement est moindre que celui des blés d’hiver.

DEPENSES POUR 1 HECTARE

- 1 labour 50 F

- 2 hersages 12 F

- semences 40 F

- façons d’ensemencement 10 F

- sarclage 6 F

- moissonnage et liage 30 F

- fourniture de liens 6 F

- rentrage 16 F

- battage 35 F

- Intérêt du capital engagé

- intérêt outillage 108 F

- entretien de l’outillage 10 F

- impôt 8 F

- engrais et charriage d’engrais 56 F

TOTAL 381 F


RENDEMENT POUR 1 HECTARE

Le rendement moyen est de

- 22 quintaux à 20 F le quintal (moyenne) 440 F

plus

- 900 bottes de paille à 20 F le cent 180 F

TOTAL 620 F

Le revenu net serait donc :

620 F - 381 F = 239 F l’hectare

Ces renseignements pris auprès de plusieurs cultivateurs sont rigoureusement exacts.

On voit que dans cette culture, le propriétaire qui fait cultiver réalise un bénéfice environ égal à 15% de la valeur de la terre et de l’outillage.

Celui qui cultive lui-même réalise un bénéfice de 620 F diminué seulement de la valeur des semences, de l’intérêt du capital, de l’impôt, de l’entretien de l’outillage et de l’engrais, ou

620 F - 216 F = 404 F

AUTRES CULTURES

Les cultures qui viennent ensuite sont, par ordre d’importance, celle de l’avoine, de la luzerne, de la pomme de terre, du seigle.

Chaque cultivateur cultive l’avoine en raison de la quantité qui lui est nécessaire pour la nourriture des chevaux. Elle est donnée utilement aux volailles pour favoriser la ponte.

La dépense à effectuer pour la culture d’un hectare est, sauf l’engrais que l’on n’utilise pas, le même que pour le blé et le rendement est moins élevé.

La paille d’avoine est un excellent fourrage.

La plante fourragère la plus cultivée sur le territoire de Bichancourt est la luzerne que l’on sème à l’automne ou au printemps, à raison de 20 à 25 kg par hectare.

Les rendements sont les suivants : (moyenne)

- fourrage vert : 30.000 à 40.000 kg à l’Ha

- fourrage sec : 7.000 à 10.000 kg

- graines : 400 à 500 kg

Trop de cultivateurs négligent de combattre la cuscute qu’il n’est pas rare de rencontrer sur le territoire. Il est pourtant facile de débarrasser la luzerne de cette plante parasite en arrosant les parties attaquées avec une dissolution de 10 à 12 kg de sulfate de fer dans un hectolitre d’eau.

Chaque famille cultive la pomme de terre en raison de ce qui lui est nécessaire pour l’alimentation annuelle. Pour celles (80 environ) qui élèvent des porcs, la culture en est plus importante.

La pomme de terre se plante en février ou mars, à raison de 1100 à 1300 kg par Ha, le rendement varie suivant les cultures et les années de 200 à 250 hectolitres.

La culture du seigle est peu productrice, aussi cette céréale est-elle cultivée seulement par rapport aux besoins de chaque cultivateur qui utilise la paille pour faire des liens.

Lorsque le cultivateur prévoit une trop grande quantité de paille, il en utilise une partie comme fourrage vert.

Le prix de la terre s’est abaissé dans beaucoup de contrées et l’on doit cette dépréciation du sol aux événements de 1870. Bichancourt n’en a reçu qu’un contrecoup relativement peu important et les terres se vendent toujours bien.

Les prix dont nous avons parlé ne peuvent que s’élever encore car le nombre des cultivateurs tend à augmenter. Dans ces dernières années, 5 ouvriers des établissements industriels de Chauny ont racheté chacun un cheval pour cultiver leurs terres. D’après nos prévisions, nous pensons que d’autres suivront leur exemple.

Après une courte observation, il est facile de voir que ces déshérités obligés de travailler tantôt le jour, tantôt la nuit, au milieu des vapeurs malsaines et suffocantes trouvent de l’attrait à la profession de cultivateur.

Et, de fait, son existence est semée de joies pures, mais comme pour tous les hommes, elles sont entremêlées de tristesses, de craintes, de dangers.

Les intempéries de l’atmosphère : pluies trop fréquentes et abondantes, gelées, sécheresse, grêle, détruisent trop souvent en peu d’instants les plus belles espérances ; les animaux et les plantes nuisibles s’ajoutent parfois à la maladie pour détériorer ses récoltes et pour rendre illusoire les plus douces promesses.

Que de sueurs, de fatigues et de travaux en pure perte ! Mais vienne une bonne récolte, la joie pénètre dans tous les coeurs. La riche moisson promet les jours d’abondance, chasse les noirs soucis, ranime le courage du travailleur et ravive la belle gaîté villageoise.

Les habitants ne se soucient pas assez de l’exploitation des ruches, la seule des spécialités annexes de l’agriculture qui soit possible à Bichancourt. L’industrie de l’apiculture coûte peu et donne généralement de beaux profits.

DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Bichancourt s’est transformé au XIXème siècle, en bénéficiant surtout de la construction des routes, du canal de l’Oise à l’Aisne et du perfectionnement de l’agriculture ?

En beaucoup d’endroits, des habitations plus confortables ont remplacé les chaumières.

Le bien-être pénètre dans la familles ; l’instruction se répand et, avec elle, l’esprit de prévoyance. On compte un assez grand nombre de livrets de Caisse d’Épargne (bureau à Chauny) institution de prévoyance justement populaire, administrée gratuitement, sévèrement contrôlée par l’Administration et sûre en tous points. Les ouvriers des Établissements Industriels de Chauny (Soudière et Glacerie en grande partie, ont un livret de la Caisse des Retraites pour la vieillesse, autre institution du 18 juin 1852, qui permet aux gens laborieux et prévoyants de s’assurer des ressources pour leurs vieux jours et de ne pas être exposés à la pauvreté ou au dénuement. La Société de secours mutuels est moins connue. Les Bichancourtois ne comprennent pas que l’homme pris isolément, est peu de chose ; qu’associé à ses semblables pour l’esprit et par le coeur, il devient dans la lutte du bien, une force indestructible ; qu’étant tous frères, dans la grande famille nationale, ils doivent s’aimer, rester unis, se secourir ; ils semblent ignorer que c’est de ce besoin d’aide réciproque qu’est sortie la création des sociétés de secours mutuels, une des formes de la solidarité le mieux entendue. Ce défaut, grâce à la création des sociétés scolaires de secours mutuels et de retraite (cantonales) va bientôt disparaître. Ces sociétés, moyennant une cotisation hebdomadaire de 0,10 F, ont pour but de venir en aide aux sociétaires participants, en payant à leurs parents, ou aux ayants droit, une indemnité en cas de maladie des sociétaires ; de constituer, en faveur des membres participants, conformément à la loi du 1er Avril 1898, un capital de retraite inaliénable, destiné à leur servir des pensions de retraite ; d’établir au profit de chacun d’eux, les premiers éléments d’un livret personnel de retraite à capital réservé ; de faciliter à leur sortie des classes l’admission des jeunes gens, dans les sociétés approuvées de secours mutuels d’adultes ; de les encourager dans la poursuite de leurs études complémentaires ; de leur assurer l’appui moral et fraternel de leurs anciens condisciples et de les seconder dans leur placement professionnel. Si tous les instituteurs font de la propagande en leur faveur, les adhérents seront nombreux.

Concurremment avec la charité privée, la commune secourt les indigents peu nombreux du reste.

Bichancourt ne sera probablement jamais un centre considérable ; mais la condition actuelle de la commune peut encore s’améliorer beaucoup.


VUE GENERALE - CONCLUSION


Si la modeste histoire de Bichancourt ne renferme aucun événement d’importance nationale, elle n’en offre pas moins un puissant intérêt pour les habitants du village.

Depuis l’Age de Pierre jusqu’à nos jours, de nombreuses générations ont travaillé à rendre le pays hospitalier. En même temps que les centres d’habitation prenaient naissance, le sol, longtemps boisé, s’est peu à peu cultivé. Après la misérable période préhistorique et la phase d’esclavage des temps Gallo-Romains, Bichancourt a connu la féodalité. Les seigneurs du Bac-Arblincourt étaient châtelains des fiers sires de Coucy.

Le château de Coucy qu’on aperçoit très distinctement de Bichancourt, bâti à l’extrémité d’un plateau de forme irrégulière et dominant de rapides escarpements qui l’élèvent d’environ cinquante mètres au-dessus d’une riche vallée, dévoile en quelque sorte le passé aux regards éblouis et n’est pas pour faire regretter la dure époque féodale. On dirait que le génie sombre et altier de la féodalité a comme oublié d’emporter quelque chose de ces ruines.

Plus tard le servage s’adoucit ; mais nul n’envierait aujourd’hui la condition des villageois d’avant la Révolution.

Depuis 1789, les habitants de la commune, comme ceux de la plupart des communes françaises, ont su mettre à profit les avantages de la société moderne.

Le travail et l’économie, ces deux vertus capitales, sont partout en honneur dans la commune, et celle-ci, habilement administrée depuis une trentaine d’années, n’a jamais connu de jours meilleurs que ceux de l’EPOQUE CONTEMPORAINE.

Cette prospérité ne saurait manquer de s’accroître - en augmentant celle de notre chère Patrie - si la population, soucieuse d’éclairer son activité, sait de plus en plus adapter ses efforts aux conditions variées du milieu où elle vit, et si, tout spécialement, elle s’applique à tenir compte des progrès qui s’accomplissent en agriculture.




(1) Cette charte donne le revenu de Bichancourt à l’abbaye de Nogent :
"Nous Elinand, par la grâce de Dieu, évêque de Laon, à tous présents et futurs, faisons savoir que nous avons donné au monastère de Ste Marie, situé à Nogent, les quatre églises de Pierremande, de Champs, de Bichancourt, de Folembray pour aider au salut de notre âme, et que nous avons enlevé ces églises des mains des laïques pour les concéder à perpétuité à nos frères, qui dans ce monastère combattent pour le Seigneur.
Donné à Laon, l’an du Seigneur 1089.
En 1145, une bulle du pape Eugène III confirmant les donations et privilèges de l’Abbaye de Nogent, indique à l’autel de Bichancourt ses hôtes, ses terres, ses biens, ses près."

(2) Cette ferme fut incendiée par les soldats espagnols. Elle fut reconstruite en 1604 pour une somme d’environ 500 livres, sans compter le bois employé à sa construction. (En Chron. D Cotron)
Sur la facade figure l’inscription suivante:
LA CENSE
1661
1876
1924

(3) Note. 36. - CHARTE DE FRANCHISE OU DE COMMUNE, DONNEE PAR ENGUERRAND III, EN FAVEUR DE SELENS ET DE SAINT-AUBIN. - TRADUCTION AUTHENTIQUE.
Nous, Enguerrand, sgr. de Coucy, faisons savoir à tous ceux qu’il appartiendra, présents et à venir, que notre bonne mére Adelaïde, d’heureuse mémoire, aurait autrefois, de notre consentement et de celui de Thomas et Robert, mes frères, et aussi d’Agnès, ma soeur, et de plusieurs personnes de son conseil, accordé la loi de Vervins aux hommes de Selens et Saint-Aubin. Mais Thomas, notre frère, a depuis peu changé l’ancienne loi de Vervins, et à la prière des habitants de Selens et Saint-Aubin, qui étaient ci-devant tenus de suivre la loi de Vervins, nous leur avons accordé et voulons que, comme ils avaient la loi de Vervins, ils aient à l’avenir la loi de Bovin (Baccia) pour y plaider et y recevoir ou requérir les jugements et sentences pour la défense de leurs droits ; nous consentons qu’ils aillent dorénavent en la ville franche de Fongrus pour y requérir justice et régler leurs droits, et nous leur avons accordé cette loi à perpétuité, sauf les droits de l’Eglise et de nos hommes d’armes. Suivent les 36 chapitres de cette charte, dont le dernier est ainsi conçu:
- Et afin que notre présente concession ne puisse être changée à l’avenir par aucun de nos successeurs, nous l’avons autorisée de notre seing, par notre serment et trouvée digne d’être confirmée par le serment de nos hommes d’armes qui ont signé avec nous, savoir: Jean d’Erblaincourt, châtelain de Mons ; le seigneur Eustache de Myaute (Méaute); le seigneur Jean de Procher, et Pierre Judas. Donné publiquement à Coucy, l’an de l’Incarnation de N. S. 1235, au mois d’octobre. Signé de Dormoi à la minute des présentes écrites en latin.
Source : TROSLY - LOIRE de Martin-Marville, Noyon 1870. Pages 261-262)

(4) Note de l’auteur en marge :
En 1569 la fabrique achète trois et paye :
"A Jérôme.. cordier à Chauny, pour fait trois cordes servant aux cloches, X s.
"A Jehan Estrelin et Christophe Brochard, pour avoir fait des fléaux aux cloches, XXV s.
"A Pierre.. serrurier demeurant à Chaulny, pour avoir faict six razoires et trois flottes et trois verges servant aux cloches, X s.VI d
"A Luc Féré pour ungne piéche de boys qu’il a bailli pour faire des fléaux aux cloches, III s."

(5) note de l’auteur en marge :
"L’église avait la Maison des complies, dont le revenu servait à payer celui qui était chargé de sonner Complies (l’Angelus) ; ce devoir ayant été négligé en l’année 1668, on signifia à Claude Gouvion et Antoine Brochard, « que faute de sonner Complies, on les allait contraindre par justice.»
L’église possédait également la Terre de la Passion, donnée par Pierre Vaillant avec charge de faire prêcher la Passion tous les ans, le jour des Rameaux, et chanter un Libera pour le repos de son âme. Vers 1580, le prédicateur recevait douze deniers pours ses honoraires ; ils furent portés à quatre sols en 1624."



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